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LA VIE DE «PETER BINKLEY» PAR LUI-MEME

       Pierre PINCKELE/Peter BINCKLEY est plus représentatif de la seconde implantation morave, celle de Caroline du Nord.

       (récit dicté à «Sister Cramer», Peter ne sachant pas écrire; cette pluralité d’auteurs explique peut-être les substantielles erreurs de dates, dont la plus grave concerne le décès des parents de Peter, survenu au Ban de la Roche et non en Suisse et alors que Peter était adulte; la rédaction de tels mémoires était une coutume instituée par Zindendorf)

       _From The Records of the Moravians in North Carolina, Volume 4, page 1824:
       July 11, 1782 - Brother Binckele came to have his memoir written, which was done on the twelfth by Sister Cramer.
       (A copy of the translation of the original German memoir, found in the archives of the Moravian Brethren at the Home Church, Salem, North Carolina. Translated by Dr. Adelaide Fries, archivist; copy secured from her by Ruth Carver Gardner, June 25, 1934.)

MEMOIRE DU FRERE PETER BINCKLEY

       qui a quitté cette vie le 20 août 1793. Il était né le 2 mars 1704 au village de Guckensberg dans le Canton de Berne… (note: probablement Guggisberg / Wahlern; MF) en Suisse. Ses parents étaient Christian BINCKLEY et Elizabeth, nom de jeune fille BURG. Son père mourut lorsqu’il avait neuf ans. En raison de la pauvreté de la famille, notre frère défunt dut chercher sa vie chez les autres dès l’âge de six ans.

       Dans sa treizième année, sa mère partit pour l’Alsace; l’année d’après, son frère vint les rejoindre; ils vécurent ensemble trois ans, gardant les troupeaux. Ensuite, il se mit au service d’un autre fermier pendant deux ans. Ce dernier lui conseilla d’apprendre le métier de cordonnier, ce qu’il fit pendant 14 jours; puis il s’engagea deux ans chez un aubergiste comme conducteur. La grande taille de la ferme et les occasions de mal faire…

       (note: les parents de Peter étant décédés à Bellefosse, c’est dans ce village que nous chercherons cette ferme dont la grande taille était, selon lui, une permanente incitation au mal; la seule ferme de grande taille à Bellefosse était la cense du Bas-Lachamp… cense qu’il est un peu surprenant de voir décrire comme un lieu de perdition qu’un bon chrétien doit fuir s’il se soucie de son âme… MF)

       …lui causèrent du souci pour le salut de son âme. Afin de quitter cet endroit, il épousa Anna Maria Werly et resta dans le voisinage, c’est à dire dans le «Steinthal District»…

       (= Le Ban de la Roche. Monique François),

       …pendant 12 ans, gagnant la vie de sa famille en coupant du bois et en fabriquant du charbon de bois. Huit ans après son mariage, lui et un autre homme avec lequel il était en train de couper de l’herbe furent frappés par la foudre alors qu’ils s’étaient abrités sous un hêtre; il fut brûlé si gravement qu’il dut rester au lit plusieurs semaines. Cet événement retarda de quatre ans son projet de partir pour l’Amérique, mais entre temps, il s’associa avec les personnes éveillées (Awakened People) du voisinage.

       (note: cette mention des «awakened people» du voisinage est bien intéressante; il semblerait donc qu’il y ait eu, au Ban de la Roche, des réunions religieuses, en dehors du cadre des Eglises institutionnelles, ayant pour participants des personnes qui estimaient avoir été éveillées par une expérience spirituelle personnelle; il est bien dommage que ce texte de Peter Binkley soit la seule source sur ce sujet à ma connaissance; on aimerait bien en savoir plus, mais il faudra rester sur sa faim)

       En 1736, avec d’autres Awakened families, il émigra en Amérique; il arriva à Philadelphie vers la fin septembre. Le même automne, il se rendit à Warwick

       (note: aujourd’hui Lititz; Dr. Fries)

       …et il y resta deux ans. De là, il partit pour Catores

       (note: Codorus, Pennsylvanie)

       …à neuf miles au dessus de Yorktown. Là, il s’associa avec les séparatistes, et entendit parler pour la première fois du pieux Comte de Zinzendorf, qui toutefois était déjà retourné en Europe. Peu de temps après, il entendit pour la première fois un frère donner témoigne du complet rachat des pêchés que Jésus a fait. Ce fut un grand réconfort pour feu notre frère, qui jusque là n’avait pas eu l’occasion d’écouter de toutes ses oreilles et de tout son cœur la doctrine de la sanctification des hommes par les souffrances et la mort du Christ. Il se mit à rechercher toutes les occasions d’assister aux offices de nos frères, et il écouta souvent prêcher le frère Spangenberg, ce dont il reçut une grande bénédiction…

       (note: August Gottlieb Spangenberg; 1704-1792; bras droit du Comte de Zinzendorf; grand talent d’ organisateur; fondateur d’implantations moraves en Amérique)

       En 1748, son épouse mourut après 24 ans de mariages, béni par la naissance de 14 enfants, dont 6 sont encore en vie. En 1749, il épousa la veuve Maria Margaretha, née GEIGER. De ce second mariage, Dieu lui donna neuf enfants, dont six sont encore vivants. En 1750, il fut «reçu dans l’Unité», et, en 1752, il reçut la communion pour la première fois…

       (note: ce long processus d’adhésion était une caractéristique de l’Eglise Morave telle que l’avait réorganisée Zindendorf; la générosité matérielle du Comte envers «ses fidèles» était bien entendu de nature à attirer dans son orbite des personnes peu désintéressées matériellement; il le savait et en tenait compte, en particulier par un système de filtrage à l’adhésion).

       …En 1763, il déménagea pour Manakasy

       (note: d’après Sara Binkley-Tarpley: il s’agit de Monocacy, Frederick County, Maryland)

       pour être plus près d’une école; mais là, il ne put obtenir que cent arpents de terre sans eau; il vendit cette ferme et, en 1772, il emménagea avec sa famille à Wachovia

carte d'époque de l'implantation de Wachovia/Bethabara/Bethanie. Pris sur ce site:	http://moravianarchives.org/

       (note: implantation Morave en Caroline du Nord; lieu nommé par référence aux terres du Comte de Zinzendorf)

       …il s’installa à trois miles de Bethania.

       (note: Bethania est le principal village de «Wachovia»; à proximité, l’on trouvait aussi Bethabara, à l’origine un fort à palissade, puis un village; aujourd’hui englobé à l’intérieur de la ville de Winston-Salem)

       Telle est son histoire.

       De sa vie ici, et d’après son propre témoignage, on peut dire qu’il aimait le Sauveur et que, en dépit de chutes et d’erreurs, il avait la volonté de Lui être agréable. Il aimait à entendre la Parole de Dieu et assister au culte; ce fut encore plus manifeste quand l’âge l’empêcha de se déplacer à cheval: il fit alors régulièrement trois miles à pied pour assister au culte. Malgré toutes les difficultés qui l’entouraient, il ne laissa jamais se dissoudre le lien qui l’unissait à notre congrégation; il disait souvent que, pour lui, le Sauveur était l’Unique et le Tout, son seul réconfort et sa force; il avait hâte d’être dans sa maison. Tous ceux qui le connaissaient respectaient en lui un homme droit et pacifique.

       Jusqu’au 11 de ce mois, il vint au culte et, comme d’habitude, il s’y montra heureux et affectueux. Le soir même, il fit une grave chute; il semblerait qu’elle ait rouvert une blessure qu’il avait reçue dans une première chute au printemps dernier et dont on croyait qu’il s’était remis. le soir même, il dut se coucher. Il devint bientôt évident que ce serait la cause de sa mort. Ses souffrances étaient aggravées par une toux sévère. Pourtant, il restait alerte d’esprit et heureux quand on lui parla de bonheur qu’il aurait à être bientôt avec Jésus. Il dit qu’il ignorait quel était le plan du Sauveur, mais qu’il était totalement soumis à Sa volonté, et qu’il était heureux de pouvoir dire que rien ne perturbait son esprit.

       La veille de son départ pour notre demeure éternelle, il reçut la visite de plusieurs frères d’ici; il était gai et affectueux; il parut très heureux des cantiques qu’on lui chanta; en les écoutant, il joignit les mains. Il resta conscient jusqu’à la fin et partit doucement et paisiblement le 20 de ce mois.

       Il était âgé de 89 ans, cinq mois, 18 jours. Il est maintenant en paix. De ses 23 enfants de ses deux mariages, onze vivent toujours. Il laisse 62 petits-enfants et 56 arrière petits-enfants. Pour autant qu’on sache, le nombre total à ce jour de ses enfants et petits-enfants vivants est de 129.

       (Sauf mention contraire, les notes sont de Monique-Marie François)


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