Drôle de Guerre, invasion, occupation.

Suite à l'envahissement de la Pologne par les allemands, la France et l'Angleterre ont déclaré la guerre à l'Allemagne.
Je me permets de le rappeler, car ce n'est plus vraiment une évidence pour beaucoup.
Dans la bonne conscience générale, le vaincu est bien souvent accusé de tous les maux.

Il est vrai qu'il fallait lutter contre le fascisme, mais ce ne sont pas les français qui l'ont éliminé.
Michel Sardou a chanté "Si les ricains n'étaient pas là".
Vous ne trouverez pas de meilleur résumé.

La défaite, nette et sans contestation possible, ne laisse pas de trace écrite sur la commune,
les narrations sur cette période à Badonviller ne commencent qu'en 1944.

Comme des millions de français, mes parents ont vécu la guerre des petites gens, ballottés et résignés.

Récit rapide de leur expérience.


BADONVILLER
Une ville sans mémoire est un corps sans âme

        La guerre de mon père peut se résumer en quelques mots:

on est mobilisé
on se range derrière la ligne Maginot,
on creuse des tranchées,
on se déplace sur le front,
on est attaqué,
on se replie,
on est encerclé
on se rend
on reviendra dans cinq ans.
Et sa conclusion de captivité, lui qui n'était pas un causeux :
"Les pires, c'était les alsaciens."

        Mon père n'a pas eu l'occasion de tirer un seul coup de feu, ni de servir la mitrailleuse à laquelle il était destiné. Il n'avait d'ailleurs qu'une confiance toute relative en son arme qui n'a été utilisée qu'au stand de tir.
        Ainsi que des dizaines de milliers de soldats français, il a eu le malheur d'obéir à ses officiers, ou le bonheur de traverser toute la période sain et sauf, pour revenir en excellente santé de cette guerre. Quant au moral et à la confiance en notre belle république, c'est une question qu'il valait mieux éviter.

        Ma mère ayant, même tout enfant, connu 14 - 18 et ne désirant pas risquer l'attente de l'envahisseur, monta dans la voiture de sa belle-sœur pour finir par se retrouver en Charente, dans une débâcle complète. Puis, lorsque les vainqueurs délivrèrent les fameux "Ausweiss" afin de laisser revenir de la main d'œuvre en zone interdite, elles s'en revinrent à Badonviller et reprirent la vie dans la commune jusqu'à la libération.



L'activité ouvrière a continué durant la guerre, même si c'était au ralenti, comme à la faïencerie dès l'été 1940, à moitié des effectifs.
La forêt est toujours exploitée, et le restera durant toute la guerre, par l'appoint des "requis forestiers" logés dans les locaux du "velours".

Mais très vite la forêt va bruire d'autres échos, beaucoup plus feutrés que celui de la hache et du passe-partout.


BADONVILLER
Résistance et libération

        La photo aérienne montre que, où que vous alliez en sortant du village, vous entrez presque toujours en forêt. Et "dans l'boué", c'est silence et discrétion. Etant gamin et curieux je me heurtais aux choses que l'on ne dit pas, qui font que l'on évite très rapidement de poser les questions.
        Cela commence par les PASSEURS, personnes qui conduisent et hébergent la journée toutes les personnes qui tentent de fuir les régions annexées, Moselle, Haut-Rhin, Bas-Rhin, et les prisonniers de guerre évadés (comme chez mon grand-père). Des routes de bonne volonté et de dévouement se mettent en place à travers la zone interdite bordant les départements annexés, vers la zone occupée puis la zone libre du sud de la France. Tout ceci devant les occupants omni-présents, mais qui sont surtout des troupes au repos, donc peu désireuses de faire du zèle. Le danger vient plus des services de sécurité allemands, avec leur cortège d'arrestations, d'interrogatoires et de déportations en Allemagne. Ce sont des milliers de personnes qui ont ainsi été camoufflées, habillées et transportées: prisonniers, patriotes alsaciens et lorrains, réfractaires au travail obligatoire en Allemagne, et quelques aviateurs alliés.
        Dès 1942, ce sont les premières déportations pour faits de résistance avec l'abbé Morand, curé de Badonviller, Mme Adloff, personnes parmi d'autres qui diffusaient les journaux clandestins, fabriquaient les vrais "faux" papiers, régularisaient des contrats de travail, diffusaient des tickets d'alimentation.
        C'est en fait le refus du Service du Travail Obligatoire qui va grossir les effectifs des maquis à partir de 1943. Toute la forêt vosgienne dissimule des groupes d'hommes qui pensent plus à se cacher qu'à lutter contre les troupes occupantes, fautes d'armes, d'entraînement et d'encadrement. A Badonviller, ce sont les gendarmes qui recueillent ces réfractaires, les orientant vers l'hôtel de la gare, et ensuite vers la forêt. Il existe un bon petit livre: "Le lieutenant Jean-Serge", relatant tous ces événements par une personne les ayant vécu.
        En fait, c'est l'année 1944, à partir du débarquement en Normandie que tout va se jouer. Début avril, Emile Fournier, le maire est déporté à Buchenwald, passant par Charles III à Nancy, Compiègne et Drancy, déportation, dont il reviendra, pour faits de résistance.


        Il faut dire que la prudence n'était pas son fort, s'étant aperçu au cours d'une discussion avec un allemand que ses allumettes étaient... anglaises. C'est mon grand-oncle, premier adjoint, qui va le remplacer jusqu'à sa libération.
        Après la défaite de Falaise, les allemands refluent mais sont loin d'être vaincus. Ils n'en sont que plus dangereux. Paris libéré le 22 août, pour beaucoup de français, la guerre est finie... Il ne reste encore une fois que ces provinces de l'Est qui ont l'habitude!



Libération


Les trois derniers mois d'occupation vont être les plus durs de la guerre.
Les allemands, nerveux, pourchassés, sont aussi en proie aux coups de mains des maquis
qui rendent tous leurs déplacements incertains.

Tout est problème, ravitaillement, manque d'électricité qui ne sera plus fourni que par la faïencerie,
réquisitions et tracasseries.

Les hommes sont contraints à participer à l'édification d'une ligne de défense pré-vosgienne,
connue sous le nom de Vorvogesenstellung, constituée surtout de fossés antichars et d'abattis d'arbres.
Sans oublier non plus les champs de mines antichar.

Les hommes arrêtés risquent à tout moment leur vie ou la déportation
et le sommet sera atteint début septembre avec l'affaire du maquis de Viombois.


VIOMBOIS
L'erreur

        Les alliés ont, comme à leur habitude, effectué des parachutages d'armes aux maquis situés juste à l'avant du front, et les hommes, jusqu'à présent seulement volontaires "sur liste, sur papier" ont reçu l'appel à participer à la lutte. Comment ne pas qualifier d'erreur le rassemblement , deux mois avant la libération du secteur, en ce début septembre, de plus de 800 hommes non formés et instruits militairement, au plus mauvais endroit, la ferme de Viombois, terrain non dissimulé à la vue, alors que les forêts protectrices sont à quelques kilomètres. Leurs chefs membres de longue date des réseaux de renseignements, n'ont, pour beaucoup, aucune connaissance militaire. Viombois se situe en plein milieu de la ligne de résistance allemande en construction, et ces volontaires au combat sans instruction vont être très durement attaqués par des troupes aguerries par cinq années de lutte.


        Les combats sont très durs et les morts et blessés nombreux. Les assauts allemands ne sont plus contenus que par les quelques maquisards endurcis par des mois de clandestinité et, lorsque l'ordre de disperssion est donné, c'est plus le sauve-qui-peut que la retraite en bon ordre.
     A Viombois, il n'y a pas eu de prisonniers faits par les allemands, la ferme sera incendiée avec morts et blessés, et les survivants vont errer dans les bois et tenter de rentrer chez eux sans se faire prendre. J'ai le souvenir d'un homme racontant qu'il avait passé deux jours perché dans un arbre.
        Les hommes pris sont fusillés après "interrogatoire" par la Gestapo.



        Le canon tonne autour de Badonviller, les obus tombent et les américains n'avancent pas... La population sait que Baccarat est libéré depuis le 31 octobre, et la situation devient de plus en plus précaire. Les alliés sont arrêtés à 9 km, et puis à 5, et rien ne vient.






Croix de Guerre 1939-1945