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Index Les enfants de la PRINCESS AUGUSTA




CHEZ LE COMTE DE ZINZENDORF, EN 1722

Nicolas-Louis, Comte de ZINZENDORF

       Mercredi 26 mai 1700, six heures du soir: il naît un bébé qui fera parler de lui, Nicolas Louis, Comte de ZINZENDORF (20). Très tôt orphelin, l’enfant est élevé par sa grand-mère, la Comtesse Catherine von GERSDORF. C’est une piétiste et une disciple de STENER, et ZINZENDORF vit dans cette ambiance.

       Il reçoit une éducation correspondant à sa classe sociale, à base de langues anciennes et modernes et de droit, et entame une carrière de conseiller des princes, conformément à son rang. Il est très attiré par les questions spirituelles, dès l’enfance. Tout en essayant de rester à l’intérieur de l’Eglise luthérienne, il rêve d’y créer un sous-ensemble, une sorte d’Eglise régénérée, ferment d’une société elle-même régénérée.

       A la demande d’un certain Christian DAVID, ZINZENDORF accepte d’accorder refuge sur ses terres à un groupe de Moraves, descendants de disciples de Jean HUSS.

A Berthelsdorf, le 8 juin 1722

       Nous sommes sur le domaine du Comte de ZINZENDORF, à Berthelsdorff, le 8 juin 1722.

       Après avoir longtemps marché, le petit groupe de Moraves, conduit par Christian DAVID, se présente au château. Le maître est absent. L’intendant, HEITZ, est bien ennuyé. Il ne sait trop que faire de cette bande de va nu pieds, il n’est pas certain que tous soient de bons chrétiens persécutés pour leur foi... Mais enfin, s’ils se réclament du Comte, il ne peut pas les chasser.

       Il les installe donc sur un pâturage éloigné, qui deviendra le mythique Herrnhut.

       HEITZ inspecte les lieux avec Christian DAVID et marque ceux des arbres qu’il les autorise à couper pour se construire une première maison. La Comtesse von GERSDORF leur envoie une vache pour faire face à leurs premiers besoins en nourriture.

       Le 17 juin 1722, DAVID, autorisé par l’intendant, saisit une hache, abat un arbre et s’écrie: «Désormais, le petit oiseau a un nid».

       Pendant quelque temps, ZINZENDORF ne s’intéresse que de loin à la petite colonie. Il a ses responsabilités gouvernementales et ses propres projets religieux. Du moment que les réfugiés ne rompent pas trop ouvertement avec l’Eglise luthérienne, du moment qu’ils se comportent à peu près bien, il laisse faire et se soucie peu.

       Mais les problèmes surgissent. La colonie est connue. Nombre de nouveaux réfugiés arrivent. La mentalité sectaire est à l’œuvre. Les dissidences foisonnent. La discipline laisse à désirer... Bref, ZINZENDORF doit prendre les choses en mains et instaurer des règles, ce à quoi il prend goût car, comme beaucoup à son époque, il rêve d’utopie, de législation parfaite, de royaume idéal. Peu à peu, Hernnhut devient son royaume, son utopie et sa paroisse.

       Le Comte réunit tout le monde. Il fait savoir que Herrnhut n’est pas un pays indépendant, mais un morceau de son domaine. Il fait lire ses Injonctions et Prohibitions, qui constituent une véritable législation.

       La base de ces règles: liberté de conscience, obligation de travailler pour ceux qui le peuvent, solidarité envers les autres. Le pouvoir est délégué à douze anciens, élus par tous les hommes adultes de la communauté, qui ont tout pouvoir pour l’admission de nouveaux membres et l’organisation du travail et du culte.

       Le culte nécessite beaucoup d’organisation, car il faut que la prière soit incessante, un peu comme, chez les Perses de l’antiquité, le feu ne devait jamais s’éteindre. D’où un système de tours de rôles pour prier.

       L’organisation du travail est elle aussi complexe. Le travail est un devoir sacré et l’un des buts de la vie de l’homme. On ne travaille pas que pour soi, mais pour tous. Donc, avant de lancer une petite entreprise, il faut demander aux Anciens si la communauté en a besoin. La concurrence est interdite. En cas de dispute d’affaire, les deux parties doivent se mettre d’accord entre elles sous huit jours, ou bien elles sont expulsées.

       On travaille environ seize heures par jour. Les distractions vulgaires (danses, montreurs d’ours, etc...) sont interdites. La mauvaise conduite (ivrognerie, adultère, …) entraîne l’expulsion. Cependant, on vit assez bien. Au point de vue spirituel, on ne se fait pas de souci pour son salut post-mortem, puisque les pasteurs nous disent et nous répètent que le Christ nous a déjà gagné notre part de paradis et que nul ne songe à nous la reprendre. C’est là une des bases de la théologie morave.

       Le système fonctionne avec succès. Productivité et justice sociale sont au rendez-vous l’une et l’autre (à condition de faire partie des personnes admises dans la communauté).

       Cependant, la petite colonie inquiète les autorités, qui envisagent de l’expulser


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