Société Philomatique Vosgienne 1870 Armée de l'Est Combats de Lajus
Le 22 septembre 1870 le commandant Brisac rejoignit son bataillon à Saint-Dié, les rues étaient très animées, des bruits de toute espèce circulaient; on parlait notamment de la présence de Prussiens à Baccarat, à Badonviller et à Neuf-Maisons. En effet, une dépêche informait le commandant qu'une colonne ennemie menaçait Raon, ce qui le décidait à marcher dans cette direction le lendemain matin et de prendre position au Rouge-Vêtu, d'où il pourrait couvrir Raon et surveiller les chemins de Baccarat et de Badonviller. A Raon, il était informé de la présence des Badois à Celles, une reconnaissance de cavalerie en avait été chassée le matin par les gardes nationaux. La chaleur étant accablante, les troupe prirent le café et une heure de repos avant de se porter en avant. Trois compagnies de francs-tireurs, Neuilly, Luxeuil et Colmar se joignaient au bataillon. La colonne principale, francs-tireurs de Colmar en tête, suivit la route de Schirmeck, le capitaine Mezière avec les 1ères et 3ème compagnies du bataillon de la Meurthe et les deux autre compagnies de francs-tireurs, marchaient parallèlement sur la rive droite de la Plaine, pour se diriger sur Pierre-Percée et couper à l'ennemi sa ligne de retraite sur Badonviller. Le plan était bien conçu. Les colonnes marchent parallèlement, mais celle qui longe la rive gauche, ne rencontrant aucune résistance, arrivaient à Celles au moment où les francs-tireurs de Luxeuil se heurtaient à la scierie de Lajus à une compagnie badoise, avant-garde d'une colonne de 500 hommes environ, commandée par trois officiers montés. Cette colonne était établie sur le croupe de la Forge, au débouché de la route de Pierre-Percée. "Un des officiers montés fut tué d'un coup de chevrotines par un vieux garde-forestier, Gérard, de la maison forestière de la Forge Evrard, près de la scierie Lajus. Ce vieux brave avait pris son fusil pour se battre à côté de son fils qui servait au bataillon". (1)
Vers 2 heures ½ un vif combat s'engageait sous bois et durait jusqu'à 4 heures. Vers 3 heures, un exprès dépêché par le capitaine Mezière informait à Celles que l'on se battait à la scierie de Lajus. Décidé à rejeter sur Badonviller les Badois en retraite vers Pierre-Percée, le commandant Brissac traversait le ruisseau, mais arrivait trop tard au hameau de Pierre-Percée, pour empêcher la jonction de la colonne et de l'arrière-garde. Après quelques coups de feu, celle-ci s'échappait sous bois en emportant ses morts et ses blessés (2). Quand le deuxième bataillon de la Meurthe pénétra dans Pierre-Percée, un bûcheron prévint son chef que des pièces ennemies étaient embourbées dans un chemin creux à environ un kilomètre.
C'était exact, dans leur retraite précipitée, "les conducteurs s'étaient trompés de route; ils ne sortirent de ce mauvais pas que vers huit heures du soir. Il était alors quatre heures, la prise était facile, car il n'y avait pas un homme d'infanterie avec les canonniers qui n'étaient armés que de sabres. Le renseignement était bon, malheureusement le commandant qui se méfiait des récits exagérés des paysans, ne voulut pas y croire". (3)
Après le combat, les deux colonnes se réunissaient à la scierie de Lajus et rentraient à Raon; une compagnie du 2è Bataillon (2è compagnie) et les francs-tireurs de Colmar allaient cantonner à Celles, afin de tranquilliser les habitants qui craignaient d'êtres attaqués pendant la nuit. A Raon, le commandant Brissac trouvait les francs-tireurs lorrains et ceux du Doubs qui venaient d'arriver. La veille, ils avaient quitté Schirmeck pour attaquer le détachement du major Held à Mutzig. Après avoir assailli, par une vigoureuse fusillade, les avant-postes de la 6è Compagnie, ils avaient été contraints, débordés sur leur droite et coupés de leur ligne de retraite sur Schirmeck, de se replier sur Oberhaslach, pour passer entre les deux Donnons et gagner Celles le lendemain à 7 heures du soir. Le combat avait été livré de 4heures ½ à 9 heures du matin, les francs titeurs laissaient une quinzaine d'hommes sur le terrain(4). Le gros du détachement avec le major Held repoussait un autre parti français près d'Heiligenberg, et arrivait dans la soirée à Schirmeck; le lendemain le major rentrait à Mutzig.
Dès son arrivée à Raon, le commandant Brissac télégraphiait immédiatement au Prefet des Vosges et à M. le Général commandant la 7è division militaire à Besançon pour demander des renforts; il faisait en même temps remarquer la nécessité urgente de concentrer les troupes dans la main d'un colonel ou d'un officier général. On lui répondait en lui annonçant l'envoi de quelques renforts. Le 24, le 3è bataillon des Vosges était envoyé à Raon, ou se trouvaient déjà deux compagnies du 4è bataillon de Saône-et-Loire, le 1er bataillon des Vosges était dirigé sur Saint-Dié. C'était à peu près les seules troupes disponibles à ce moment, il y avait encore un bataillon de Saône et Loire à Remiremont; deux compagnies du même régiment complétaient leur organisation à Epinal. Après le combat de Lajux, le major Elern, renforcé de deux compagnies d'étapes saxonnes, évacuait Badonviller pour se porter à Montigny; un détachement de 600 hommes allait occuper Azerailles, contre lequel le commandant Brissac risquait une attaque de nuit. Dans la soirée du 26, le 2è bataillon de la Meurthe, la 4è compagnie du 3è bataillon des Vosges et les francs-tireurs du Doubs, se réunissent à la maison forestière du Rouge-Vètu, où l'ordre était donné de se tenir prêt à marcher vers une heure du matin. On connaissait les logements des officiers, l'emplacement des avant-postes; la plupart des hommes originaires du pays, connaissaient le pays et le terrain. Une compagnie du 3è bataillon des Vosges, de grand'garde à Bertrichamps, devaient appuyer le mouvement par la route de Baccarat. Mis en marche à l'heure prescrite, les francs-tireurs mirent aussitôt le désordre dans la colonne. Scindée en deux parties, la première disparaissait sous bois, la seconde poursuivant vers Azerailles où elle arrivait au point du jour avec le commandant, suivi par quelques hommes dévoués. Ne pouvant attaquer avec un effectif si faible, cent cinquante hommes environ, il ne pouvait demeurer plus longtemps à proximité de l'ennemi. "Après quelques mots pleins d'amertume sur la conduite des cadres et des troupes, il ordonnait la retraite…" sur la maison du Rouge-Vètu et Raon, où l'on retrouvait la moitié de la colonne rentrée pendant la nuit.(5) La compagnie de Bertrichamps avait manqué au rendez-vous; le lendemain elle devait abandonner son poste et découvrir Raon. Cet abandon décidait le chef du détachement d'Azeraille à attaquer Raon.
Le lundi 27, la grand'garde n'ayant pas été remplacée, "les cavaliers Badois purent s'approcher impunément de l'entrée de la ville à portée de pistolet." Les renseignements ne manquaient pas; vers huit heures, deux habitants de Merviller, accourus à travers les bois de Gramont et du Petit-Reclos, avaient informé "que le détachement ennemi de Montigny, avec deux pièces de canon, avait passé le matin même à Merviller, pour rejoindre dans la matinée celui d'Azerailles et attaquer Raon." Malgré cet avis, nos troupes ne se mettaient en marche qu'à midi sonnant, "tambours battant vers Baccarat, comme pour une marche militaire destinée à replacer la grand'garde de Bertrichamps. Le bataillon de la Meurthe dépassait à peine le faubourg, que deux ou trois braconniers de Clairupt, le fusil à la main, annonçaient qu'ils avaient tiré sur des cavaliers que l'on apercevait déployés à faible distance en travers de la route". A ce moment, deux pièces ennemies en batterie à Clairupt, au sud de la cote 347, à 1500 ou 1800 mètres, tirèrent sur les troupes et sur le faubourg, en arrière de la batterie on distinguait un bataillon en mouvement. Pris de panique, les mobiles de jetèrent en désordre dans les bois au nord de la route, le sang-froid du commandant Brissac arrêta fort à propos ce commencement de panique. Les francs-tireurs de Luxeuil allèrent occuper la rive gauche de la Meurthe, ceux de Colmar et les gardes nationaux de Raon, descendus pour tirailler dans la vallée, en remontaient les pentes et regagnaient la lisière du bois; une moitié du bataillon de la Meurthe était détachée pour les appuyer; l'autre moitié allait occuper la tête du faubourg de Baccarat; là, et dans l'intérieur de la ville, sept barricades avaient été élevées par les soldats et les habitants; des tireurs occupent les fenêtres des maisons qui les dominent; les francs-tireurs de Neuilly se retirent à gauche du faubourg, entre la voie ferrée et la rive gauche de la Meurthe. Débouchant du bois, des haies, les Allemands marchent vers la côte de Raon, droit sur les ruines du château Beauregard (6), d'où ils menacent la droite des défenseurs.
Vers 4 heures, leur feu se ralentissait soudain, des fantassins venaient sous nos balles relever les morts et les blessés; posté dans le clocher de Laneuveville, le lieutenant Antoine de la garde nationale, annonçait la retraite définitive des Allemands. Redoutant un combat de rues, fixé sur la situation de Raon, le major Elern se repliait sur Baccarat; le bataillon de la Meurthe suivait l'ennemi jusqu'à Bertrichamps, une de ses compagnies se retranchait à Clairupt. Le brillant officier qui commandait la cavalerie badoise, atteint d'une balle, expirait le soir en passant à Baccarat". Fin de l'escarmouche. La résistance devait s'effondrer après la chute de Strasbourg qui libéra des troupes en grand nombre et submergea les Vosges. |