(sauf mention contraire, les extraits viennent de Michiels)
Comparaison avec les siècles précédents La comparaison avec les siècles précédents montre une évolution dans le sens de la fermeture, vraisemblablement sous l'influence du mouvement que les américains appelleront Amish, qui a démarré, à l'initiative de Jacob Amman, à Sainte Marie aux Mines. Pour les siècles précédents, je ne puis que renvoyer à mon "livre virtuel" "Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs légendes", dans lequel fourmillent les indices d'ouverture réciproque, au Ban de la Roche, entre luthériens et anabaptistes : sépulture accordée par le pasteur à Christine Riss, épouse Sommer, et à son fils Jean (bizarrement qualifié de réformé dans le registre paroissial) ; mariages mixtes (plusieurs alliances Kommer-Sommer et Banzet-Sommer en particulier); attitude amicale des pasteurs Stouber et Oberlin, voire même échanges de thèmes de prédication. Au point qu'il y a plusieurs familles d'origine suisse (Scheppler, Kommer, Verly) autour desquelles on sent une forte "ambiance anabaptiste", sans toutefois avoir des raisons tangibles de les qualifier d'anabaptistes. Bizarrement d'ailleurs, à la fin du 17ème siècle, à l'époque où les Mennonites étaient persécutés en Suisse, on n'a pas de preuve absolue de leur présence parmi les immigrés suisses du Ban de la Roche, alors que c'est précisément l'époque où ils avaient des raisons de migrer. Les familles suisses qui tenaient les censes du Ban de la Roche avant qu'y apparaisse un anabaptisme ouvertement déclaré avaient souvent des alliances anabaptistes ; en outre, l'hypothèse que ces familles aient été anabaptistes sans trop le dire, ou aient occupé un espace intermédiaire entre l'anabaptisme fermé des Amish et les églises de "la multitude", cette hypothèse, donc, est intéressante car elle évite de supposer que les anabaptistes ont évincé des fermes les censiers suisses précédents ; l'hypothèse de l'éviction étant possible, bien sur, mais peu vraisemblable étant donné les excellentes relations entre les familles anabaptistes et le reste de la population bandelarochoise. L'impression générale, globalement, est qu'il y a eu, fin 17ème siècle, au Ban de la Roche, une première vague de familles anabaptistes, moins fermées sur elles-mêmes que les futurs Amish, et qui se sont fondues dans le paysage général. C'est d'ailleurs précisément de phénomène de fusion qui indignait Jacob Amman et l'a conduit, à la fin du 17ème siècle, à envisager davantage de fermeture, provoquant ainsi le schisme Amish. Le schisme Amish Voici, décrit par Jean Séguy, le processus d'acculturation contre lequel Amman réagit à Sainte Marie aux Mines, ville qui a fort amicalement reçu les anabaptistes, et c'était bien là le problème. ( Il y a peut-être suffisamment d'indices pour penser qu'un semblable processus d'acculturation s'est déroulé au 17ème siècle au Ban de la Roche, sans qu'un Jacob Amman vienne l'interrompre, et qu'il a absorbé dans la population générale une première vague d'immigrants) : "En effet, certains anabaptistes de Sainte Marie aux Mines participaient à la vie civique de l'endroit en acceptant de servir de Heimburg ; d'autres ne refusaient pas de monter la garde pour protéger les récoltes et les biens contre les maraudeurs ; d'autres, ou les mêmes, fréquentaient les églises ou les prêches luthériens sans pour autant abandonner les assemblées anabaptistes ; certains enfin prétendaient qu'un individu pouvait être sauvé même dans une église de multitude. Cette dernière affirmation représentait, selon Amman, un mensonge grossier et devait être traité comme tel par l'Assemblée, c'est à dire par l'excommunication." Les idées de fermeture d'Amman trouvent un opposant déterminé en la personne de l'Ancien suisse Hans Reist. Le schisme Amish a aussi pour conséquence un plus grand "cléricalisme", si l'on peut appeler ainsi le pouvoir des Anciens et autres "serviteurs". Ecoutons toujours Jean Séguy : "L'innovation proposée par Amman de célébrer la Cène deux fois par an plutôt qu'une seule, bizarre en soi à première vue, relève de la tendance déjà latente de l'anabaptisme alsacien à accorder une place privilégiée aux Anciens et autres ministres (prédicateurs, diacres). Dans la tradition mennonite en effet, la Cène est une occasion de mise en ordre de l'Assemblée (réconciliation des ennemis, examen de la conduite des membres, de la pratique du groupe en matière d'opinions et d'observances religieuses, etc.) dans ce processus, les Anciens et leurs co-ministres sont appelés à jouer un rôle prépondérant. Aussi, porter à deux les célébrations de la Cène consiste à augmenter d'autant la mainmise des responsables sur les assemblées. La pratique de l'excommunication stricte (Meidung), par la terreur qu'elle faisait peser sur les frères, aidait à les maintenir dans l'obéissance aux anciens …" On est là bien loin de l'idéal égalitaire de la Réforme Radicale du 16ème siècle. Amman renforce les signes vestimentaires de différentiation : port de la barbe pour les hommes ; vêtements attachés avec des agrafes et non avec des boutons ; interdiction des couleurs voyantes au profit du brun et du bleu sombre. Le processus finit par créer une certaine "aristocratie cléricale" de familles qui tendent à monopoliser l'Anciennat. La modestie exigée des fidèles leur interdit en fait de se porter candidats à ces postes, qui tendent ainsi à se perpétuer entre les mêmes mains. La dispersion de 1712 L'année 1712 est une date importante, car Louis XIV prend un édit d'expulsion des anabaptistes. Cet édit rencontrera des difficultés d'application. Les anabaptistes sont fort bien implantés, et leur travail est apprécié des seigneurs dont ils tiennent les fermes. Les intérêts économiques convergent. Cependant, l'édit a pour effet une dispersion des communautés, qui abandonnent en partie leur trop visible implantation de Sainte Marie aux Mines pour des fermes plus dispersées, soit en France, soit dans des pays encore plus ou moins indépendants, comme le Salm qui nous intéresse ici. Exemples à Salm :
"Son Alt Emin feu Mgr le Cardinal de Rohan avait ordonné au curé de Saales (note : en 1777) d'exercer sur les anabaptistes de la paroisse la même juridiction que sur les calvinistes ; à cette époque, le nombre des anabaptistes était déjà plus considérable qu'en 1760, où, par la visite, il compte qu'il n'y en avait que deux ou trois familles. Le nombre en est augmenté aujourd'hui, au point qu'on en compte 14 qui composent la population de 88 individus." Au 18ème siècle, certains "serviteurs" vont clairement jusqu'à s'attribuer les prérogatives des curés et des pasteurs en matière d'Etat Civil, comme le montre cette lettre du 2 9 1729 envoyée à son évêque par Scholsser, curé de Saint Louis (conservée aux archives du Haut Rhin) : "Monseigneur, Je croirais manquer à mon devoir si je n'avais l'honneur de donner avis à votre Grandeur des abus qui se commettent dans ma paroisse à l'égard des anabaptistes qui y demeurent. L'ordonnance du Roy leur défend tous nouveaux établissements ; cependant, Valentin Gungerich, étranger, vient de se marier avec Véroine Blanchin, fille de Barbara Stouffer, veuve, résidant en ce lieu, et cela à la vue de tout le monde, par le ministère d'Ulrich Sommer, aussi étranger, qui fait fonction de ce qu'ils nomment leur patriarche." Vie économique Sous l'ancien régime, les Mennonites sont célèbres en tant que tenanciers de censes seigneuriales. Ils peuvent y connaître une réussite importante, comme Nicolas Augsburger, considéré comme très à l'aise financièrement. Ces fermes étaient composées des meilleures terres du finage, très étendues, dispensées de nombreuses charges (en contrepartie, les baux étaient réadjugés périodiquement). Ce n'est donc pas toujours à tort que les fermiers anabaptistes étaient traités de privilégiés. Cependant, tous n'étaient pas riches ; nombreux étaient ceux qui occupaient des emplois modestes chez leurs coreligionnaires. La réussite de Nicolas Augsburger est un sommet et non le cas général. Le conservatisme dont ils font preuve dans de nombreux domaines de la vie ne s'étend pas à la vie professionnelle. Ce sont des agriculteurs innovants. Et qui peuvent se permettre d'innover puisque les terres seigneuriales qu'ils occupent sont vastes et que, dans ce contexte, un essai raté sur une petite parcelle n'a pas de conséquences dramatiques. Leur réussite agricole leur valut d'être cités en modèle par les Physiocrates, un mouvement du 18ème siècle, lié aux philosophes des Lumières, qui insistaient sur la nécessité de rénover l'agriculture. Effets de la Révolution de 1789 La révolution de 1789 remet en cause l'équilibre que les anabaptistes avaient trouvé avec le reste de la société. Certes, ils ne sont plus considérés comme hérétiques, mais ils rencontrent d'autres problèmes. Leur statut de fermiers seigneuriaux est remis en cause. Certains de ces fermiers sont malmenés à la Révolution (c'est le cas au Ban de la Roche). Les fermes seigneuriales sont parfois vendues en tant que biens nationaux. Ou alors, en application du Code Napoléon, elles sont divisées à l'occasion des héritages, ce qui diminue leur valeur économique. Mais le plus grave est le problème du service militaire, car on se souvient que les anabaptistes refusent de porter les armes. La convention délègue à Salm, en 1793, Philippe Goupilleau, qui est reçu par l'Ancien Jacob Kuperschmitt dans la même maison où Nicolas Augsburger recevra Michiels. Reçu avec hospitalité, Goupilleau fait un rapport favorable à la suite duquel le Comité de Salut public prend un arrêté autorisant les anabaptistes à faire leur service militaire dans des conditions adaptées (pionniers, charrois) ou à se faire remplacer contre argent. Cet arrêté est précieusement conservé par Augsburger, qui le montre à Michiels. Cependant, ce n'est pas l'idéal. Globalement, les anabaptistes, qui sont le type même de la secte séparée, ne sont pas à l'aise dans la République une et indivisible. S'y ajoutent des problèmes propres au groupe : le nombre de familles est peu important, et il est de plus en plus difficile de se marier dans des conditions qui respectent les règles bibliques de non-consanguinité. Tout ceci se combine pour produire une importante émigration aux Etats Unis. En particulier, au Ban de la Roche, il semble que la ferme du Sommerhoff se soit vidée de sa communauté anabaptiste vers 1834, à l'occasion d'une migration "en grand". La Mennonite Encyclopédia de 1955 nous donne la liste des "Amish family names primarily from the Alsatian group" . On la trouvera ci-après (les noms sont dans leur version américaine, qui peut différer légèrement des versions françaises) : Allbrecht ; Augsburger ; Bachmann ; Bechler ; Beller ; Belsley ; Berckey-Burcki ; Camp-Kemp ; Conrad ; Egli ; Eicher ; Fahrney ; Flickinger ; Gascho ; Gerig ; Gunden-Gundy ; Guth ; Heiser ; Imhof ; Jantzi ; Kennel ; Finsinger ; Klopfenstein ; Litwiller ; Nafsiger ; Oesch-Esch ; Oyer-Auer ; Raber ; Ramseyer ; Rediger ; Ringenberg ; Ropp-Rupp ; Rocke-Roggi ; Roth ; Ruvenacht ; Schertz ; Slagel ; Smith ; Sommer ; Springer ; Stahley ; Strubhar ; Stuckey ; Studer ; Sutter ; Sweitzer ; Veckler ; Wagler ; Wyse ; Yordy ; Yutzi-Jutzi ; Zehr Fermeture Au 19ème siècle, la fermeture des communautés Alsaciennes et lorraines est clairement consommée, au point d'inquiéter certains anabaptistes non mennonites. L'analyse ci après est celle de Hinrich Van der Smissen (publié dans les Mennonnitische Blätter de 1893) : "Les frères des Vosges maintiennent très fortement la séparation d'avec tous ceux qui ont contracté un mariage mixte et d'avec tous ceux qui ont encouru une sanction de l'Assemblée. Cet usage, s'il n'est pas accompagné d'un élargissement des relations avec les Assemblées sœurs, amènera la décadence et la disparition de ce groupe." Il précise toutefois, et il n'est pas le seul à l'avoir noté : " Mais on se tromperait en se représentant nos frères de Vosges comme des hommes sombres et fermés, en guerre à mort et sans pitié contre tout ce qui s'écarte de la tradition de leurs pères, et désireux de ne rien apprendre du tout des autres chrétiens. On ne saurait en donner de meilleure preuve qu'en rappelant la considération générale dont nos frères jouissent chez eux. Ainsi, lorsque l'ancien Augsburger, universellement connu, décéda, on en parla même dans les journaux, en soulignant particulièrement la considération qu'il s'était acquise dans la région. En effet, d'une part il avait été en grande bénédiction à son entourage grâce aux grands moyens dont il disposait, en quoi il suivait l'exemple du patriarche du Ban de la Roche, le pasteur Oberlin, qu'il avait pris pour modèle. Par ailleurs, il possédait aussi des connaissances médicales qu'il mettait volontiers à la dispositions de tous ceux qui demandaient sont aide. Comme s'il avait été médecin officiellement accrédité, il parcourait consciencieusement à pied les versants des Vosges, soit que le torride soleil d'été brûlât au firmament, ou que la neige profonde rendît les chemins presque impraticables …" L'auteur conclut à l'importance de garder des relation avec les frères d'Alsace, qu'il nomme Heftler . Ce mot vient d'"agrafe" et se réfère au fait que cette branche s'habille comme autrefois, lorsque les boutons n'avaient pas été inventés. Le mot Amish est plutôt américain et n'est pas de large usage, à l'époque, en Europe (bien qu'il s'agisse de cette branche). Relation avec les autres églises Avec les catholiques : relations clairement mauvaises ; les curés se plaignent que les anabaptistes ne paient pas la dîme et ne cessent de réclamer leur expulsion Avec les luthériens du Ban de la Roche Globalement bonnes et même parfois excellentes. Nous en avons donné maints exemples dans le présent ouvrage ainsi que dans Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs légendes. Ajoutons que le récit de Michiels montre clairement que les relations des anabaptistes du Salm avec le monde extérieur passaient par Rothau, ce qui ne correspond pas à une donnée géographique obligatoire : le bourg de La Broque (catholique) est plus proche de Salm et des Quelles que le bourg de Rothau (luthérien). Le piétisme est un pont entre les anabaptistes et certains luthériens ; nous savons que les anabaptistes aimaient, et parfois aiment toujours aujourd'hui (c'est le cas des Amish des Etats Unis) le texte piétiste intitulé Jardin de plaisance des âmes pieuses , texte luthérien et non mennonite ; nous savons également que le pasteur Oberlin utilisait parfois des schémas-type de sermon anabaptistes (cas du sermon pour la jeunesse prêché le 30 juillet 1782, que j'ai reproduit dans Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs Légendes). Evitons cependant d'idéaliser : à la Révolution française, les villageois du Ban de la Roche malmènent tous les fermiers seigneuriaux, dont probablement des anabaptistes, car ils estiment que les fermes seigneuriales ont été injustement soustraites au finage villageois. Avec les autres branches anabaptistes Le texte de Van der Smissen, tout en exprimant de la sympathie pour les Heftler, laisse percer une certaine inquiétude quant à leur goût de l'isolement et montre la volonté d'organiser les relations sur un mode un peu volontariste. Organisation religieuse. Organisée autour d'Anciens que l'on appelle des "serviteurs" (en fait, ils ont un pouvoir considérable). Ils reçoivent une petite obole, mais pas de vraie rémunération. Ils vivent du travail de leurs mains et ne portent pas de signes distinctifs. Il n'y a pas de lieu de culte. Celui-ci ("l'Assemblée")a lieu dans les fermes, à tout de rôle. Comme elles sont éloignées les unes des autres, les participants partent de chez eux la veille, puis ils dorment et mangent chez celui dont la ferme abrite l'assemblée. Assemblées (d'après Van der Smissen) " Leurs réunions ont le même caractère que celles que l'on retrouve chez nos frères Heftler dans le sud de notre pays. Elles ne se tiennent pas tous les dimanches, mais de temps à autre, tous les quinze jours ou toutes les quatre semaines. La plupart du temps, elles n'ont pas lieu dans des bâtiments ecclésiastiques particuliers, mais on va, selon un ordre fixé à l'avance, dans les différentes fermes habitées par des Mennonites. En effet, on trouve la bas la place nécessaire dans n'importe quelle grande pièce, et de plus les frères et sœurs présents sont, pour la journée, les invités du propriétaire ou du fermier qui reçoit. Ils tiennent beaucoup à cette coutume, et se donnent beaucoup de mal pour perpétuer la vieille hospitalité de nos pères. A table, les hommes prennent place sous la présidence de l'Ancien, tandis que les femmes prennent place dans une autre pièce, selon les circonstances. Au début de ces réunions, ils ont l'habitude de chanter deux cantiques. A Salm, on utilise encore l'Ausbund, ce magnifique et digne souvenir du temps des premières persécutions subies par nos ancêtres dans le sud de l'Allemagne et en Suisse. Malheureusement, le chant est très faible. Les mélodies sont toujours les vieux airs d'origine, et à ma connaissance elles ne sont consignées nulle part et se maintiennent simplement par tradition orale … Après le chant, vient la prière d'entrée, suivie par la lecture d'un important passage de l'Ecriture (deux chapitres ou plus). Alors, les différentes personnes qui appartiennent au ministère prennent la parole, soit pour ajouter un commentaire ou faire une exhortation ou quelque chose de semblable, soit pour "rendre un témoignage" sur les déclarations d'un autre, et même pour se déclarer d'accord, ou encore pour ajouter un complément d'explications. Les prières et les cantiques alternent jusqu'à ce que l'Ancien termine la réunion par une prière finale … Je ne me permets pas de décider si une si longue cérémonie est capable de tenir continuellement les participants éveillés et attentifs …" Baptème A l'âge adulte. Sainte Cène D'après Michiels : "Ils suivent les prescriptions, les exemple du Maître, avec la dernière rigueur. Nulle circonstance n'est omise, changée ou modifiée. Ainsi, dans l'institution de l'eucharistie, les trois évangélistes Saint Matthieu, saint Marc et Saint Luc, s'accordent à dire que Jésus rompit le pain. Le pain, en conséquence, doit être rompu suivant les anabaptistes, et il faut employer pour la communion du pain véritable, du pain ordinaire, fût-il extrêmement grossier ; on a tort de lui substituer la pâte blanche et fade connue sous le nom d'hostie. Rien n'autorise cet échange arbitraire. Les Mennonites taillent conséquemment des lames de pain comme celles dont on fait usage pour les sandwichs, et l'officiant les rompt en trois parties, donnant un morceau à chaque fidèle. Ils boivent ensemble au même vase, et ce vase est souvent un simple pot à eau, tant ils poussent loin le mépris de tout luxe et de toute recherche. Après la Cène, le Christ ayant lavé les pieds de ses apôtres, les Mennonites font la même cérémonie (…) La communion cependant n'a pas pour eux la même importance que pour les catholiques. Le pain consacré n'est pas, dans leur opinion, la chair du Messie ; le vin ne se transforme pas en sang. L'un et l'autre ne sont que des signes commémoratifs." (En fait, la Sainte Cène est très importante car elle précédée d'une remise en ordre de la communauté sous l'autorité de l'Ancien. Cette autorité croit au fil du temps, ce qui a pour effet que la Sainte Cène devient plus fréquente : deux fois par an au lieu d'une) Mariage A l'époque observée par Michiels, les Mennonites ne se marient qu'entre eux (ce qui n'avait pas forcément été le cas aux époques précédentes) La demande en mariage (d'après Michiels) Elle imite l'épisode biblique dans lequel Eliézer va chercher une femme pour Isaac. Le pasteur joue le rôle d'Eliezer et se rend à cheval à la maison de la jeune fille (qui se trouve souvent à quelques pas). Celle-ci, prévenue, sort avec une cruche en mains. Imitant l'épisode biblique, le pasteur demande à boire de l'eau de la cruche. La jeune fille lui donne à boire. Si elle accepte la proposition, elle ajoute, à l'imitation de Rebecca : "Maintenant, approchez vous et faites boire votre monture" Cette phrase est le signe de son consentement. Ensuite, le pasteur, feignant l'ignorance, demande de qui elle est fille et s'il y a place pour une personne de plus dans la maison de son père. On feint toujours l'ignorance jusqu'à ce qu'il ait mangé et bu, puis il indique le nom du jeune homme. La cérémonie du mariage. Les mariés sont vêtus de noir. D'après Michiels, on imite le texte biblique de Tobie, dans lequel, pour éviter d'être dévoré par un démon, le jeune homme a du repousser de plusieurs jours la consommation du mariage ; pour meubler cette attente, les fêtes durent trois jours ; le premier jour, l'assemblée est nombreuse, puis elle se limite à la famille de plus en plus proche. Observations faites à Colmar en 1779 par J. F. Lucé, ministre protestant : (Un sermon fort long donne à l'officiant l'occasion de remonter à Adam et Eve) : "Le vieillard souleva dès le début la question à savoir pourquoi le Seigneur Dieu avait fait Eve à partir d'une côte d'Adam. Voici ce qu'il dit : - Dieu ne prit pas la femme de la tête de l'homme pour qu'elle ne puisse pas dominer sur l'homme. Il ne la prit pas du talon de l'homme pour que l'homme ne puisse pas fouler sa femme aux pieds. Mais le Bon Dieu la prit de la côte de l'homme, qu'il avait la plus proche du cœur, pour que les deux s'aiment profondément, pour qu'ils se disent réciproquement leurs difficultés intimes, et qu'ils soient un seul cœur et un seul corps." (Attention : ces beaux discours ne doivent pas masquer le fait que la société Mennonite est patriarcale, et que l'homme y a le pas sur la femme, même si celle-ci jouit d'un certain respect ; en particulier, leur nombre d'enfants est effrayant.) "Excommunication" C'est l'unique châtiment en usage chez les anabaptistes. Prononcé par les Anciens, il consiste à mettre le condamné à l'écart : interdiction à tous, y compris ses parents, de lui parler, de manger et boire avec lui jusqu'à ce que la punition soit levée, ce qui implique que le condamné reconnaisse publiquement avoir pêché et vouloir s'améliorer. L'interdit n'est jamais définitif et ne va pas jusqu'à laisser le condamné souffrir de la faim et du froid. La sanction est cependant redoutée. |