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Index Les Voyageurs de la PRINCESS AUGUSTA



TERRES CATHOLIQUES SALMOISES ET LORRAINES




LE VAL D’ALLARMONT ET SES ABORDS

BADONVILLER

       Au départ simple village, Badonviller devint bourgade à partir de 1574, lorsque Diane de Dommartin, veuve du « Rhingrave » (= Comte sauvage du Rhin) Jean-Philippe, vint s’y fixer. La bourgade fait figure de capitale de la partie comtale du Salm...

       Tout cela est un peu compliqué... en même temps, toutes ces complications n’ont pas que des inconvénients... la population y gagne la liberté religieuse pendant un temps. En 1612 encore, catholiques et protestants se partagent l’église de Badonviller.

       Mais la liberté religieuse diminue au fur et à mesure que la Lorraine ultra-catholique pousse ses pions... A partir de 1618, la répression du protestantisme devient violente; on édicte des peines non seulement contre les réformés, mais aussi contre les catholiques trop tièdes; il est obligatoire d’assister à la messe et de prendre les sacrements; en 1625, le temple est fermé, les pasteurs expulsés.

       Ceux des protestants qui restent fidèles à leur foi se réfugient à Sainte-Marie aux Mines, emportant avec eux leur registre paroissial.

BREMENIL ET NEUVILLER LES BADONVILLER

       Ces villages sont situés dans les environs immédiats de Badonviller.

       Ils font partie au Moyen Age d’un ensemble appelé Ban le Moine, composé de Neuviller (les Badonviller), Bréménil, Sainte Agathe, Allencombe et Angomont, auxquels on ajoute parfois Allarmont, Vexaincourt et Luvigny. Le Ban était à l’époque le territoire sur lequel un seigneur exerçait son autorité. Ce nom de Ban le Moine nous indique donc que la région avait pour seigneur un monastère, et plus précidément le monastère de Saint Symphorien de Metz (c’était il y a très longtemps, puisque l’abbaye fut détruite en 1444). L’église-mère est celle de Neuviller les Badonviller , ce qui nous explique pourquoi tant de Ory font l’objet actes d’état-civil mentionnant Neuviller alors que la famille indique venir de Bréménil.

       Bréménil a son sorcier: en 1606, les comptes enregistrent l’inventaire et la vente, au profit des seigneurs, des biens de « Simon le Mariesse », de Bréménil, brûlé pour sortilège.

       Nos villages eurent à souffrir pendant la guerre de Trente Ans. Les Suédois s’attachèrent en effet à détruire les fortifications du pays de Salm, en particulier celles de Badonviller. Etant donné que nos villages en sont proches voisins, ils ont du être pris dans la tourmente.

       L’on a quelques chiffres relatifs aux villages de Raon et Luvigny, qui sont très proches des nôtres. La forte diminution de population paraît, ici, chose réelle:


(rappel d’un ecadré précédent)

Documents relatifs à Raon sur Plaine et Luvigny:

       Geny signale une supplique de 1633 adressée par le curé Villermain. Celui ci y indique qu’il y aurait plus de 500 communiants à Vexaincourt, Luvigny et Raon. C’est une population fort conséquente. Et peut-être un chiffre alamant, car il donne plus l’impression d’un afflux de réfugiés que d’une population normalement installée.

       Or, en 1663, le curé de Raon sur Plaine dresse une liste de paroissiens dépendant du Comte, qu’il certifie exacte. Il paraît difficile de mettre en doute la parole du curé sur ce point. Cette liste paraît inclure également Luvigny, puisqu’elle comprend un habitant de ce village. Elle liste onze paroissiens seulement: Jean Patissier, maire; Jean Michel, maréchal; Jean Mongeon, forestier; Pierre Drouat, boquillon; Jean Michel le Vieux; Nicolas Chapelier, recouvreur; Jean Parxel; Nicolas, de Luvigny , manouvier; Claude Tonnesse, réfugié, manouvrier; Jean Colin, manouvrier; le veuve de Demenge Lecomte.

       Il y a donc eu une forte chute de la population. Ce qui ne veut pas dire que tous ceux qui manquent soient morts




       Dans les années qui suivirent la Guerre de Trente Ans, Neuviller a à souffrir, et probablement en va-t-il de même de Bréménil: l’église aurait été incendiée en par les Suédois en 1652, date assez surprenante (la guerre de Trente Ans s’étant terminée en 1648, et la phase suédoise en 1635) mais pas impossible quand même, car la guerre n’en finissait pas de finir; en tous, cas, il est vraisemblable que les auteurs des destructions ne sont pas les Suédois, qui ont quitté le pays depuis 1635... ; ou alors c’est la date qui n’est pas 1652... ; une rue aurait été détruite et jamais rebatie; le moulin aurait été détruit avec personne pour le rebâtir; le village aurait été désert; certes, en pays de Salm, ce genre d’affirmation doit toujours être pris avec circonspection, mais en l’occurrence, l’aspect du terrain semble confirmer.

       Bernard Louis écrit:

       « La surélévation du lieu, qui semblerait artificielle par endroits, prouve bien la présence de constructions anciennes, démolies pendant la Guerre de Trente Ans, et corrobore l’affirmation d’Emile Amboise au sujet d’une rue de Neuviller qui fut entièrement démolie par les Suédois et jamais reconstruite. »

       Donc, pour nous résumer: il s’est bien passé quelque chose, même si la date et les circonstances ne peuvent être précisées; et Bréménil ne s’est pas relevé facilement. C’est peut-être ce qui nous explique que la famille ORY, pendant plusieurs générations, oscille entre Bréménil et Saulxures pour finalement aller s’installer à Natzwiller avant le grand départ pour l’Amérique.

       Ici, je vais risquer une hypothèse:

       Nous avons, sinon des preuves, du moins des indices très concordants, qu’il s’est « passé quelque chose » à Bréménil durant la Guerre de Trente Ans. Et en même temps, il est totalement impossible, vu les dates, que les auteurs des destructions soient les Suédois. Je penserais plutôt à des soldats alliés (alliés des Comtes de Salm, donc catholiques). Mais cela, bien sur, la population ne s’amusait pas à le dire quand elle adressait des suppliques à ses seigneurs pour être dégrevée d’impôts. Elle devait faire semblant de croire que les auteurs des destructions étaient les ennemis suédois.

       D’où mon hypothèse: si les auteurs des destructions à Bréménil sont des catholiques, et si la famille ORY, qui a ses racines dans ce village, en a gardé la mémoire, cela expliquerait que plusieurs membres de la famille ORY se soient convertis au protestantisme; ouvertement, pour François, à son arrivée en Amérique; et probablement, avant cela, de façon secrète, comme en témoignent les alliances de la famille ORY avec le clan RUPP/DELLENBACH.



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