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Index Les enfants de la PRINCESS AUGUSTA




ENTRE ECOLES CHRETIENNES ET ESOTERISME, DES FRONTIERES FLOUES...


       La notion de transformation de l’homme est au centre de la problématique; on peut parler de transmutation, d’éveil, d’illumination, de transfiguration, et peut-être même, mais à voix basse, de divinisation. Cette idée de transformation complète, si complète qu’elle en modifie la nature humaine et en repousse les limites, est «dans l’air du temps» de l’époque; ceux qui poussent cette idée le plus loin sont bien sur les tenants de l’ésotérisme, mais en réalité, l’idée se retrouve, sous une forme atténuée, dans toutes les écoles y compris classiques; chez les Dunkards, on utilise volontiers le terme «éveillé»; au Ban de la Roche, le pasteur OBERLIN, qui œuvre à l’intérieur de l’Eglise luthérienne, utilisera plus tard le mot «régénéré»; même aujourd’hui, les protestants américains ont gardé quelque chose de cette idée de transmutation, puisqu’ils font un large usage des mots «born again»... Usage probablement trop large, car il paraît que la moitié des Américains estiment être «born again» (! ! !); même l’Eglise catholique dit parfois que la sainteté devrait être le lot commun du Chrétien s’il consacrait l’énergie qu’il faut à sa vie spirituelle...

       On constate donc, que les frontières entres écoles chrétiennes classiques et ésotérisme sont plus floues qu’il y paraît, même si certaines Eglises crient volontiers au satanisme sans que rien le justifie; les exemples qui précèdent nous ont montré ce qui conduit d’excellents chrétiens à user d’un vocabulaire et d’une imagerie sans rapports avec la Bible: on comprend que, tout simplement, ils ont eu l’expérience de grands rêves ou de visions, et nous les ont relatés tels quels... Pas de quoi convoquer les exorcistes...

       Il reste que la question se pose de savoir combien de temps on reste chrétien quand on centre sa démarche spirituelle sur son expérience personnelle, qui comporte rarement des contacts avec les personnages de la Bible, et plus souvent des grands rêves s’exprimant dans le vocabulaire des archétypes et des symboles de l’inconscient; on se demande même si l’idée de privilégier l’expérience personnelle est compatible avec l’idée de donner une autorité spéciale à la Bible, car l’Esprit souffle où il veut, comme il veut, quand il veut, et s’exprime dans les termes qu’il veut, Bibliques ou pas. La façon de résoudre cette contradiction différait selon les sectes, et parfois à l’intérieur de la même secte, et parfois même à l’intérieur de la même personne, selon les moments.


1623: des affiches sont apposées sur les murs de Paris, annonçant la présence dans la ville de la fraternité Rose Croix

1648: les traités de Westphalie réaffirment la règle du Cujus Regio Ejus Religio: l’homme du peuple a la religion de sa région, c’est à dire de son seigneur; lequel a le choix entre Catholicisme, Luthérianisme ou bien (c’est une nouveauté par rapport au traité d’Augsbourg) Calvinisme; les diverses petites sectes allemandes se sentent exclues du partage, et ont tendance à mettre dans le même sac toutes les Eglises «officielles»: catholiques, luthériens et réformés; cette distinction entre les «trois grandes» (Eglises) d’une part, et les petites sectes d’autre part, nous la retrouverons en Pennsylvanie, où elle prendra la forme de l’opposition entre «Plain» et «Gay»

1691: naissance de Conrad BEISSEL, à Eberbach, sur la rivière Neckar

1694: fonctionnement en Amérique de la secte ouvertement rosicrucienne Woman in the Wilderness, autour du leader Johannes KELPIUS; la secte ne survit que peu de temps à la mort de KELPIUS en 1708; c’est cette secte que BEISSEL souhaitait rejoindre, mais elle a cessé d’exister quand il arrive en Amérique

1690/1720 (environ): Disciples de Kelpius, de Labadie, de Beissel, Quakers, plus tard Shakers: on trouve à cette époque, sur le sol américain, de nombreuses petites sectes ayant pour caractéristiques de n’être pas particulièrement conservatrices; la propriété est collective (en contrepartie, l’admission se fait après sélection); la femme est souvent traitée en égale (les Shakers préconisent même de ne pas avoir d’enfants); la liberté de pensée est totale (la Bible est parfois oubliée; nous avons vu qu’il y a des sectes ésotériques; il y a même des religions sans dogmes comme les Quakers)

1700 - : en théorie, le piétisme est le doctrine prêchée par Philipp Jacob STENER, né à Ribeauvillé en Alsace en 1635; mais on prend l’habitude d’utiliser le mot « piétiste » dans une grande variété de sens; le mot se réfère à l’expérience personnelle: un piétiste essaie de vivre le christianisme de l’intérieur de façon intense, il a une expérience spirituelle personnelle, ce qui est en principe louable, comme le laisse penser la sémantique, puisque on reconnaît la racine du mot «pieux»; on ne saurait reprocher à un chrétien d’être pieux; en réalité, le mot peut désigner des personnes un tout petit peu en marge de la hiérarchie, comme le pasteur OBERLIN au Ban de la Roche, mais aussi des personnes que leur expérience personnelle entraîne... Euh... entraîne là où elle le veut, c’est le propre de l’expérience de se développer librement, c’est le propre de l’esprit de souffler à où il veut... En un mot comme en cent, le mot «piétiste» peut aussi être une formule prudente par laquelle les groupes les plus hétérodoxes se désignent eux-même; les disciples d’Alexander MACK se désignaient aussi bien comme «piétistes» que comme «anabaptistes»

18ème siècle? naissance de la franc-maçonnerie; les liens exacts de la franc-maçonnerie avec le rosicrucianisme et l’occultisme seraient à étudier plus au fond; en tout état de cause, la franc maçonnerie est omniprésente dans l’Amérique des premiers jours; durant la révolution américaine, il y a des franc maçons dans les deux camps




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