BADONVILLER années 60 - 70,
ou,
souvenirs.

BADONVILLER
Une ville sans mémoire est un corps sans âme


Quelques éléments pour situer ces années,
et j'arrêterai volontairement à 1973,
année où j'ai quitté, comme presque tous, le village pour une question... de travail.

        Emile FOURNIER est maire de Badon depuis 1919, avec comme seule interruption son séjour dans le camp de concentration de Buchenwald.
        Maire et notaire, c'était pour la jeunesse d'alors un ensemble assez inaccessible, et, d'ailleurs, je ne me souviens pas d'un seul contact avec lui, hors les discours à rallonge auxquels nous devions assister en silence, bien sûr. Mais le personnage était tant connu, recevait tant d'hommages de toutes parts, que cela nous semblait naturel.
        Pour la jeunesse, peu de loisirs organisés, hormis un groupe d'éclaireurs de France, pour la génération née juste avant guerre, animée par le prof de math, qui restera pour eux "le grand Muller", autant par sa taille que par l'empreinte qu'il laissait sur ses élèves. Je ne l'ai connu qu'en sixième, mais ce me rappelle avoir pensé qu'il allait de paire avec les salles du collège: haut et dominateur, sans être effrayant.


        Côté clergé, ce sont surtout les vicaires qui ont laissé une trace, les abbés Bena et Mercier, qui organisaient des sorties, puis une troupe de scouts, avec l'aide de Mr Bacchus, directeur, à l'époque, des Cristalleries de Baccarat. La salle Mansuy servait de base à cette jeunesse du jeudi, avec, attraction suprême, un téléviseur installé dès 1961, un événement. C'était Rintintin, ou rien.

        Le départ définitif du dernier vicaire marqua la fin des activités suivies. Il ne resta plus que le centre aéré annuel. Car une grande partie de la commune n'avait pas apprécié un des premiers actes du nouveau curé, et, encore aujourd'hui, c'est un sujet qui fait grincer bien des dents.

Colonie de vacances à Liezey

        Les paroissiens et les vicaires avaient cherché une ferme abandonnée dans les Vosges afin d'offrir la possibilité de vacances aux garçons et aux filles aux mois de juillet et août. La trouvaille fut en fait magnifique, une maison délaissée entre Liezey et Gérardmer, à 700 mètres d'altitude face au Tholy. Des hommes y passèrent des journées entières à restaurer et aménager bénévolement, avec des fonds qui ne venait en aucune façon de la paroisse, mais des petites gens de la commune.
        Durant quatre années, une trentaine de garçons ou des filles se partagèrent, durant les mois d'été, les lieux et vécurent enfin leurs premières vacances. Un nouveau curé vint, regarda, de son regard hautain aux petits yeux froids. Et la colo fut vendue, sans rien demander à quiconque, sans aucun avis des paroissiens, pour le plus grand bien du comité d'établissement de la centrale électrique de Richemont, en Moselle. J'y ai connu des personnes qui n'ont pas encore compris leur chance.
        C'était encore l'époque où il était inconcevable de déposer plainte contre un représentant d'une autorité quelconque, ce qui a aussi certainement sauvé la carrière d'un directeur d'école... Dont je serai le dernier à saluer la mémoire.

Foyer des Jeunes puis MJC.

        La municipalité avait lancé cette construction dans le but de créer un centre d'accueil pour les activités de la jeunesse, mais si le bâtiment existait, il n'eut d'utilité durant des années que comme salle de bal et des fêtes. Un jour d'été, deux jeunes décidèrent de s'attaquer au problème et de commencer par le début en allant frapper chez le maire. C'était franchir le pas vers l'inconnu, et sans le dire c'est avec un peu d'anxiété que l'on vit la porte s'ouvrir sur Mme Fournier. Qui les introduisit dans un bureau de livres, des souvenirs, où cinquante années de premier magistrat étaient réunies. Et c'est avec surprise que la demande de clés fut immédiatement agréée, avec des sourires, car Mr Fournier ne savait tout simplement pas comment prendre le problème de son foyer qui ne servait à rien, tout un chacun attendant, comme d'habitude que la solution vienne de lui...
        Et de remonter sur les mobylettes pour aller trouver la concierge et se faire remettre les clés, pour les jeunes, ce qu'elle ne m'a jamais pardonné. Finie leur tranquillité, mais merci encore à André Vivarié d'avoir fait l'effort avec moi. La Maison de jeunes était lancée et je ne suis revenu m'en occuper un peu que trois années après, donner un coup de main à Jean Marchal. Les effectifs représentaient à l'époque 10% de la population et nous avons financé le tapis de judo avec le bénéfice d'une seule kermesse, plus de 10 000 f de l'époque, ce qui était une somme considérable. Un ouvrier gagnait entre 700 et 800 f mensuellement.

Jumelage

        Emile Fournier, administrateur puis maire de deux guerres avec l'Allemagne a voulu les jumelages. Il y a tout d'abord eu un jumelage avec une commune du sud de la France, LAMBESC, près de Salon de Provence, car une mode a été de rapprocher les provinces entre elles. D'ailleurs, si vous passez les Vosges, vous vous apercevez que les villes alsaciennes sont toutes jumelées avec des villes de l'intérieur... Enfin, elles sont jumelées avec des villes qui ne sont pas d'Alsace! Lambesc possède toujours une Avenue de Badonviller, même si les premières rencontres n'ont pas eu de suite.
        Plus conséquent a été le jumelage avec Michelbach, devenue une des communes de Aarbergen. Ce jumelage nous a valu quelques joyeux aller-retour, beaucoup de matches de foot perdus, avant que ces relations tombent aussi en quenouille, par manque de volonté politique. Comme pour beaucoup d'activités en général à Badonviller.
la fin du millénaire

        Comme je le disais ci-dessus, Badonviller a fait beaucoup de politique, beaucoup trop, et pendant que chacun essayait de ne pas faire ce que l'autre aurait aimé faire, le village s'est écroulé sur lui-même en 25 années.
     J'ai suivi de loin à la fin de la faïencerie, à la fermeture de LINGELOR, aux luttes de listes électorales et, à chaque passage au village, je ne pouvais parler qu'avec des personnes à visage de "ça-va-mal".
        Un petit indice était pour moi la fontaine au bas de la rue de l'église, à laquelle personne n'avait l'idée de donner un petit coup de peinture. Elle était donc devenue MON baromètre du mental de la commune. Ainsi que l'état du terrain de foot-ball, créé dans les années cinquante et jamais entretenu autrement que par la tonte de l'herbe, qui avait remplacé depuis longtemps le gazon.

La fontaine, le passé.
Le stade, la jeunesse.
Le livre écrit après la geurre de 14 portait en titre:
"Une ville sans mémoire est un corps sans âme"
Je pourrais ajouter:
"Une ville sans espoir est un corps sans âme".
La fontaine a été repeinte.


Le terrain de foot rénové.
Le chemin me semble le bon.
Bernard PIERRE
page suivante