Salm en Ardenne
Eclairer l'histoire de Salm c'est, avant tout, retourner aux premiers témoignages faisant
état de son existence. C'est dans les années trente du XIe siècle (1034-1035) qu'apparaît pour la première fois le nom de Salm dans les
textes. La charte dont il est question rapporte une transaction entre l'abbaye de Stavelot et celle de Trèves; le Comte Gislebertus de
Salmo, descendant et vassal de ses puissants voisins, les comtes de Luxembourg, signe ce document en qualité de témoin.
Dès l'existence du comté, les seigneurs se sont mis en quête d'un lieu susceptible de
devenir chef-lieu de leur territoire.
Gislebert de Salm et ses premiers successeurs n'ont sans doute pas résidé à demeure dans leur possession salmienne, mais dès 1153,
au plus tard, un donjon fortifié, symbole de la puissance du seigneur, est édifié à Salm. Depuis 1131, probablement bien avant, la
paroisse de Salm est constituée.
Un Comte de Salm devient roi
Au XIe siècle, les comtes de Salm vont déployer une ardeur peu commune à étendre leur
puissance et leur renom en Europe. Le fils de Gislebert, Herman Ier est une personnalité marquante. En 1081, Hermann Ier de Salm,
neveu de l'évêque de Metz Adalbéron III (1047-1072), est élu antiroi (1) par les princes hostiles à la politique du roi Henri IV.
1) Hermann Ier était le candidat d'une faction de
princes allemands opposés à Henri IV (celui de Canossa), roi et futur empereur du saint Empire. Sa souveraineté ne faisait pas
l'unanimité, c'est pourquoi, il y eut un " anti-roi "
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Pourtant, il faut bien dire que le comté de Salm n'offre pas grandes richesses. Exiguë,
peu fertile, la terre de Salm ne semble pas destinée à jouer un rôle stratégique important dans le concert des principautés naissantes;
c'est pourquoi les fils de Hermann Ier envisagent d'étendre leur domaine.
Salm en Ardenne - Salm en Vosges, le partage d'un destin.
C'est vers les Vosges que vont s'orienter les prétentions des descendants de Hermann Ier.
Hermann II aussi fait partie de la fine fleur de la noblesse: on en veut pour preuve ses épousailles avec cette grande dame de Lorraine
qu'est la nièce du pape Callixte II, Agnès de Montbéliard-Mousson-Bar. Hermann II obtient la charge rémunératrice et influente d'avoué
de l'abbaye de Senones, c'est-à-dire protecteur laïque s'occupant des affaires temporelles de l'abbaye. Car, suivant les paroles de
Saint Paul, les clercs ne doivent pas s'occuper d'affaires séculières. Ils confient donc la tâche de les protéger à un laïc: l'avoué
(du latin : advocatus : avocat). La tentation est grande pour ce seigneur laïque d'outrepasser ses droits et de se sentir maître chez
l'autre.
Au Moyen Age, les biens des riches abbayes étaient forts convoités; l'avouerie constituait
un moyen facile pour distraire de l'abbaye une partie de son patrimoine. On comprend dès lors le zèle déployé par les grands féodaux
pour s'assurer les charges d'avoués.
C'est à Pierre-Percée, en 1111 que s'est installé le Comte Hermann II. L'implantation
définitive dans les Vosges est réalisée à la fin du XIIe siècle. Elle est l'œuvre d'Henri II, le petit-fils d'Hermann II.
Lors de la troisième croisade (1189-1192), ce chevalier chrétien a accompagné l'empereur
Frédéric Barberousse en Terre Sainte; il installe son château sur les terres de Senones à Salm… l'autre Salm, sur les hauteurs de La
Broque. Salm, deuxième du nom est né. Henri, bien qu'ayant vu le jour à " Salm ", se désintéresse de Salm en Ardenne et l'abandonne à
sa sœur Elise. La comtesse héritière Elise de Salm épouse Frédéric de Vianden et cette union consacre une nouvelle dynastie, celle des
Salm-Vianden.
La séparation est consommée: on distingue désormais Salm en Ardenne ou Niedersalm et Salm
en Vosges ou Obersalm. Plus tard, le comté de Salm en Vosges, sera élevé au rang de principauté avant d'être englouti dans la France
révolutionnaire.
Les Comtes déménagent.
Le quatorzième siècle est fertile en événement à Salm. A l'étroit dans leur comté, les
Seigneurs de Salm le sont aussi dans leur château. Certes, depuis 1150, la bâtisse a sans doute été aménagée. Mais elle vieillit et
l'exiguïté de son assise ne permet pas d'offrir le confort qu'exige la maison d'un Seigneur important
Les mœurs du temps évoluent ; la fonction essentiellement défensive de la demeure est
oubliée. Soucieux de bien-être, de puissance et d'espace, les Comtes font construire un nouvel édifice. Leur choix se porte sur un
autre escarpement rocheux qui, lui aussi, domine la vallée du Glain et se trouve à deux kilomètres en amont. L'endroit est alors désert.
Mahaut de Thuin, Comtesse de Salm, va d'ailleurs s'emparer à y attirer les habitants, en accordant une charte de franchise (1362) (2)
au manant (du latin manere : rester, demeurer) qui souhaiterait s'installer au voisinage de son château. Mais en décidant de changer de
résidence, les Comtes de Salm n'ont pas renoncé au nom de Salm. Salm va donc désigner le nouveau château et l'agglomération qui se
développe à ses pieds. Pour éviter toute confusion avec la Salm primitive, on lui accole très vite l'adjectif " nouveau ". On parle de
Nova Salma, Nouvelle Salm puis le terme évolue vers Salma Castri, Salma Castellensi, Salm-au-Château, Salmchâteau; le château devenant
un élément distinctif puisque l'antique ensemble fortifié (Vielsalm) a fini par disparaître (ruines vendues au meunier).
2) La charte des franchises octroie certaines
libertés à ses bénéficiaires, notamment une autonomie plus étendue en matière fiscale.
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La Salm primitive du XIe siècle s'est tout naturellement nommée Salme la Vieille,
Vieille Salm, Alt Salm selon la traduction d'un cartographe allemand du XVIe siècle, Vieille Saulme en ancien français et par
contraction Vielsalm.
Visite de SM le Roi à Vielsalm le 4/3/2004.
Salm en Europe
Installés dans leur nouveau castel, les Comtes, on peut l'espérer, seront plus présents,
s'intéressant davantage aux affaires salmiennes. Cet espoir est vain. En 1415, Henri VII meurt sans prospérité. C'est aux Seigneurs de
Reifferscheidt en Westphalie qu'échoit le domaine de Salm en Ardenne. Les nouveaux maîtres du Comté de Salm vont souverainement
ignorer ce petit morceau d'Ardenne. Tout au plus se résoudront-ils à s'y rendre pour de brefs séjours. Ils abandonnent la gestion de
leurs propriétés à leurs représentant : les hauts officiers. Le Comté de Salm en Ardenne reste confiné dans ses bois, ses plateaux et
vallées. Son renom ne dépassera plus guère ses limites territoriales.
Cruel destin que celui de Salm! Berceau d'une grande dynastie, qui brillera dans toute
l'Europe, mais négligera superbement la terre qui l'avait engendrée. La terre de Salm retourne dans l'anonymat dont l'avait extraite le
Comte Gislebetus de Salmo.
Aujourd'hui que le mythe très ancien de l'Europe devient réalité, il est à peine
exagéré de dire que le Comté de Salm a engendré une destinée européenne avant la lettre. En dépit de 1000 ans de tourments, le nom a
parcouru l'Europe de la Calabre (Catanzaro en Italie du sud), à la Bohême (Tchécoslovaquie) en passant par les Vosges, la Westphalie
(Allemagne), l'Oesling (Vianden au Grand-Duché de Luxembourg) où les traces de Salm sont encore palpables. Cet ensemble si éclectique
doit assurément exprimer une identité à l'échelon des petites communautés qu'il serait peut-être utile de raviver au moment où l'Europe
cherche à briser définitivement les particularismes nationaux. Salm est peut-être encore porteur d'un certain avenir.
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