BADONVILLER d'après Guerre,
ou,
souvenirs.

BADONVILLER
Une ville sans mémoire est un corps sans âme

Les années de paix.
Peut-on les appeler années de bonheur, ou plus simplement période de vie sans trop de conflits?

        La faïencerie a repris ses activités complètes très rapidement, donc la majorité de la population est occupée à l'usine, la vie du village étant réglée par l'angélus sonnant, et le "gueulard" des FENAL appelant les ouvriers. Né à la fin des tickets de rationnements, j'habitais une rue Fenal, dans une maison appartenant à Fenal, comme je jardin de "la folie" que mon père cultivait après ces 3/8 chez Fenal.
        C'était une époque de restriction et d'économies obligées, d'hommes travailleurs qui devaient ajouter à la journée de travail quelques heures chaque jour au jardin, indispensable pour "joindre les deux bouts".
        La lampe à pétrole n'était jamais loin de la table de la cuisine pour palier aux fréquentes coupures d'électricité, et la vie familiale était centrée, le soir, sur le poste de radio, seul lien vers le monde avec l'Est Républicain du matin.


        Souvenir de gamin, la maison de mon grand-père, rue Théophile...Fenal face à la gare, où chaque jour la locomotive arrivait fumante et fascinante de Baccarat, parvenant au terminus de cette ligne de 14 km, avec ses deux ou trois wagons. C'était le spectacle de l'après-midi: regarder le monstre manœuvrer jusqu'à la scierie Gouttin, puis galoper derrière la maison pour le voir descendre la rampe menant à l'usine, remonter lentement son wagon chargé, revenir avec un wagon vide, pour finalement, sur un ultime coup de sifflet, repartir vers Baccarat. Rien que la fermeture des barrières nécessitait l'aide d'au moins trois gamins au chef de gare, Mr Gandit...(Nota, la ligne a été fermée aux voyageurs le 05.05.1939)
        Restriction ou difficultés à s'approvisionner, j'avais aussi le droit de tourner la manivelle de la petite machine à affûter les lames à rasoir du pépère. Eh oui, cela existait et j'en ai retrouvé une photo...



        Pour l'enfant que j'étais, Badonviller "commémorait" beaucoup, et c'était les spectacles de la musique, la "Céramique", avec ses tambours, ses clairons, sa grosse caisse, tout un orphéon de bruits ponctués de quelques "canards" que nous attendions avec impatience. Et en général, ceci se terminait devant le monument aux morts où le recueillement était impressionnant.
        Il y eut le mois de février 1956, un froid qui n'en finissait pas, les familles vivant dans une ou deux pièces bien chauffées, les vitres qui n'arrivaient pas à se débarrasser des fleurs de givres. Et spectacle, le camion des pompiers qui ravitaillait les familles en eau, toutes les conduites ayant gelé.


Entrée de l'école: en fronton "Améliore-toi chaque jour"

        Une année scolaire est restée dans nos mémoires: l'année du lait! Où, grâce à Mendés-France, chaque enfant des écoles, comme on disait, recevait sa bouteille de lait afin d'écouler les excédents... Moi, j'aimais, mais de la tête des copains et copines qui n'aimaient pas le lait, je m'en souviens comme si c'était hier!
        Puis venaient les années catéchisme débouchant sur la communion solennelle après surtout une année complète à se lever une heure plus tôt pour assister à la messe et prendre une leçon d'évangile. Le tout dans le froid, la semi-obscurité et un pauvre radiateur à gaz qui arrivait seulement à chauffer... le plafond. Ah, cette chapelle au fond de l'église, fermée par un rideau, quel mauvais souvenir pour presque tous.


        Comme distraction, nous avions le jeudi, le matin le foot, l'après-midi le patronage, qui était l'occasion de se familiariser avec la forêt, la nature qui entoure toujours Badonviller.

        Problème qui n'est apparu que plus tard, dès que quelqu'un de la famille possédant une voiture venait en visite dans notre région, l'excursion obligatoire était le Donon, sympa, et beaucoup moins, le camp de concentration de Natzwiller - Struthof... Donc tout mome, j'avais droit à la potence, le four crématoire, la chambre à gaz, etc. Je n'ai vraiment compris que lorsque, lors de mon premier camp scout, à neuf ans, nous y sommes allés alors que le sculpteur gravait dans la pierre l'image d'un déporté...
        Prise de conscience du monde extérieur; le premier fait marquant est la disparition, en Algérie, du frère d'une de mes camarades de classe. Comment peut-on comprendre une telle "disparition". Surtout qu'à l'époque, il ne faut pas parler de ces "choses là". Maintenant on ferait venir deux psy par classe. Donc, cela restait un truc d'adultes non élucidé, sauf pour deux ou trois malin qui savaient, mais ne savaient pas expliquer...


Lavoir rénové
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