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Index Les Voyageurs de la PRINCESS AUGUSTA



LA GUERRE DE TRENTE ANS




Les quatre phases


       Revenons en maintenant à la Guerre de Trente Ans et à ses quatre phases. On distingue:

       1 Phase « allemande », ou phase Palatinat-Bohême 1618-1620: cette phase, c'est essentiellement une lutte des pouvoirs locaux menés par Frédéric V, Roi de Bohême et Electeur Palatin contre un pouvoir impériel qui se veut central; en 1620, les princes « allemands » sont battus en une heure à la bataille de la Montagne Blanche (dans ce contexte, « allemands » veut simplement dire germanophones; il serait évidemment absurde d’aller leur inventer une patrie allemande au sens moderne du terme, c’est à dire étatiquement unifiée; c’est précisément contre de tels projets d’unification sous l’égide de l’Empereur qu’ils font la guerre!)


LE SALM ET LA « PHASE ALLEMANDE »

       La population du Salm est, globalement, plus épargnée que les autres par la Guerre de Trente Ans, mais il convient de noter quelques spécificités dues à la politique des Ducs de Lorraine.

       On sait qu’il s’agit d’un pouvoir ultra-catholique (la Ligue, les Guise, ...). La noblesse est donc présente dans la guerre dès la phase allemande. François de Vaudémont, Duc de Lorraine était chef de la Ligue catholique pour la rive gauche du Rhin. Il envoie trois régiments lorrains à la Bataille de la Montagne Blanche, où son fils Charles est tué.

       Bien que la population lorraine et salmoise soit située géographiquement loin du champ de bataille, il a bien fallu recruter ces trois régiments.

       Pierre GENY a même trouvé une lettre du 8 décembre 1621 par laquelle le Comte de Vaudémont ordonne à Badonviller de fournir des hommes (il ne semble pas que ceux-ci aient combattu; n’empêche! la guerre était bien là):

       « De par le Comte de Vaudémont et de Salm.

       Très cher féal, nous avons fait passer le Sieur de Clerge à Badonviller pour vous avertir du jour où vous ferez tenir prêts les cinquante hommes de nos sujets du Comté de Salm pour s’acheminer au lieu qu’il vous dira. Donnez ordre que le choix se fasse des plus lestes et des plus propres à servir... »

       D’une façon générale, bien que la géographie protège en général le pays de Salm d’une incursion massive d’ennemis, la guerre le frappe, mais autrement; nous avons vu un certain phénomène de conscription (qui n’est cependant pas massif); il convient d’y ajouter, plus pard, le stationnement de troupes « amies », comme celles de Gallas, qui vivent sur le pays.



       (Période 1620-1625; on peut à peine classer cette période dans la "phase Bohême", puisque la Bohême a perdu son indépendance suite au désastre de la Montagne Blanche, et qu'elle est devenue propriété des Habsbourg; en fait on est entre deux phases; ce qui ne veut pas dire que la période est calme, bien au contraire; voir plus loin le passage intitulé « Points de technique militaire » et les choses ne s'arrangent pas pour les Protestants, car ils s'amusent à des rivalités entre Calvinistes et Luthériens)

       Gagner une guerre, c’est du talent.
       La gagner en une heure, c’est de l’imprudence.

       Suite à la bataille de la Montagne Blanche, dans toutes des Cours d’Europe, on ne parle plus que de cette nouvelle puissance qui vient de se lever à l’Est, et de cet Empereur qui deviendra Roi du Monde si on le laisse faire. Et on ne va pas le laisser faire... Par la suite, l’Empereur aura contre lui toute l’Europe, qui en oublie d’être divisée. On voit même l’Angleterre dans le même camp que la France! L’Empereur va devoir affronter tour à tour toutes les puissances européennes; chacune de ses victoires n’a d’autre effet que de lui susciter un nouvel adversaire, jusqu’à ce qu’il soit finalement vaincu par la France, qui a su avoir, une fois n’est pas coutume, la sagesse d’entrer en guerre la dernière et de ramasser ainsi la mise.


       2 Phase danoise (1625-1629): le conflit s'internationalise; c'est le Danemark qui mène la seconde phase de la lutte, aidé par l'Angleterre et les Provinces Unies; l'Empereur recrute le mercenaire Wallenstein; défaite totale des protestants


       3 Phase suédoise (1630-1635): cette phase interesse particulièrement le Ban de la Roche, qui est une peu une « colonie suédoise », les Comtes palatins de Veldenz, seigneurs du Ban de la Roche, étant apparentés au Roi de Suède; elle interesse ses voisins par voie de conséquence; elle est menée par Gustave de Suède, luthérien zélé; la France a discrètement promis son aide mais elle n'est pas en première ligne; les Suédois battent les Autrichiens à plate couture à la bataille de Breitenfeld, ce qui oblige l'Empereur à rappeler Wallenstein, mercenaire de talent mais enclin à jouer son propre jeu; bataille de Lutzen: les Suédois sont victorieux, mais leur roi est tué; il est remplacé comme chef de guerre par Bernard de Saxe Weimar; défaite cuisante de ce dernier à Norlingen en Allemagne;


       4 Phase française (1635-1648): la défaite de Bernard de Weimar à Norlingen incite la France à entrer en guerre elle-même; la guerre se termine par la victoire et par les traités de Westphalie; dans cette phase, les aspects religieux le cèdent devant les aspects politiques (car il est bien évident que la France n'a pas pour but de guerre de défendre le protestantisme, mais de faire échec aux prétentions hégémoniques de l'Empire; on a l’habitude de résumer en ces termes la politique française de l’époque: « Politique intérieure catholique, politique étrangère protestante »)


Points de technique militaire
  • les armées ne sont pas permanentes; un prince qui veut faire la guerre doit engager un chef mercenaire qui s'auto-proclame général; tel est le cas de Wallenstein côté catholique et de Mansfeld côté protestant


  • les armées sont de petite taille; Mansfeld par exemple, avec 4000 hommes et 13 canons, est considéré comme une force importante; le soldat est rare et cher, on n'engage pas sa vie inconsidérement; les batailles rangées sont rares; on cherche à les éviter


  • les armées vivent de rapines sur le pays, même et surtout en l'absence de bataille, qui les réduit au "chômage"; ce qui donne à la guerre un coté "guerre contre les civils"; ceux ci fournissent le plus grand nombre des morts; il n'y a pas, pour eux, de différence à faire entre armée amie et armée ennemie; et il n'y a pas non plus de différence à faire entre période de guerre intense au niveau de la "grande politique" et période supposée calme; à la limite, les périodes où il y a des vraies batailles apportent un certain soulagement aux civils, car les soldats s’exterminent enfin entre eux... (pardon de dire les choses si crument! Mais c’est bien ainsi que les problèmes se posent)
Il convient de noter qu'il n'y a pas de commune mesure entre l'intérêt stratégique d'une opération et les dégâts qu'elle inflige. Par exemple, en juin 1633, Rothau est réduite à la famine et à l'état de ville fantôme par une poignée de soldats opérant à partir du château de Guirbaden et surtout par le fait que, dans leue sillage, les villageois de Schirmeck, à qui cette petite protection donne des ailes, moissonnent les récoltes de Rothau et les emportent. En sens inverse, il est parfois possible de se débarasser de soldats maraudeurs au moyen de ruses assez grossières (exemples dans Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs Légendes) qui ne tromperaient pas un instant un officier professionnel.




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