table des matières, Magique Pays de SALM

UNE SORCIERE BIENFAISANTE



       Vous pensez peut être que c'étaient de méchantes femmes que l'on brûlait.

       Or, ce n'était pas toujours le cas, loin de là, comme le montre l'exemple de la soyouse Jennon Villemin, dite la Gargantine, de Bazegney près de Dompierre.

       Oh ! elle n'était pas allée aux écoles, et ses connaissances en médecine étaient faibles (quoique pas forcément beaucoup plus faibles que celles des médecins officiels de son époque). Alors, elle se contentait de prescrire du vin rouge bouilli avec des herbes, du vin parfumé comme on l'aimait à son époque et comme en faisait dans toutes les maisons, à partir d'herbes que l'on connaissait et qui fournissaient à tous vitamines et sels minéraux sans empoisonner personne.

       Elle y ajoutait une bonne dose de prières qu'elle adressait à la Vierge de la Maix.

       Elle avait une grande dévotion pour cette sainte, et peut-être plus encore, quoiqu'un peu inconsciemment, pour les saintes pierres de la région. En effet, elle prescrivit un jour à une malade de faire bouillir cinq de ces cailloux avec le vin et les épices. Elle les avait pris "en la fontaine de ladite Vierge de Lamet, sur laquelle Elle se reposa un jour que les chiens la chassaient". Elle avait donc, pour se les procurer, parcouru 80 kilomètres à pied, de Dompierre au Lac de La Maix.

       Et elle refit le trajet pour une autre patiente, à qui elle prescrivit de faire célébrer une messe, d'offrir un cierge et de faire coudre un couvre-chef et un surplis pour l'Enfant de la Vierge.

       Tels sont les crimes pour lesquels elle fut emprisonnée à Mirecourt en 1625 (ADMM B 7137 n 1).

       La Gargantine était-elle bonne chrétienne ? Dans l'intention, oui, à coup sur, mais, à la lire de près, c'est moins à la Vierge qu'aux Saintes Pierres qu'elle demande des miracles. Dans l'histoire que Jennon raconte au tribunal, la Sainte Vierge joue un rôle bien humble. Elle est le bénéficiaire du miracle et non son auteur.

       Ayons une pensée pour la Gargantine, qui ne méritait pas d'être brûlée, et à qui nous devons la transmission de la légende de la Sainte Vierge poursuivie par les chiens et se reposant à la fontaine de La Maix ; sans elle, cette histoire se serait perdue, car elle a été ensuite remplacée par d'autres légendes, plus dévotes.

       La pauvre femme n'a semble-t-il fait que le bien, mais elle a eu le tort de le faire (involontairement qui plus est) au nom des Saintes Pierres.

       En revanche, c'est au nom du vrai Dieu qu'ont été lancés les anathèmes reproduits en annexe au présent chapitre.


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