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BADONVILLER - La – MARTYRE
1/ Historique

        Chef lieu de canton de 2086 habitants, Badonviller est l’ancienne résidence des princes de Salm et capitale du comté.
        Il doit son nom à Bodon, évêque de Toul au VIIème siècle.
        François de Vaudémont épousa, au XVIème siècle, Christine de Salm ; il eut en partage (1598) une partie de Badonviller (dénommé aujourd’hui le faubourg) de sorte que les habitants dépendaient, les uns des tribunaux de Lorraine, les autres des tribunaux de Salm.
        De ce mariage naquirent : Charles IV, duc de Lorraine ; le prince Nicolas-François, de qui descend la maison des Habsbourg d’Autriche, et la princesse marguerite qui épousa Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII.
        A l’époque de la réforme, les princes de Salm se convertirent au Calvinisme et leur exemple entraîna la population.
        Une chapelle fut construite pour le culte réformé ; des trois cloches de cette chapelle deux furent fondues en 1792 ; la troisième placée à l’Hôtel de Ville, servait autrefois à annoncer les marchés et a servi pendant la première guerre mondiale pour prévenir la population des alertes aux gaz. Le Père Fourrier, envoyé à Badonviller réussit à ramener au culte catholique les princes et leurs sujets.
        Au XVIIème siècle, Badonviller jouissait d’un certain renom par suite de ses industries florissantes :fonderie de canons ; manufacture d’armes ;frappe de monnaies, tannerie ;bonneterie, etc.....
        Pendant la guerre de trente ans, époque à laquelle les Suédois assiégèrent et incendièrent le château de Pierre-Percée, Badonviller vit ses fortifications éventrées et ses moulins détruits.
        Badonviller a vu naître le célèbre astronome Messier, que Louis XV surnommait le »furet des comètes », et le peintre Claudot, à qui on doit des tableaux remarquables du chœur de la cathédrale de Nancy, de l’église des Carmes et du musée de peinture.
        Avant la première guerre mondiale, Badonviller était un pays industriel : faïencerie, coupe de velours, bonneterie, broderie, scieries, avec des communications faciles grâce aux deux lignes de chemin de fer qui y aboutissaient.
        Niché aux premiers contreforts des Vosges qui courent le long de la rive droite de la Plaine, il offre des promenades de toute beauté et des sites pittoresques. Il compte sur son territoire des lieux à jamais célèbres : Le haut d’arbre, Malgréjean, le Chamois, Thiaville, Allencombe, Le Gros Hêtre.
        La Chapelotte est distante de 6 kilomètres seulement.
        Le Canton est constitué des communes de Badonviller, Pexonne, Neufmaisons, Sainte-Pôle, Saint-Maurice, Neuviller, Pierre-Percée, Bréménil, Angomont, Bionville, Fenneviller, et Raon-les-leau.
        Toutes ces communes ont cruellement souffert de la guerre et ont été presque entièrement détruites.


2/ LA GUERRE de 1914 – Les INVASIONS

        Badonviller fut une des premières communes de Lorraine et de France souillée par l’ennemi.
        Dès le 10 août 1914 (8 jours après la déclaration de la guerre), les habitants eurent l’impression que des événements graves se déroulaient autour d’eux. Parux brûlait en totalité, le Prussiens incendiaient Bréménil....
        Le mardi 11 août 1914, vers 16 heures, les fumées des incendies semblèrent plus proches. Le feu était à Malgréjean... à 1500 mètres de Badonviller où l’ennemi était parvenu. Les premiers obus sifflaient sur la ville.
        Le lendemain, 12 août 1914, après un combat qui dura de 5 heures à 9 heures du matin, quatre pendant lesquelles le 10ème bataillon de chasseurs à pied résista héroïquement à des troupes bien supérieures en nombre, les Bavarois entrèrent en force dans Badonviller.
        A ce moment, quelques chasseurs en retraite déchargèrent leurs armes sur les colonnes ennemies. Furieux de cette fusillade, les Allemands alléguèrent que des civils avaient tirés sur eux. Prétexte mensonger et choisi par ces bandits pour justifier leurs crimes.
        A partir de cet instant le soldat disparu pour faire place à l’assassin, avec toute sa bassesse et sa rage. »feu et sang » tel fut l’ordre donné par le chef de bande, digne imitateur d’Attila. Et malgré les protestations et les promesses du maire et des notables, le sinistre carnage s’accomplit......
        A Badonvuiller, comme dans bien d’autres communes de France et de Belgique, sans motif, sans l’ombre d’un prétexte, les bandits teutons :
        Ont volé : après avoir ordonné à la population de se rendre : les hommes à l’hôtel de ville, les femmes dans la propriété de Mr Fenal et de laisser portes et fenêtres ouvertes, les vandales pénétrèrent partout, brisant et pillant de la cave au grenier, jetant sur le sol les denrées qu’ils ne pouvaient emporter. Des voitures vinrent dans cet après-midi du 12 août, quérir literies et couchages.
        Ils ont incendié : Brûlant les maisons l’une après l’autre, méthodiquement, scientifiquement, avec ces engins spéciaux qui faisaient partie de leurs équipements de guerre, ne permettant à aucun propriétaire de sauver quoique ce soit, même le bétail.
        84 maisons et l’église furent entièrement détruites au cours de cette journée.
        Ils ont assassiné : Tirant sur les habitants sans distinction d’âge ou de sexe, les tuant au hasard, dans les rues, sur le pas de leurs portes, presque à bout portant. Douze civils ont ainsi trouvé la mort.
        Ils ont achevé les blessés : Deux chasseurs à pied, blessés, ayant été surpris dans l’écurie de l’hôtel de la gare, ils vinrent demander des allumettes à l’hôtesse et mirent le feu à son écurie, en sa présence, empêchant les blessés de sortir. Ces malheureux furent carbonisés avec un cheval qui se trouvait encore dans le bâtiment. Ils incendièrent la maison de Mr Débus, directeur de la faïencerie, servant d’ambulance et protégé par la Croix-Rouge, l’on eut à peine le temps d’évacuer les blessés.
        Ils ont brutalisé les prisonniers civils et otages : L’ordre de se réunir sous les halles fut appliqué pour tous sans souci de l’âge, et des infirmités. Ils y traînèrent, en les rouant de coups, des vieillards MM Nier 85 ans, Olivier,75 ans ; des aveugles Mr Grangé ; des simples d’esprit etc... Mr Batoz, 65 ans malade, fut traîné en chemise de son lit sur la route.
        Le 13 août, en se retirant, ils emmenèrent 28 otages : Mr Dedenon, représentant de la municipalité ; Mr Coulon, juge de paix ; Mr Jeanniot, receveur des postes ; Mr Louis Ory, commis de perception ; Mr Thomas, chef comptable de la faïencerie ; Mrs Bertrand et Diedler, gardes champêtres, et quelques autres personnes, même des enfants de 15 ans et des vieillards désignés d’office ou pris ou hasard. Sur la route de l’exil nos malheureux compatriotes subirent injures et mauvais traitements, ils furent incarcérés pendant 25 jours à la prison de Strasbourg.
        Ils se glorifient de leurs crimes, ainsi que le prouve le poème suivant trouvé dans le carnet de route du gefreite (caporal) Sanktus fait prisonnier devant Verdun, échantillon édifiant du lyrisme cynique et de l’ignoble joie qui inspire à l’âme boche le spectacle d’un village livré aux flammes et d’habitants inoffensifs menacés sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants.

Comme le ciel sombre s’illumine !
Malheur à toi, joli Badonviller !
La colère Bavaroise t’a condamné
Et ta mise en une mer de flammes.

Des coquines, chats tigres féminins,
Se cachaient dans tes maisons.
Le lion bavarois, d’un coup de griffe,
Les a jetées sur le sol.

Vois tu là-bas, dans la nuit,
On les conduit en troupeaux, hommes et femmes
Grognant comme des chiens
Tes habitants ,ô Badonviller !

Là-bas, les hommes sont devant le mur,
Les femmes et les filles ont obtenu pardon
Comme elles se lamentent, comme elles implorent
Pour leurs pères, pour leurs fils !

Feu ! Les femmes et les enfants crient.
Ceux qu’ils ont aimés ne sont plus.
Nos braves cadavres sanglants sont vengés
Malheur à toi joli Badonviller !

        Le 14 août, la joie de revoir les nôtres nous était rendue.
        Vers 8 heures du matin, le 105 ème régiment d’infanterie, suivi des 123ème et 139 ème (13ème corps d’armée) entraient à Badonviller et repoussaient l’envahisseur.
        Arrachés brusquement à l’angoisse et aux terreurs vécues, il nous semblait sortir d’un rêve affreux. Une réaction violente se produisait en nous et ce fut avec des pleurs que nous embrassions nos libérateurs. Nos troupes firent, ça et là, quelques prisonniers, dont 3 bavarois réfugiés au café Choinier. La population, courroucée, les menace, mais Mr Benoît, maire, qui cependant vient d’avoir son épouse lâchement assassinée et ses propriétés dévastées, s’interpose et les soustrait à la colère de la foule.
        Le 19 août, Mr Mirman, Préfet de Meurthe et Moselle, accompagné de Mr Minier, sous-préfet de Lunéville et de Mr Méquillet, député de l’arrondissement, vint remettre la croix de la Légion d’Honneur à Mr Benoît, maire. Madame Mirman déposa, au nom de toutes les femmes de France, sur les tombes des victimes du 12 août, des gerbes de fleurs nouées de rubans tricolores.
        Le 22 août, le zeppelin VIII qui lançait des bombes, dont une tomba au cimetière, était descendu sous nos yeux par l’équipe mobile du 2ème échelon du 21 ème corps placé sous les ordres du commandant Beaucourt et établie au sud de la ville, près de la ferme de la Valence. Au 5ème coup de 75, les pointeurs L.Gondouin et G.Colibert abattaient le monstre qui atterrissait vers la Chapelotte. Ce fut le premier Zeppelin abattu sur la terre de France.
        Le pavillon de ce pirate fut exposé quelques heures au balcon de l’Hôtel de Ville de Badonviller occupée par l’état-major du 21ème corps d’armée.
        Le soir de ce même jour la retraite des troupes, qui venaient de se heurter aux positions fortifiées et préparées à l’avance de Sarrebourg s’accélérait.
        Et hélas ! le lendemain, 23 août, nouvelle période d’angoisses et d’invasion, l’ennemi dans sa ruée sur Paris et la trouée de Charmes, occupait de nouveau Badonviller jusqu’au 12 septembre 1914.Craigant de nouvelles représailles, les 9/10èmes de la population partirent, pour l’exil, sans but précis, se chargeant de quelques objets indispensables. Ce fut une des scènes les plus douloureuses de la guerre.
        Pendant cette seconde occupation, les Allemands enlevèrent tout ce qui la première fois, avait échappé au pillage. Mr Lejeal, percepteur, qui alors faisait fonction de maire, étant allé trouver un officier supérieur pour lui faire remarquer qu’il était dans l’impossibilité de nourrir quatre vingt blessés français, n’ a rien pu obtenir et fut éconduit.
        Pendant cette occupation et celle qui devait se produire quelques jours plus tard, Mr Lejeal administra la commune avec un courage et un tact au-dessus de tout éloge. Malgré les menaces, il tint tête à l’ennemi, protégea ce qui restait de Badonviller et à l’insu du boche, il parvint à alimenter en pain des centaines de personnes restées dans la commune.
        Lors de la première invasion, Mr Lejeal, avait déjà du dissimuler et soustraire à l’ennemi les fonds confiés à sa charge et les archives de la perception.
        Après un nouveau retour de nos troupes qui devait encore être éphémère, l’ennemi envahissait pour la troisième fois Badonviller le 21 septembre 1914. Mais il devant la pression de nos chasseurs alpins, il devait battre en retraite vers Cirey quatre jours après.
        Furieux de ces échecs successifs, les Allemands bombardaient Badonviller dans la nuit du 5 au 6 octobre 1914. Il n’y eut aucune victime.


3/ 1915-1918 Les BOMBARDEMENTS

        Après une période calme, qui se prolongea jusqu’en février 1915, les Allemands montrèrent à nouveau de l’activité dans notre région.
        Le 21 février 1913, ils envoyaient sur la ville 30 obus de gros calibre qui ne firent que des dégâts matériels.
        Les 27 et 28 février,1er, 2, et 3 mars suivants, ils attaquaient en force le secteur notamment la Chapelotte, Neuviller et le Chamois, établissant leurs lignes à proximité de Badonviller (1500 mètres au maximum).
        Les vaillantes troupes de la 71ème division d’infanterie et du 34ème régiment d’infanterie territoriale résistèrent énergiquement à l’ennemi supérieur en nombre, et sauvèrent Badonviller d’une 4ème invasion.
        Depuis cette époque, jusqu’au jour de l’armistice, le boche s’acharna sur notre malheureuse cité en ruines qui ne comprend plus une seule maison épargnée par des obus.
        Le nombre des bombardements directs sur la ville est d’environ 190, dont plusieurs à obus incendiaires et une douzaine à obus toxiques.
        10 personnes de la population civile sont mortes victimes des obus des vandales, 22 autres ont été blessées par des éclats d’obus dont plusieurs assez grièvement.
        Dans les journées tragiques de mars 1915, par ordre du commandement, la circulation en ville n’était autorisée aux civils que de 8h à 9h30 du matin, et de 15h à 16h30 l’après-midi, attendu les tirs fréquents de l’ennemi. Ces heures de sortie ont même été réduites certains jours.
        Pendant les trois mois qui suivent, le ravitaillement fut des plus pénible, les convois civils circulant obligatoirement de nuit et deux fois par semaine seulement sur les routes sans cesse battues par l’artillerie
        La population était alors réduite à 530 habitants. Sur les conseils renouvelés de Mr le Préfet de Meurthe et Moselle et de la commission municipale, ce nombre diminua pour tomber à 260 habitants en mars 1916, chiffre qui s’est maintenu jusqu’au commencement de l’évacuation totale de 1918.
        Le 21 avril Mr Mirman, Préfet de Meurthe et Moselle, accompagné de Mr Minier sous-préfet de Lunéville, visitent Badonviller encore violemment bombardé la veille, ils me confient l’administration de la commune que j’ai continué à exercer sur place jusqu’à l’évacuation définitive en juin 1918, aidé par de dévoués collaborateurs composant la commission municipale, Mrs le docteur Bauquel, Berte Charles, Colin Jules, Ferry Louis, Siatte Honoré et Thomas Emile.
        Le 18 mai 1915, la population est munie de masques primitifs contre les gaz. Ces masques, échangés après par l’autorité militaire, et dont chaque civil devait obligatoirement être porteur, furent des plus utiles par la suite.
        Le 28 mai 1915, le général Humbert commandant alors le D.A.L., visite Badonviller.
        Le 20 août suivant, date du 100ème bombardement de la ville, visite d’officiers supérieurs de toutes les nations alliées qui fut suivi le 11 septembre, par la visite d’attachés militaires des pays neutres, parmi lesquels figurait encore un officier Bulgare.
        Le 23 septembre 1915, la commission d’enquête instituée en vue de constater les dégâts commis par l’ennemi en violation du droit des gens, viennent recevoir la déposition de quelques habitants témoins des atrocités allemandes d’août 1914. Cette commission était accompagnée de Mr le sous-préfet et de Mr Méquillet député.
        Du 24 février 1916, date de l’attaque allemande sur Verdun, jusqu’au mois d’avril suivant, période très agitée pendant laquelle Badonviller supporte 26 bombardements très violents qui firent plusieurs victimes parmi la population civile, les Allemands attaquent plusieurs fois aux étangs de Thiaville. Opérations relatées dans les communiqués officiels qui furent très meurtrières.
        Le 20 mars 1916, passage de Mr Le Président de la République, sous un violent bombardement, Le Président visite les tranchées et le Chamois.
        Le 25 avril suivant, l’ennemi attaque violemment la Chapelotte, il est repoussé et laisse près de 1000 morts sur le terrain.
        Le 21 juin 1916, Badonviller reçoit la visite du général Berthelot et le 15 juillet suivant celle de Mr Mirman, de Mr Damoisne, puis de Mr Bernier, instituteurs mobilisés. 32 élèves fréquentant la classe qui, le 17 novembre reçoit la visite de Mr le sous-préfet.
        Le 11 décembre 1916, passage de Mr le général Franchet d ‘Esperey, commandant alors le groupe des armées de l’est, et le 23 juillet 1917, Mr le général Marchand commandant la division en secteur, vient se rendre compte des dégâts du bombardement Allemand de la veille qui avait fait quatre victimes civiles.
        Le 12 août 1917, comme les deux années précédentes à pareil jour, nous honorons nos héros et martyrs de l’invasion Bavaroise. Mr Mirman, Mr Langeron sous-préfet de Lunéville, et les représentants de l’armée et de la 10ème division d’infanterie y assistent ; Après un service funèbre, des couronnes et gerbes sont déposées sur les tombes des victimes. Puis à 14heures, après un magnifique discours Mr le préfet remet des diplômes d’honneur aux militaires tombés au champ d’honneur et les prix aux enfants de l’école. Un piquet rendait les honneurs.
        Les 19 et 20 août, violents coups de mains ennemis vers le village Nègre, tous deux repoussés.
        Le 27 décembre 1917, Mr le général Mangin visite les cantonnements et Badonviller ; il revient à nouveau le 16 janvier suivant pour féliciter et décorer les troupes du vaillant 169ème régiment d’infanterie qui, la veille dans un coup de main réussi avait fait 41 prisonniers au Chamois.
        Le lendemain, Mr le sous-préfet, accompagné de Mr Métin, ancien ministre du travail, visitent l’école et le foyer du soldat que j’avais organisé au café CH. Choinier avec des secours locaux.
        Le 9 février, première émission sérieuse d’obus à gaz sur Badonviller.
        Le 23 février suivant les premiers soldats Américains de la 42ème division, venant combattre sur notre territoire, entraient à Badonviller, se rendant directement aux tranchées. Les drapeaux alliés sont hissés à l’Hôtel de Ville. Au premier contact nous admirons tous leur calme magnifique. Ils prouvaient leur bravoure quelques jours après, le 5 mars, en repoussant victorieusement un fort coup de main ennemi. Le boche, décontenancé par cette résistance inattendue, ne put aborder la tranchée. C’est sur notre territoire que ce jour là que le premier officier Américain du grade de capitaine, des armées combattantes, fut tué à l’ennemi avec 18 hommes.
        Le lendemain, le général Pershing venait féliciter à Badonviller ses vaillantes troupes.
        A partir du 14 mars l’évacuation de Badonviller, conseillée depuis le 27 janvier dernier, entre en exécution avec l’aide de camions automobile qui, à partir du 16, effectuent leurs transports sous d’incessants bombardements. Très souvent les camions sont obligés, pendant le trajet, d’attendre la fin des rafales et de détourner les arbres coupés par les obus sur les routes pour pouvoir continuer leurs voyages.
        Les tirs vont en s’accentuant jusqu’au dimanche 24 mars, date d’un des plus violent bombardements de Badonviller, avec obus de gros calibre. Plusieurs incendies se déclarèrent et toute la nuit le tir continua avec obus explosifs et toxiques précédant de larges coups de mains ennemis. Nous devons tenir le masque contre les gaz plusieurs heures, et nous vécûmes là quelques heures angoissantes ; Plusieurs personnes furent sérieusement incommodées et plusieurs têtes de bétail périrent par les gaz.
        Le surlendemain, pendant un bombardement de la ville, visite de Mr Miramn Préfet de Meurthe et Moselle.
        Les jours suivants, Badonviller est encore bombardé et nombreuses sont les maisons rendues inhabitables. C’est ce qui décida l’évacuation générale qui, après l’enlèvement des différentes ressources locales et archives, se termina le 30 juin 1918.
        De nouvelles et fréquentes émissions de gaz étaient effectuées par l’ennemi, notamment les 27 et 29 mai, 12,19, 24, et 25 juin 1918. Madame Job et Mr et Me Emile Thomas furent sérieusement atteints par l’ypérite. Quelques jours seulement avant l’armistice, les boches dans leur rage folle, sachant cependant Badonviller totalement inhabité, bombardèrent encore la ville avec minen à gaz par projecteurs . Les dégâts matériels par ces derniers méfaits furent importants.


        Malgré ses deuils, ses angoisses et ses souffrances continuelles, Badonviller resta calme jusqu’au jour d’évacuation définitive rendue obligatoire par les actes barbares de l’ennemi.
        En dépit des dangers incessants, la vie y resta à peu près normale. Les services publics fonctionnant et la presque totalité des commerces et autres professions y étant représentés jusqu’à cette époque.
        Les œuvres de guerre y eurent toujours un écho généreux et chacun eut à cœur d’échanger son or et de souscrire aux divers emprunts de guerre. Je recueillis ainsi des sommes très importantes.
        Un comité de dames et de jeunes filles dévouées fonctionna sans cesse pour l’entretien des nombreuses tombes situées dans nos cimetières et disséminées sur notre territoire.
        Ce n’est pas sans hésitation ni d’amers regrets que chacun a consenti à quitter ses ruines après avoir supporté pendant de longues années les invasions et les bombardements multiples de l’ennemi.
        A présent, que nos morts glorieux sont vengés et que la victoire a couronné tous les efforts, chacun se prépare en union parfaite à travailler à la reconstitution des foyers détruits auxquels tant de tragiques et glorieux souvenirs.
        L’heure des grandes réparations a sonné !! Nous avons confiance que, grâce à l’énergie et à l’aide des pouvoirs publics. Badonviller-la-Martyre se relèvera bientôt de ses ruines, aux frais du boche dévastateur et seul responsable.

Non daté

Signé Emile Fournier.






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