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Index Les enfants de la PRINCESS AUGUSTA




Quelques possibles anabaptistes


       Laissez moi vous présenter quelques villageois de Steffisburg, porteurs de noms que nous connaissons en général bien au Ban de la Roche et à Salm, et vous déciderez vous-même si vous voulez les appeler anabaptistes.

       Voici donc Isaac KAUFFMANN, époux de Elsbeth MERGEDT (8). C’est le prédicateur Mennonite du coin. Il a une cinquantaine d’années, et il est toujours par monts et par vaux, soit pour prêcher, soit pour fuir les autorités. En 1694, il est, paraît-il, dans quelque alpage aux environs de Schangnau; en 1699, il est à Homberg, village limitrophe de Steffisburg; gageons qu’il n’oublie pas de rappeler aux auditeurs les titres de noblesse anabaptistes de la région, en particulier le cas de ce Conrad EICHER, martyr en 1529, officiellement reconnu comme tel par le Martyrenspiegel (9); et gageons que les participants, qui ont tous un EICHER parmi leurs ancêtres ou parmi leurs cousins plus ou moins proches, redoublent d’applaudissements quand ils entendent ce nom mis ainsi à l’honneur.

       EICHER, voilà un nom que nous ne cessons de rencontrer dans cette histoire... Ce patronyme reste très typique de Steffisburg, où il a de nombreux représentants; il migre au Ban de la Roche, où nous le retrouvons sous les formes EYER et EYACHER... et nous le retrouvons encore au Ephrata Cloister (Pennsylvanie), où une Mother Maria EICHER est à la tête de la communauté féminine.

       Mais restons en pour l’instant à Isaac KAUFFMANN: nous le retrouvons à Amsterdam où les autorités l’ont envoyé dans l’intention de le déporter en Amérique; car à l’époque, c’est par contrainte que l’on émigre aux colonies; mais en l’occurrence, les déportations contraintes de Mennonites suisses ont tendance à échouer car, pour partir de Rotterdam ou d’Amsterdam, il faut l’aval des autorités hollandaises, lesquelles ont de la sympathie pour les Mennonites; ce voyage est important quand même car, lorsqu’il revient à Steffisburg en 1701, le hardi prédicateur a engrangé bien des connaissances utiles sur le Rhin, Mannheim, la Hollande, l’Amérique; en 1709, il est à Grindelwald, canton de Berne, et il a toujours l’autorité aux trousses...

       Et voici son grand frère Michael KAUFMANN, bien connu des services judiciaires pour défaut d’assistance au culte, jeu de dés et distribution de vin. Considérerons nous Michael KAUFFMANN comme anabaptiste? Tout dépend des critères... s’il suffit de sécher le culte, il les remplit, et moi aussi... mais je doute que ce critère suffise à Jacob AMMAN, un prédicateur du voisinage particulièrement rigoriste et intolérant...

       Ah! ce Jacob AMMAN... rien qu’à entendre son nom, Michael KAUFFMANN en a des boutons (enfin, je suppose)... comme si ce n’était pas assez d’avoir les pasteurs calvinistes pour venir vous faire la morale à la taverne, interrompre vos parties de dés, et vous traîner à l’église ou même, quand ils sont d’humeur chagrine, au tribunal... hé bien non, cela ne lui suffit pas! Il veut en rajouter! Quel triste sire... Heureusement qu’il est souvent absent, poursuivi par les autorités, toujours dans quelque lieu indéterminé entre la Suisse et Sainte Marie aux Mines... D’ailleurs, les gens de Sainte Marie, il ne peut pas les voir... Figurez vous qu’ils ont reçu avec bonté les familles Amish exilées, lesquelles, du coup, deviennent inclassables, assistant un jour au culte réformé ordinaire, et une autre fois à l’assemblée anabaptiste... Impardonnable!

       Et les YODER... Où classer les YODER? Ah! si les autorités le savaient... Figurez vous qu’elles en meurent d’envie, les autorités, de savoir où classer les YODER... car les YODER, ce sont des notables... Il paraît qu’il y en a beaucoup qui sont anabaptistes... En tous cas, c’est en vain qu’on leur demande la liste de leurs concitoyens rebaptiseurs.


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