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LA GUERRE DES PAYSANS ET LA REFORME




La guerre des paysans dans notre region


       Une description détaillée de la Guerre des Paysans dans notre région nous a été laissée par l’Abbé Nartz(4). Celui-ci commence par parler d’une première révolte en 1493, menée sous la bannière du « Bundschuh » (soulier à courroie, par opposition à la botte du noble et au brodequi du clerc), qui fut réprimée de la façon la plus sauvage (doigts coupés...)

       Ensuite, viennent les événements de 1525 proprement dits.

       (je cite):

       « Dès les premiers jours d’avril, le Schulteiss de Rosheim, Jerry Ittel, se mit, avec deux bourgeois de Molsheim, à la tête du mouvement dans les campagnes. En peu de jours, il eut réuni une troupe de paysans forte de 1500 hommes. Dans le nombre, il choisit des messagers, chargés de parcourir les environs, et de convoquer, pour la semaine de Pâques, dans la plaine d’Altorf, des hommes armés de boîtes et décidés à en finir avec la noblesse et le clergé. L’une d’entre elles, composée de campagnards d’Epfig et de Dambach, s’empara d’Ebermunster et s’y établit; la seconde se recruta plus proche de nous : rassemblée dans le Val de Villé, de Scherwiller à Saales, elle pilla le couvent de Honcourt et dévalisa ce qu’elle put. Deux autres se réunirent dans le Haut Rhin.

       ...

       D’un autre côté, des milliers de paysans avaient franchi les Vosges. Voyant cet orage se former à ses portes, le Duc Antoine de Lorraine leva des troupes et manda à ses frères, Louis de Vaudémont et Claude de Guise, de venir à son secours. Tout d’abord, il envoya, à l’entrée des gorges et des défilés, quelques troupes pour en disputer le passage aux ennemis, à Saint-Dié, à Raon, à Blâmont, à Sarreguemines. Lui même quitta Nancy le 5 mai et marcha sur Vic. Là, il trouva une lettre des conseillers imprériaux siégeant à Ensisheim, laquelle réclamait de prompts secours contre les Rustauds. Le 12 mai, il fut rejoint par ses frères ainsi que par le Cardinal de Lorraine. Le 13, les paysans s’emparèrent de Saverne. »

       (Ces paysans sont ensuite écrasés par une armée de 12000 hommes commandée par le Duc de Lorraine; d’après l’abbé Nartz, qui paraît bien documenté, la bataille du 20 mai 1525 fit 13000 morts, la plupart du côté des Rustauds)

       ...

       « Le duc Antoine eut pu rentrer directement en Lorraine. Il préféra traverser l’Alsace pour achever les rebelles, et retourner par le Val de Liepvre ou par celui de Villé.

       La horde de notre pays étant arrivée trop tard pour secourir Gerber et Ittel, était décidée à s’opposer au moins à la marche des Lorrains.

       (Nartz décrit alors la terrible bataille du 20 mai 1525, également connue sous le nom de « massacre de Scherwiller »:)

       « Quand les maréchaux des logis et les avant-coureurs eurent passé le village de Stozhem, ils trouvèrent grand nombre de chariots chargés de provisions et aperçurent de loin une grande poussière, qui marquait une nombreuse multitude de gens en marche. Avançant plus loin jusqu’à Cherwiller, ... on leur dit que les logis étaient pris pour plus de 10000 Luthériens en armes qui devaient y arriver de tous côtés. On porta aussitôt ces nouvelles au Duc Antoine, qui ramassa le mieux qu’il put tout ce qu’il pouvait avoir de monde autour de lui, mit sa cavalerie et son infanterie en bon ordre, et les exhorta à bien faire et à se tenir sur leurs gardes ... Les luthériens, les voyant, se mirent en bataille autour du village, qu’ils avaient à leur tête et à l’orient, le Val de Villé à leur queue et au couchant, et des vignes bien fermées à droite et à gauche, de sorte que Cherwiller leur servait comme de rempart ...

       L’avant-garde était commandée par le Prince de Guise, qui se mit à sa droite. A sa gauche, marchait le Comte de Salm ...

       ...

       Scherwiller fut pris d’abord par l’avant-garde et brûlé, village et église, tant pour éclairer le champ de bataille que pour débusquer les rebelles; avec cela, 2000 Luthériens étaient mis en déroute. Après, on marcha droit sur les ennemis, qui étaient rangés dans le vallon. Leur artilerie, trop haut placée, fut démontée, et une bande fut enfoncée après l’autre. Bon nombre de fuyards gagnèrent la porte de Chatenois, mais on refusa de les recevoir et beaucoup furent frappés sur place. »

       Après cela, l’armée se dirige vers la Lorraine. Elle a du mal à passer le Val de Villé, car certains paysans ont coupé des arbres pour lui faire barrage. Pour l’arrivée à Villé, l’Abbé Nartz laisse la parole à Nicola Volcyr, un témoin oculaire, dont nous reproduirons les propos en leur gardant leur style d’époque :

       « Et estoit bien tard quand on arriva audit Villiers, où l’esglise éstoir occupée de femmes et d’enfants dudit lieu, sans sçavoir nouvelles de leurs maris, lesquels s’étaient pour la plupart, retirés es montagnes avec le bétail, ayant le curé dudit lieu failli mauvaisement touchant les sacrements de notre mère l’Eglise; car les matrones estantes illec montrèrent plusieurs enfants à l’auteur, lesquels n’avaient aucunement reçu le sacrement de baptème...

       ... outre plus, le curé dudit Villiers et plusieurs autres avaient aboli la confession et tous les autres mystères de perfection chrétienne... »

       L’armée traverse le Val de Villé. Elle est retardée dans le bois de Saales par des barrages à base de troncs d’arbres mis en place par les paysans. Elle retourne chez elle en Lorraine après avoir réprimé la révolte.

       Après cela, le Val de Villé reste extérieur aux querelles religieuses :

       « On n’y sut de Diètes et de symboles que ce que la renommée y rapporta ».

       En revanche, comme on sait, la Réforme s’implantera au Ban de la Roche. Voici comment l’Abbé Nartz, qui dispose d’une source plus ancienne en la personne d’un certain Bussière, décrit les choses :

       « Le Comte palatin, ayant acheté en 1584, des Rathsamhausen zum Stein, leur seigneurie pour 47 000 florins, s’avisa de la rendre évangélique. Il eut pour cela, dit M. de Bussière, l’heureuse chance de rencontrer un homme selon son cœur, en le curé Papelier. Papelier se déclara prêt à tout, à apostasier pour lui, à renoncer à la messe, à prendre femme au besoin, à prêcher telle doctrine qui plaisait à son nouveau maître, pourvu qu’on le maintînt en la possession de sa place, de sa maison, de ses émoluments, et le marché fut conclu. A défaut d’éloquence, le nouvel apôtre avait le mérite d’être un intrépide danseur et un joyeux compagnon. Il gagna de la sorte le cœur de ses ouailles des deux sexes, et les poussa vers la doctrine épurée grâce à l’assistance de la bouteille et de la musette. »



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