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Index Les Voyageurs de la PRINCESS AUGUSTA



PREMIERS BATEAUX VERS L'AMERIQUE





       Sans prétention à l’exhaustivité...

Dès 1729?

       1729: un BINKLEE, Johannes sur le Mortonhouse

Dès 1732?

       Comme nous le verrons plus tard, plusieurs Bandelarochois arrivent en Pennsylvanie en 1736 à bord de la Princess Augusta. Parmi eux, Peter Binkley, qui aura l’occasion, ou plutôt de dicter, la phrase suivante :

       « In the eighth year after his marriage, he and another man with whom he was cutting grass were struck by lightning as they had taken shelter under a beech tree from the rain, and he was so badly burned that for several weeks he was confined to his bed. This occurrence delayed for four years his plan of going to America, but meanwhile he associated himself with the Awakened People of the neighborhood. »

       Donc, Peter estime que son voyage a été retardé de quatre ans, ce qui nous conduit à nous demander si des Bandelarochois « et assimilés » sont venus en Pennsylvanie en 1732.

       J’ai donc recherché les listes de passagers de cette année là, et obtenu des réponses difficiles à interprêter. En effet, j’ai trouvé quelques noms qui m’ont « dit quelque chose », mais il s’agissait d’individus isolés (ou à peu près), ce qui empêchait de recouper utilement les informations de la liste de passagers avec celles des paroissiaux du Ban de la Roche (exercice que nous réussirons à faire en 1736 pour des familles dont plusieurs membres voyagent ensemble).

       Voici donc, en vrac, les informations obtenues, bateau par bateau:


Le SAMMUEL, de Rotterdam à Philadelphie

     Liste du 11 aout 1732. On note:

MOSIMAN John

       23 ans; les Mosiman sont une famille Mennonite présente dans la région, que l’écrivain Michiels rencontrera à la ferme du Hang à Bourg-Bruche (67) (voir le récit de cette visite dans Magique Pays de Salm).

BECLIE, ou Brecklie, Hans Jacob

       46 ans: est-ce déjà un Bingelli / Pinckelé / Binkley?

       J’aurais tendance à répondre oui. N’oublions pas que c’est un Pinckelé qui se plaindra, dans sa biographie, d’avoir vu son voyage retardé de quatre ans, c’est à dire repoussé de 1732 à 1736. Il est donc logique de s’attendre à trouver quelques membres du clan Pinckelé sur les océans en 1732.

LA LOYAL JUDITH

       Départ de Rotterdam via Londres ou de Rotterdam; arrivée en Pennsylvanie; liste établie le 25 septembre 1732; je remarque:

Johannes Christian Schultz, minister

       Le nom de Schultz est bien connu de la Mennonite Encyclopedia
       La présence d’un pasteur sur le bateau donne une impression d’organisation

Philip Roup, 51 ans, et Michel Roup

       Le nom de Ropp existe alors au Ban de la Roche et dans la région, quoique d’immigration récente; en outre, le nom de Ropp / Rupp est listé par la Mennonite Encyclopedia parmi les « Amish family names primarily of the Alsatian group and their descendants »

Hans Adam Gasser

       Les Gasser sont une famille alliée aux Pinckelé / Bingelli / Binkley; l’un et l’autre nom sont originaires de Guggisberg, Canton de Berne, Suisse.

Hans Michel Criger

       Peut être à rapprocher de la famille Krieger du Ban de la Roche (immigrés suisses qui tinrent la cense du Bas Lachamp à Bellefosse avec les Neuviller)

Le Mary, port de départ non indiqué, chargé d’immigrants supposés du Palatinat, arrivée en Pennsylvanie

       Liste du 26 septembre 1732. On note:

Jacob Hasman

       Hazemann?; il s’agirait alors d’une vieille famille bandelarochoise); 40 ans; étant donné que la mention du nom est très isolée, il est difficile de pousser plus loin la vérification pour voir si le voyageur vient bien de la région du Ban de la Roche; un élément intéressant quand même: la famille Hazemann a une importante branche au Hohwald, lieu stratégique pour le sujet qui nous interesse; et de plus nous trouvons également un Verly sur le même bateau; ce qui fait deux noms de sonorité bandelarochoise; certes, cela peut être du au hasard, mais quand même...

Hance Peter Verly

       27 ans
       Il serait très interessant d’en savoir plus sur ce Jean-Pierre Verly qui semble avoir fait figure de précurseur. Malheureusement, je n’ai trouvé, au Ban de la Roche, aucune naissance qui corresponde, même à peu près.

       Noter la proximité dans le temps des voyages de la Loyal Judith et de la Mary (25 et 26 septembre 1732). Il est peut-être déjà possible de parler d’émigration groupée, sans certitude cependant.

       Noter aussi:

LE BILLANDER OLIVIER

       Le Billander, arrivé en 1735, amène un PINGLEY, Hans Michael, âgé de 23 ans. Aucun des autres noms de la « Passengerlist » ne me dit quelque chose.

       Ted von Mechow nous apprend que ce navire fit escale à Charlestown, Géorgie, avec pour capitaine Robin Robinson. Une semaine avant le départ prévu, Robinson fut tué par des requins ( ? ? ? à terre ? ? ? ) et remplacé par Samuel Merchant, qui amena le navire à Philadelphie.

       Après peut-être aussi un passage par la Caroline du Sud:

       « List of foreigners imported in the ship Billander Oliver, Samuel Merchant, Master, from South Carolina. Qualified Aug 25, 1735 ».

       Ce voyage est vraiment bizarre, car, pour aller d’Europe en Pennsylvanie, il n’était necessaire de passer ni par la Caroline du Sud ni par la Georgie. La seule escale était à Cowes, en Angleterre, dans le but de montrer patte blanche aux autorités anglaises.

       Que s’est-il donc passé? Le navire et sa cargaison humaine ont-il été détournés par un capitaine désireux d’accoster sur un rivage où la viande humaine endettée se vendait, ce qui n’était semble-t-il pas le cas de la Pennsylvanie?

       Ses passagers l’ont-ils assassiné avant de le jeter aux requins pour éviter de finir à peu près esclaves dans les champs de coton?

       Enfin bon... tout finit bien... Samuel Merchant les amène à bon port à Philadelphie... N’empêche... quand on observe ce genre de détournement, on comprend l’Eglise Morave, qui transportait ses fidèles dans sa propre petite flottille de quatre navires.

       Samuel Merchant sera l’année d’après capitaine de la Princess Augusta.

DE 1732 A 1736

       Donc, de 1732 à 1736, Pierre Bingelli / Pinckelé / Binkley attend une autre occasion de partir pour l’Amérique et, en attendant, fréquente les « awakened persons » de la région.

       Que faut-il entendre par là? Y a-t-il des réunions clandestines et si oui, s’agit-il de réunions anabaptistes? Vient-il des prédicateurs n’appartenant à aucune des églises présentes au Ban de la Roche (luthériens et Mennonites)? Ou bien ces réunions ont-elles lieu dans le cadre de l’église luthérienne officielle? Cette dernière hypothèse, sans être la plus vraisemblable, n’est pas non plus totalement impossible, car les courants piétistes passaient souvent à l’intérieur de cette dernière, même si la hiérarchie les appréciait peu.

       Nous n’aurons pas de réponse à ces questions. Mais cela donne à penser... A la fin du siècle, les pasteurs Stouber et Oberlin auront une opinion peu flatteuse du niveau intellectuel de leurs paroissiens bandelarochois, qu’ils décriront comme incapables de comprendre qu’une petite Bible de poche contient la même parole de Dieu qu’une grande... Manifestement, leurs paroissiens ne leur disaient pas tout et savaient, quand ils le voulaient, mener leur vie spirituelle à leur façon, sans en référer toujours au pasteur.

       Une fois en Amérique, nos Bandelarochois prendront une indépendance totale et rejoindront parfois des églises n’ayant aucun lien avec leur lieu d’origine, profitant de la liberté religieuse de la Pennsylvanie pour prendre leurs distances tant avec leur propre église qu’avec celles de leurs compagnons de voyage. Manifestement, l’idée de liberté religieuse était conçue par eux comme un droit de l’individu, et non comme un « droit » des institutions religieuses à créer des Etats dans l’Etat. Saine conception à laquelle il faudrait revenir...

       La petite ville de Cocalico (Pennsylvanie), où s’installeront les Caquelin, comporte un hameau anabaptiste appelé Schoeneck, ainsi qu’une sorte de monastère appelé Ephrata Cloister, appartenant à une secte appelée the « German Baptist Brethren », ou « Dunkards »: il s’agit des disciples de Johann Conrad Beissel, 1690-1768; le « cloister » comporte trois communautés: des hommes célibataires, des femmes célibataires et des couples mariés; les membres de la communauté portaient l’habit des Capucins; bien que n’étant pas mennonites, ils ont traduit en anglais le Martyrenspiegel, qui devint ainsi le Martyr’s Mirror.

       Les passagers catholiques Salmois restent catholiques à l’exception de la famille ORY...

VOYAGES ULTERIEURS

       On peut noter, sans garantie:

Charming Nancy of London, Chas. Stedman, Master, from Rotterdam. Qualified Oct. 8, 1737.

       Plusieurs noms qui sont ou peuvent être du Ban de la Roche ou de la région:

       GERBER, Hans GERBER, Hans Sr.: les Gerber sont une famille anabaptiste bien connue dans la région, en particulier à la cense de Salm et à celle du Hohwald

       SOMER, Michael: les Sommer sont une famille anabaptiste bien connue dans la région, en particulier à la cense du Sommerhof (ex Cense de la Haute Goutte) à Neuviller

Friendship, Henry Beech, Commander. Qualified Sept. 20, 1738.

       SUMMER, Philip, 20 ans (Sommer ?)

Davy, Wm. Patton, Commander, from Amsterdam. Qualified Oct. 25, 1738.

       STUCKER, Christian: Stockie, Sutckey?

       ZUMMER, Christopher ZUMMER, Melchior, Sommer?

Saint Andrew, John Stedman, Master, from Rotterdam. Qualified Oct. 27, 1738.

       STUCKER, Christian

       SUMMER, Hans

Phoenix, arrivé le 15 septembre 1749

       A bord, se trouve un autre membre de la famille NOEL, prénommé NICOLAS.

       Ainsi qu’un FRANTZ MARCHAL.

Montgommery; arrivé en 1819

       Noter (41) en 1819 l’arrivée du Montgomery avec dans ses soutes plusieurs noms anabaptistes de personnes de La Broque (KROPF, MULLER, SOMMER, VON GUNDEN); d’autres qui, quoique venant d’ailleurs si l’on s’en tient aux individus présents sur le bateau, portent des noms connus par chez nous (AUGSBURGER, GINGRICH, STUCKEY)

       Cette arrivée nous montre que les noms caractéristiques de la cense de Salm (Augsburger, Gingrich, Von Gunden) continuent à migrer.

       Elle nous montre aussi qu’il n’y a pas de rupture entre les migrations du 18ème et du 19ème siècle. Le flux est continu. Noter cependant que les ports de départ et d’arrivée ont changé: le Montgomery part du Havre (on dit alors « Le Havre de Grâce ») avec l’autorisation des autorités françaises. Et il arrive à New-York, qui est en train de devenir LE grand port d’immigration. Cela tient au fait que les autorités américaines venaient de terminer un gigantesque ouvrage d’art, le Erie Canal; cet ouvrage permettait, à partir de New York ou à peu près (par le système des Grands Lacs, qui n’est pas loin au nord) de gagner par voie d’eau, dans des conditions bien plus faciles, des terres du centre des Etats Unis que les autorités souhaitaient peupler, dont l’Illinois sur lequel il y a beaucoup à dire.

       Mais ceci est une autre histoire...



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