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Index Les enfants de la PRINCESS AUGUSTA




Suisses au bord de la crise de nerfs...


       Dans les réunions clandestines, il est beaucoup question du refus de porter les armes et du refus de prêter serment d’allégeance, mais est-ce que tout le monde met la même chose sous ces mots? Il y a sans doute des prédicateurs qui sont pacifistes pour des raisons morales, mais il y a aussi sans doute des auditeurs qui ne veulent tout simplement pas se faire trouer la peau pour une ville de Berne dont ils ne sont pas citoyens... et sans doute aussi y-a-t-il déjà des ambitieux qui, en contestant toute soumission au pouvoir étatique (enregistrement de l’Etat-Civil, serment, service militaire) songent déjà à créer ces petits Etats dans l’Etat que seront un jour certaines Eglises mennonites, surtout en Amérique... Lorsqu’il s’agit de se réunir en secret pour applaudir un prédicateur contestataire, les contradictions n’apparaissent pas, mais elles sont bien là...

       Globalement, le climat politique, dans les villages du canton de Berne, est celui d’une crise de la notion de citoyenneté. En théorie, la Suisse se gouverne de façon démocratique, et les bourgeois du lieu détiennent le pouvoir... Oui mais... Toute la difficulté est d’être considéré comme un bourgeois du lieu; le moindre déménagement fait de vous un émigré à vie, et même plus longtemps encore qu’à vie, puisqu’on reste, au fil des générations, bourgeois du lieu de naissance de ses ancêtres et non du lieu où l’on vit; et d’ailleurs, vu les rapports de force entre collectivités, la seule chose qui compte, c’est d’être bourgeois de Berne; et pour cela, il ne suffit pas d’habiter Berne: encore faut-il y avoir eu ses ancêtres à la bonne époque. De fait, les « bourgeois de Berne » constituent une sorte d’aristocratie dominant tout le canton. De sorte que le régime politique du canton de Berne est en théorie la démocratie, mais en réalité l’oligarchie.

       Et si au moins ce pouvoir fichait la paix au paysan de base... Mais non... Figurez vous qu’à certaines époques, Berne a envie de jouer dans la cour des grands, et, là, pour provoquer de grands élans d’héroïsme, elle se rappelle tout d’un coup que les paysans des villages sont de libres citoyens, même si c’est d’une façon un peu virtuelle, et elle s’attend à ce qu’ils prennent les armes comme un seul homme pour la patrie, c’est à dire (les paysans le voient bien, ils ne sont pas idiots) pour l’oligarchie bernoise.

       D’où de fortes tensions ville/campagne qui ont culminé lors de la révolte paysanne de 1653. Cette année là, les paysans se sont soulevés, et ils ont même encerclé Berne, qui a eu très peur et n’a jamais pardonné. La répression fut terrible dans tout l’Oberland … l’émigration commence... C’est peut-être un hasard, mais c’est à cette époque que mon ancêtre Jean VERLY arrive au Ban de la Roche... Je ne puis m’empêcher (sans preuves bien sur) de l’imaginer au nombre de ces Rustauds qui ont fait trembler Berne...


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