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Index Les Voyageurs de la PRINCESS AUGUSTA



LA GUERRE DES PAYSANS ET LA REFORME




CUJUS REGIO EJUS RELIGIO


       La règle du Cujus Régio Ejus Religio (liberté religieuse pour les princes; obligation pour le sujet d'avoir la religion de son seigneur) est emblématique de l'identité religieuse en terre germanique.

       Sous cet énoncé qui semble simple, de nombreuses nuances se cachent, car la règle est en réalité très difficile à appliquer dans le concret. La règle évolue dans le temps de la façon suivante, selon trois phases:

            1 Paix d'Augsbourg et Confession d'Augsbourg :

       C'est le premier énoncé de la règle.

       Le 25 septembre 1555, la paix d'Augsbourg est signée entre l'Empereur Charles Quint, catholique, d'une part, et, d'autre part des princes révoltés et l'Eglise "hérétique" représentée par Mélanchton, qui négocie au nom de Luther. Les calvinistes ne sont pas partie prenante.

       La règle du Cujus Régio ... telle qu'énoncée dans le traité veut que chaque prince puisse être au choix catholique ou luthérien, et que les sujets doivent avoir la religion de leur seigneur.

       En réalité, Charles Quint ne consent cette règle qu'à contre-cœur et cherche à s'ouvrir dès le départ des possibilités d'interprétation restrictive. En particulier, il exige que le protestantisme définisse sa théologie, et il pèse même sur cette définition, obligeant plusieurs fois Mélanchton à revoir sa copie (à cette occasion, les non catholiques protestent, et deviennent ainsi des protestants). Bon, après avoir protesté, ils tombent d'accord sur un texte définissant leurs croyances. Ce texte, appelé Confession d'Augsbourg, constitue une annexe du traité appelé Paix d'Augsbourg.

       Lourd de sous entendus, le traité d'Augsbourg est appliqué de mauvaise foi par tous. Etait-il même applicable? A supposer qu'un fief change trois fois de seigneur, fallait-il que ses habitants changent trois fois de religion ?

       La Guerre de Trente Ans remet tout en question.

            2 Paix de Westphalie

       Signée le 24 octobre 1648, la paix de Westphalie clôt la Guerre de Trente Ans

       Diplomatiquement, elle met fin aux tentations hégémoniques de l'Empire; établit ou confirme l'indépendance des Pays Bas et de la Suisse; consacre la montée en puissance de la France et de la Suède.

       Et, pour nous en tenir au sujet qui nous occupe pour l'instant, elle donne une définition totalement nouvelle du Cujus régio...

       Celui ci est figé dans le temps à une année de référence qui est 1624. Donc: est réputée catholique une terre qui l'était en 1624; de même: est réputée protestante une terre qui l'était cette année là. Cette nouvelle définition vaut pour toutes les parties signataires, y compris la France. Celle-ci est donc, au titre de ce traité, engagée à respecter le Cujus Régio Ejus Religio chez ses nouveaux vassaux alsaciens.

       On espère de cette nouvelle définition la paix et la stabilité ... à défaut de la liberté religieuse qui n'existe plus pour personne, ni seigneurs ni sujets, car on ne voit pas comment on pourrait la concilier avec la nouvelle définition du Cujus régio ...

            3 Politique de Louis XIV

       La politique de Louis XIV est pro-catholique. Elle contraste donc avec la politique de son père Louis XIII qui était très pragmatique (« Politique intérieure catholique, politique étrangère protestante »). En France de l'intérieur, l'édit de Nantes est révoqué le 17 octobre 1685.

       En Alsace, la politique appliquée est moins radicale, mais elle vise néanmoins à pousser les pions de l'Eglise catholique.

       En particulier, le Roi estime qu’un catholique ne doit pas être obligé de changer de religion; donc: lorsqu’un catholique ira s'installer dans une région protestante, il conservera le droit de rester catholique. Et, lorsqu'il y aura sept familles catholiques dans une ville protestante, les protestants devront accepter de partager leur église avec les nouveaux venus: c'est l'institution du simultanéum. Tout cela serait assez sympathique (l’individu garde sa religion; les diverses confessions doivent s'entendre pour se partager l'église du village); mais là où le bât blesse, c'est qu'il n'y a aucune réciprocité.

       Les droits consentis par les Traités de Westphalie aux Protestants sont respectés, mais leurs frontières sont surveillées, et le Roi ne permet pas qu’un « grignotage » les étende. Par exemple, il estime (juridiquement à juste titre) que les anabaptistes ne tiennent aucun droit des Traités de Westphalie, et il n’entend pas leur permettre de s’en arroger.





La guerre des Evêques


       L'année 1592 est dramatique dans notre région à cause d’une nouvelle guerre de religions appelée « Guerre des Evêques ».

       Cette année là, l'évêque de Strasbourg est mort, et il s'agit de savoir si l'on va le remplacer par Georges de Brandebourg, protestant, ou par le cardinal de Lorraine, catholique.

       Il en résulte une "guerre des évêques" opposant les princes protestants et le magistrat de Strasbourg d'une part, au parti catholique appuyé par la maison de Lorraine d'autre part. La paix signée en 1604 confirmera l'élection du cardinal de Lorraine mais en même temps elle garantira à la ville de Strasbourg la jouissance de ses droits et franchises.

       Strasbourg continue donc à être une ville libre administrée par son Magistrat. L'évêque reste sans pouvoir temporel (il l'avait perdu dès le Moyen Age, mais il l’aurait regagné s’il avait pu). Ceci explique comment une ville protestante peut avoir un évêque catholique et cependant rester protestante: une guerre sans vainqueur ni vaincu a obligé les parties en présence à se partager ce qu’elles se disputaient.

       Mais n'allons pas si vite, et restons en 1592 et dans le Ban de la Roche.

       Les Veldenz sont évidemment du côté protestant. Ils sont trahis par un membre de la famille Holveck:

       "Sébastien Holveck enseigne aux cavaliers de Lorraine la maison seigneuriale de Rothau, laquelle a été pillée en sa présence" (ABR, C 323 12). »

       La famille Holveck est de Schirmeck/Barembach depuis la nuit des temps. Un membre de cette famille s’est installé en 1502 au Ban de la Roche, encore catholique à l’époque, après avoir remporté l’adjudication du moulin. Bien que cette branche eut fait souche au Ban de la Roche et comporte des luthériens, les loyautés de la famille étaient encore majoritairement catholiques en 1592, comme Sébastien Holveck nous l’a démontré avec clarté.



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