table des matières, tome 2
LA CENSE DU BAS LACHAMP



       La cense seigneuriale du Bas Lachamp, à Bellefosse, est proche des ruines de l'ancien château. On y élevait les bœufs du seigneur.

       On appelait "censiers" les locataires de telles fermes seigneuriales. Il s'agissait d'une population précaire et mobile, titulaire de baux périodiquement réadjugés, ne faisant pas partie à proprement parler de la population du village. Les censiers se connaissaient d'un village à l'autre, déménageaient au gré des baux obtenus, se mariaient entre eux, et employaient comme ouvriers agricoles ceux d'entre eux qui n'avaient temporairement pas de bail, à charge de revanche.

       En 1649, le couple Joseph Neuviller - Anne Ringelsbach est signalé comme marcaires à la ferme du Bas-Lachamp. Nous avons eu l'occasion de dire combien ce couple était mystérieux. Il est impossible de savoir si Anne descend des Georges alias Ringelsbach de Riangoutte, ou des Ringispracher, une famille suisse probablement anabaptiste.

       Le couple a cinq enfants réputés nés en Suisse :
  • Marie épouse de Jacques Krieger
  • Jean époux de Marie Thon ; le couple a ses cinq enfants à Bellefosse à partir de 1655
  • Catherine épouse de Georges Parmentier
  • Christian époux de Jeanne Marchal ; le couple a ses cinq enfants à Trouchy, hameau de Belmont, à partir de 1666
  • Mougeotte épouse de Thomas Muller
       Les Krieger tiennent la ferme du Bas Lachamp avec les Neuviller. C'était assez courant d'exploiter la même cense à plusieurs familles. Celui que l'on appelait le censier était en fait un pater familias à la mode antique, un chef de petite entreprise dont dépendaient famille élargie, familles subalternes et domestiques.

       Au bout de quelques générations, les Krieger s'allient aux Redelsperger, eux aussi une grande lignée de censiers.

       Les censiers du Bas-Lachamp sont-ils anabaptistes ?

       La réponse est difficile. Et d'ailleurs pourquoi faudrait-il faire une réponse par oui ou par non? Tout le monde a le droit d'être plus ou moins proche d'une religion ; ou d'être entre plusieurs religions ; ou même d'être tolérants ; tel semble être le cas de nos familles de censiers, que nous verrons, au différents chapitres de ce livre, faire des alliances anabaptistes, luthériennes, réformées (= calvinistes) et même catholiques !

       Pour le moment :

       Pour les Krieger, il est probable que la réponse est négative, comme nous l'avons déjà vu. D'ailleurs, quand ils naissent au Ban de la Roche, les enfants Krieger sont baptisés normalement. Il y a même un Krieger qui devient justicier !

       Pour les Neuviller / Ringelsbach, la réponse dépend du point de savoir si Anne descend des Ringelsbach de Neuviller, qui ne le sont pas, ou des Ringispracher de Suisse, qui le sont très probablement à en juger par leurs alliances.

       Parmi les petites filles de Joseph et d'Anne, deux épousent des Kommer, une famille elle-même alliée aux Sommer, une grande famille anabaptiste.

       Autre bizarrerie : d'après internet, les Kommer étaient et sont très nombreux aux Pays Bas, mais ils ne font une brève apparition en Suisse que vers 1640. Il y a donc une certaine logique à imaginer que cette famille a suivi un chemin de migration classique chez les anabaptistes : Pays-Bas, puis Suisse, puis Alsace. N'oublions pas que Menno Simmons, fondateur de cette église, était néerlandais.

       Pour résumer : nous avons de petits indices d'atmosphère anabaptiste autour des familles Neuviller et Kommer, mais rien d'indiscutable. Ces familles ne défendent pas l'anabaptisme bec et ongles. Elles se fondent rapidement dans la population générale du Ban de la Roche.

       Il est très important de faire la différence entre famille anabaptiste d'une part, et famille ayant tendance à des alliances anabaptistes d'autre part. En effet, en Suisse, l'anabaptisme fut un grand mouvement populaire. Il avait la sympathie d'une large majorité de la population paysanne. Les mariages mixtes étaient nombreux. On respirait donc une sorte d'atmosphère générale anabaptiste omniprésente, ce qui ne veut pas dire que tout le monde était anabaptiste, ni que tout le monde l'était au même degré.

       De plus, en 1653, éclate dans le canton de Berne un soulèvement paysan et qui échoue et qui est réprimé : un Suisse pouvait donc, à cette époque, venir se réfugier en Alsace pour des raisons n'ayant rien de religieux.

       Tout change avec la grande persécution anti-anabaptiste de 1671.

       Cette persécution produit une très grande vague d'immigration suisse en Alsace. Les familles qui en sont issues (la famille Sommer en est le cas-type) sont relativement faciles à reprérer car elles sont arrivées en France au plus tôt en 1671 (date de la persécution) et au plus tard vers 1675, époque à laquelle les contrecoups de la guerre de Hollande atteignent l'Alsace et y provoquent une recrudescence de violences militaires, si bien que nul n'a plus envie d'y immigrer.

       Cependant, ce qui complique les choses, c'est que les anabaptistes, s'ils le pouvaient, évitaient de faire baptiser leurs enfants, si bien qu'il manque des actes et que les lignées sont très difficiles à tracer avec un degré acceptable de certitude.

       De plus, leur religion étant encore plus mal vue des autorités que le protestantisme "classique", ils cherchaient parfois à se faire passer pour des réformés.

       En témoignent ces étranges actes de décès au registre paroissial :

       "Le 16 octobre 1691, entre onze heures et la minuit, est décédée Christine Ris, de Suisse, femme de Ulrich Sommer, et a été enterrée à Fouday le (18?) octobre 1691"

       "Jean Sommer, de la religion réformée, berger à Waldersbach, est mort audit Waldersbach le 10 février 1706 vers les trois heures du matin et a été enterré le jour suivant dans le cimetierre de Fouday, agé de 34 ans."


       Christine Reese, épouse Sommer, est la mère de Jean, berger à Waldersbach.

       Or, la famille Sommer n'est aucunement de religion réformée, c'est à dire calviniste. C'est au contraire un des piliers de l'anabaptisme dans la région. Jean Sommer est l'ancêtre direct des futurs censiers anabaptistes du Sommerhof à Neuviller.

       En revanche, au siècle des Lumières, les interdictions deviendront plus théoriques, et les anabaptistes sortiront de l'ombre.


ELEMENTS GENEALOGIQUES

Descendance de Joseph Neuviller et Anne Ringelsbach, censiers au Ban Lachamp

Génération 1
Joseph Neuviller x Anne Ringelsbach, dont Marie, Jean, Catherine, Christian, Mougeotte

Génération 2
Marie, née vers 1627 dans le canton de Berne, x Jacob Krieger, dont Jacques

Jean, né vers 1630 dans le canton de Berne ; marcaire, forestier ; x Marie Thon, dont Mougeotte, Catherine, Jeanne, Marie, Marguerite

Catherine, x Georges Parmentier

Christian, né vers 1640 dans le canton de Berne, + 20 01 1674 à Belmont ; x Jeanne Marchal, du Trouchy, dont Sara, Jeanne, Catherine, Jean-Georges, Nicolas

Mougeotte, x Thomas Muller

Génération 3

De Marie :
Jacques Krieger né le 22 septembre 1670, Waldersbach (67), décédé le 19 novembre 1704, Belmont x en 1690 avec Mougeotte HAZEMANN

De Jean :
Mougeotte, + 19 11 1704 à Belmont, x Claude Claude
Catherine, x Balthazar Kommer
Jeanne, x Christophe Banzet
Marie, x Pierre Kommer
Marguerite, x Jean-Georges Verly


De Christian :
Sara, x David Banzet
Jeanne, x Sébastien Georges
Catherine, x Benoit Loux
Jean-Georges, x Odile Marchal
Nicolas

Descendance de Jacob Krieger, censier au Bas lachamp

Génération 1
Jacob Krieger, né en 1622, décédé le 30 octobre 1705, Bellefosse , x avec Marie NEUVILLER, née vers 1627, SUISSE, décédée à Bellefosse

Génération 2
Jacques Krieger, né le 22 septembre 1670, Waldersbach (67), décédé le 19 novembre 1704, Belmont x en 1690 avec Mougeotte HAZEMANN, née en 1665

Génération 3
Jean Jacques, né vers 1695, à Bellefosse, x le 19 juillet 1718, à Bellefosse avec Anne Marie GUILLAUME, née vers 1695 à Neuviller-la-Roche, dont David ; xx avec Marie Salomé MARCHAL, dont Anne-Catherine

Génération 4
David, né le 23 janvier 1721, à Bellefosse, marié le 2 mars 1745, à Belmont, Bas-Rhin, France, avec Anne Sionite BANZET, née le 15 novembre 1712, à Belmont

Génération 5
Henri, né le 22 novembre 1750, à Belmont, baptisé le 23 novembre 1750 à Waldersbach ; décédé le 20 février 1813, Bourg-Bruche, Bas-Rhin, cultivateur, marié vers 1774, à Bourg-Bruche, avec Anne Marie REDELSPERGER, dont Jean, Elizabeth, Catherine, Marie-Suzanne, nés à Bourg Bruche

Marie-Madeleine, née le 23 octobre 1757, mariée le 29 octobre 1782, à Sainte Marie Aux Mines, 68160, avec Henri REDELSPERGER, né le 6 mai 1753, à Sainte Marie Aux Mines,

Ascendance d'Anne-Marie Redelsprecher épouse Krieger

Génération 1
1 Anne-Marie Redelsprecher, née à Aubure, Haut Rhin, baptisée le 27 février 1744 à Sainte Marie aux Mines ; décédée le 15 mai 1815, à Bourg-Bruche, x Henri Krieger

Génération 2
2 Jean-Jacques Redelsperger, fermier seigneurial de la Schluck ; né le 11 mai 1720 à Aubure, Haut-Rhin, baptisé le 11 mai 1720 à Sainte-Marie-aux-Mines, Haut-Rhin, décédé vers 1787 à Aubure, ,
3 Anne-Marie Haberstich

Génération 3
4 Jean-Jacques Roedelsperger, fermier de la Schluck, né vers 1690 à Aubure, Haut-Rhin,,France, décédé vers 17 décembre 1759 à Ribeauvillé,,Haut-Rhin
5 Anna Redelsperger, née vers 1660 en Suisse, décédée le 21 avril 1712 à Aubure, Haut-Rhin

Génération 4
8 Michel Redelsperger, fermier seigneurial a la Schluck, né vers 1655 à Trub, Canton de Berne,Suisse, décédé le 13 mai 1712 à Aubure, Haut-Rhin





ELEMENTS GENEALOGIQUES

Descendance de Balthazar Kommer et Catherine Neuviller

Génération 1
Balthazar Kommer o en Suisse, + la Haute Goutte le 3 avril 1718, x Catherine Neuviller, dont Jean, Anne-Marie, Claude et Christophe

Génération 2

Claude, x Marie Scheppler (dont Claude, Jean Jacques, Georges, Christophe, Marie-Madeleine, Anne) ; xx Agnès Reinhardt (dont Joseph, Jean-Vernier, Agnès, Suzanne)

Génération 3

Claude fils de Claude, x Régine Morel, dont Suzanne, Anne, Jean-Claude, Catherine, Marie, Chrétien, xx Catherine Yosle, dont Régine, Charité, Sara

Autres familles (ou plus vraisemblablement : autres branches) de Kommer

Rappelons les autres personnes portant le nom de Kommer et étudiées dans ce texte :
Christine, x d'Ulrich Sommer ;
Catherine épouse de Jean Sommer ;
Pierre époux de Marie Neuviller.


Ajoutons y la famille suivante(Paradis-Kommer), dont l'étude ne manque pas d'intérêt. Cette famille part d'une Catherine Kommer (une autre)

Nous observons trois choses :

1 Cette deuxième Catherine Kommer ci nait en France en 1684 ; probablement ses parents sont ils venus peu auparavant, car il s'agit de la première date précise de Kommer que j'aie trouvée en France ; cela serait un indice d'anabaptisme, car cela nous montre une famille Kommer qui arrive en France peu après la grande persécution de 1671 (sans parler des deux alliances de Christine et Catherine Kommer, je veux dire l'autre Catherine Kommer, avec Ulrich Sommer et son fils Jean)

       1       Mais notre Catherine, la deuxième, s'est fort aisément intégrée à son milieu catholique, comme le montre le nom des conjoints et les lieux de naissance et mariage figurant dans le tableau ci-après ; les Paradis et les Brignon sont des noms catholiques typiques dans la région
       2       Ces alliances catholiques n'empêchent un tropisme au Ban de la Roche : Catherine Paradis, fille de Catherine Kommer, épouse Jean Feldtrauer, mineur de fer aux forges de Rothau ; la famille Kommer sert donc de pont et amène à Rothau une famille catholique qui n'y serait sans doute pas venue naturellement

La famille Kommer (toutes branches confondues) nous donne donc, au plan général, l'impression d'une famille d'origine anabaptiste, mais assez disposée à s'intégrer à d'autres milieux.


Famille Paradis-Kommer

Première génération :
Catherine Kommer, née le 14 mai 1684, Molkirch,67,Bas-Rhin,, décédée le 13 novembre 1740, Barembach, x le 27 novembre 1710, Schirmeck,67130,Bas Rhin,Lorraine,France, avec Jean PARADIS, né le 28 avril 1686, Schirmeck,, Laboureur, dont Jean, Marie et Catherine

Deuxième génération :
Paradis Jean ; x le 10 juin 1741, Barembach,, avec Marie JEROME dont Quirin
Paradis Marie ; x le 26 janvier 1734, La Broque, avec Michel CHARLIER, (né le 22 janvier 1714, La Broque,) dont Marie Jeanne
Paradis Catherine, x Jean Feldtrauer, mineur de fer aux forges de Rothau ; le 24 novembre 1688 - La Broque

Troisième génération
De Jean :
Paradis Quirin, né le 8 avril 1755, Barembach, sabotier ; x le 27 février 1786, Barembach, avec Anne Claire BRIGNON, née le 2 janvier 1760, Barembach,

De Marie :
Charlier Marie-Jeanne, née le 22 mars 1743, Schirmeck, x Jean Christophe BRIGNON

De Catherine
Feldtrauer Joseph, x le 9 novembre 1773, Schirmeck, avec Marie Brignon







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