LE VAL DE MUNSTER
Histoire et traditions...(23) Précision: Munster (68) avait plusieurs villages sous sa dépendance; sous l’ancien régime, les habitants de tous ces villages avaient la qualité juridique de bourgeois de Munster; jusqu’en 1755, il y avait deux paroisses au Val de Munster; la première: Munster, Luttenbach, Eschbach, Griedbach, Gunsbach, Hohrod, Stosswihr, Ampfersbach, Soultzeren; la seconde: Muhlbach, Breitentach, Metzeral, Sondernach; noter aussi le village de Soulzbach, resté catholique Le Val de Munster en quelques dates 634: arrivée des trois premiers moines qui seront à l’origine du couvent éponyme (Munster = monastère) 1225: premières concessions du pouvoir abbatial aux revendications de liberté de la population 1272: le Comte Rodolphe de Habsbourg ravage la vallée pour se venger qu’une querelle qu’il a avec l’évêque de Bâle, dont dépend Munster 13ème siècle: d’après Marguerite Nitschelm, le nom de Nitschelm est déjà cité dans les archives de l’abbaye de Munster 1354: l’Empereur Charles IV élève la cité de Munster au rang de ville et lui octroie des libertés, que la ville saura se faire confirmer par chaque nouvel Empereur (entre ces deux période, les dates importantes sont indiquées dans le tableau généalogique) 1720: les paysans adoptent le costume français du siècle de Louis XIV, costument qu’ils portent encore lorsque Jean Bresch écrit son livre 1789: la Révolution est approuvée sans réserve par la population, qui se sent enfin française à cette occasion Légendes et traditions populaires du Val de Munster: Nains fabricants de fromage Le chaume du Kerbholz, appartenant aux communaux du village de Soultzeren, fait l’objet d’un partage précis entre les habitants du monde visible et ceux du monde invisible: les hommes peuvent y faire paître leurs vaches de la Saint Michel (équinoxe de printemps) à la Saint Georges (équinoxe d’automne); durant le reste de l’année, ce sont les gnomes qui utilisent les pâturages pour leurs propres troupeaux et la fabrication de leur propre fromage. Ce genre de partage de l’année selon les équinoxes se retrouve aussi au Ban de la Roche et au pays de Salm (voir mes ouvrages Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs légendes, et Magique pays de Salm); il est très impératif (voir les exemples que j’ai donnés dans ces livres; noter aussi le fait que les «frontières temporelles» placées aux équinoxes sont l’une et l’autre gardées par des saints guerriers; rapprocher du fait qu’il n’est jamais bon, pour les hommes, d’empiéter sur le territoire des forces de l’au-delà: par exemple une femme qui ferait sa lessive la nuit au lavoir, empiétant ainsi sur le temps réservé aux lavandières de l’autre monde, risquerait de recevoir un signe de mort) Autour du feu «Les hommes de feu (dans la vallée de Munster, on a donné ce nom aux pavots rouges, papaver rhoeas) sont, dans la croyance populaire, les âmes de ceux qui, de leur vivant, ont fait tort aux veuves et aux orphelins, qui ont déplacé les bornes, ou mordu avec leur charrue sur le champ du voisin; après leur mort, on dit qu’ils doivent être des revenants dans le feu. On donne le même nom aux feux follets, considérés comme des âmes de cette même espèce. Il y en a d’autres qui ne reviennent qu’aux Quatre Temps et ne sont aperçus que par les enfants nés aux Quatre Temps; ils sont tout noirs et ont une tache lumineuse à l’endroit du cœur. Ce sont des esprits qui demandent à être rachetés et attirent l’attention de ceux qui ne prennent point garde à eux en les frappant (d’après le témoignage d’une personne née aux Quatre Temps de l’Avent.) Les hommes de feu peuvent être rachetés si ceux à qui ils apparaissent lumineux dans la nuit les remercient. Mais qui prend la main qu’ils lui tendent retrouve dans sa main des traces noires de brûlure. » (Claude Seignolle extrait des Evangiles du Diable, Collection Bouquins) La chapelle de l’Emm, près de Metzeral «Au sommet, se trouve une petite chapelle, anciennement bâtie par l’abbaye de Munster, et connue sous le nom de l’Emm. Toute trace de l’ancien culte a disparu de l’intérieur; on n’y voit que les murs nus, mais elle est garnie de bancs où viennent s’asseoir les paysans luthériens de Metzeral et de Sondernach, et renferme une chaire du haut de laquelle l’un des pasteurs de Muhlbach lit et explique aux fidèles, dans l’après midi de chaque dimanche, le texte des épîtres. A cette chapelle, se rattache l’une des plus belles légendes de l’Alsace; elle a trait aux amours de la fille de Charlemagne et de Roland, son neveu, qui s’y donnent des rendez-vous nocturnes à la clarté de la lune.» (écrit par Jean Bresch (24) en 1871) La vallée du Kolben, près de Metzeral «Cette contrée était anciennement le refuge d’animaux sauvages, de sangliers, de loups et même d’ours. Le dernier individu de cette espèce fut tué au Kolben en 1740 par un chasseur intrépide de Metzeral, nommé Gassen-Wold. J’ai causé avec des personnes âgées qui prétendaient avoir vu, au Kolben, le long des torrents, des roues mues par les eaux et faisant un bruit continuel. C’était là le moyen de tenir éloignées des chaumes ces bêtes féroces, toujours à la recherche d’une proie facile.» (écrit par Jean Bresch en 1871) Le Silberwald, près de Stosswihr Il y aurait eu là des mines d’argent, et il y en aurait encore, à l’intérieur de la montagne, exploitées par un vieux génie aidé de son filleul, jeune homme d’une beauté remarquable; il jour, il sortira de sa captivité avec des richesses fabuleuses pour se marier avec la jeune fille la plus vertueuse de la vallée de Munster... De l’autre côté de la montagne, la légende du Glitzerstein est plus ambiguë. Les personnes avides croient parfois y voir miroiter de l’argent ou de l’or, mais en général, elles sont trompées par des êtres surnaturels malveillants. Le Bisteinswald, (de Beichstein : pierre de la confession), près de Soulzeren: Il paraît que des Huguenots fuyant les dragonnades, après avoir franchi les montagnes des Vosges, établirent ici leur camp. Se voyant enfin à l’abri des poursuites, ils célébrèrent un service divin pour remercier Dieu de leur heureuse arrivée en pays ami. Le pasteur qui les accompagnait choisit, pour servir d’autel, un énorme bloc de pierre autour duquel les fugitifs communièrent; d’où ce nom de pierre de la confession. L’Alsace fourmille de pierres surnaturelles. Voir à ce sujet Magique Pays de Salm. Le Wurtzelstein, rocher isolé près de Soultzeren Très mal famé. Ce serait un lieu de sabbat. Chapelle de Notre Dame des Trois Epis, près de Türckheim Très ancien lieu de pèlerinage, nombreux ex-voto, centre important de piété populaire; Notre Dame des Trois Epis est la patronne des moissons; les paysans ramassaient la poussière du sanctuaire et la mélangeaient à leurs semence pour en augmenter la fécondité; invoquée particulièrement les lundis de Pâques et de Pentecôte. Comme souvent, la légende a plusieurs versions, certaines plus dévotes, d’autres moins (comparer avec les différentes versions de la légende du lac de la Maix dans Magique Pays de Salm; peut être y avait-il conflit de mémoire entre les villageois d’une part, l’Eglise d’autre part) Version populaire: En 1491, un habitant d’Orbey avait vu la Vierge apparaître, un bloc de glace dans une main et trois épis dans l’autre. Version dévote: Un homme impie alla communier, bien décidé à profaner l’hostie. Il garda en bouche jusqu’à sa sortie du sanctuaire, puis il la jeta dans un champ. Au lieu de tomber à terre, l’hostie fut retenue pas trois épis. La nuit venue, la Sainte Vierge descendit du ciel, recueillit les trois épis et les planta au paradis. Depuis ce temps, les gens pieux qui passent par cet endroit par une nuit calme entendent le son d’une musique merveilleuse et sont invités à assister à l’office en même temps que les anges. Noter l’extrême ambiguïté de la version dévote. Certes, c’était le sacrilège par excellence de profaner l’hostie en la gardant en bouche, soit pour la jeter, soit en vue d’actes de magie. Mais ici, vu le contexte, il est vraisemblable qu’il s’agit de magie blanche, et que le «profanateur» n’a pas jeté l’hostie au sol avec colère, mais a cherché à la mêler à sa terre pour augmenter ses récoltes. Ce qui est un sacrilège, certes, mais pas du niveau de gravité d’une messe noire ou choses de ce genre. Et l’attitude de la Vierge est très ambiguë, puisque le résultat des courses est qu’on vient au sanctuaire des Trois Epis pour obtenir l’augmentation des récoltes. Elle récompense donc la « profanation ». Le Hohneck Montagne objet de nombreuses légendes. La nuit, les sorcières viendraient y faire leur cuisine dans les cuvettes naturelles. Il y a aussi la légende dite du tombeau du Géant. Quand Dieu créa le monde, ce géant l’aida et créa plus particulièrement la vallée de Munster. Usant de sa force prodigieuse, il libéra une masse d’eau qui nettoya les déblais qui se trouvaient là et libéra ainsi l’espace qui constitue la vallée de Munster. Puis, le géant, épuisé, s’endormit. Attention à ne pas le réveiller: il pourrait, dans sa colère, remettre les déblais en place, faisant disparaître la vallée de Munster. Chapelle de la Sainte Croix à Wihr au Val Très ancien lieu de pèlerinage pour la santé; nombreux ex-voto. (note: on est frappé de voir tous ces lieux de pèlerinage populaires à peine à quelques kilomètres les uns des autres; manifestement, c’était une pratique de base de piété ou de magie que de se rendre en pèlerinage, pas forcément très loin, dans une modeste petite chapelle, d’y faire ses demandes, et d’offrir un ex-voto si l’on avait obtenu satisfaction; nos ancêtres ont du le pratiquer assidûment, au moins jusqu’à la Réforme) Soulzbach: le Pfingstpfletteri ou l’exorcisme de l’hiver (pris sur Internet; pas trouvé de références complémentaires; le village de Soulzbach est resté catholique) ![]() «Le Pfingstpflétteri ou le Pfingstapflétteri est une coutume d’origine mystérieuse. A Soultzbach, l’existence de cette tradition est liée au symbolisme de l’eau et à son action purificatrice. Elle relève d’un rituel magique dont se méfiait jadis une partie de la population. Les acteurs du rite sont exclusivement des garçons de 12 à 14 ans, donc d’âge non nubile et symboles d’innocence. Ils sont chargés d’enfermer l’hiver (la mauvaise saison, l’esprit du malin) dans une grande hutte de branches et de feuillages. Ils le promènent ensuite par les rues à la vue et au su de tous et le précipitent dans la rivière (purification par l’eau), proclament par là la victoire symbolique du renouveau printanier sur les maléfices. Ainsi, quelques jours avant la Pentecôte, le brancard est confectionné et porté en procession le dimanche de Pentecôte par les 6 ou 8 garçons les plus forts du groupe et protégé par les autres munis de rameaux pour écarter les curieux. En le promenant par les rues, ils récitent une mélopée monocorde en dialecte alsacien dont le refrains peut se traduire ainsi «Voici qu’arrive l’hiver, enfermé dans son bel habit, tira, tira, tira». On peut interpréter cela comme une moquerie adressée à l’hiver, vaincu par la belle saison. Pour bien incarner l’hiver enfermé dans sa hutte de verdure, le plus petit garçons est caché dans les branchages du brancard. A quatre endroits différents du village, près des fontaines, le chargement est posé verticalement sur ses béquilles. Le petit prisonnier agite alors un rameau pour signifier une présence vivante au spectateurs. Pendant ce temps, les gardiens trempent leurs longs rameaux dans l’eau de la fontaine et arrosent la population et les maisons, les protégeant contre le mauvais esprit en dispersant les curieux. En fin de parcours, le petit prisonnier est libéré très discrètement, son identité devant resté ignorée. «L’hiver dans son cercueil printanier» et ensuite jeté sans ménagements du haut du pont dans l’eau purificatrice de la rivière. Le nom de ce rite, le Pfingstpflétteri, est littéralement intraduisible. Dans les familles nombreuses, on nommait «Pfétteri»le dernier-né ou le plus faible de la couvée. Mais le verbe «pfléttra» signifie aussi grelotter, avoir froid, ce qui peut faire référence à l’hiver, ses maladies et ses privations.» (note: je suis surprise de voir combien cette coutume a de points communs avec celle du Trimazo dans le pays de Salm, et combien en même temps elle en est différente; j’ai relaté le Trimazo dans Magique Pays de Salm; dans le Trimazo, c’est une jeune fille qui, à l’occasion des fêtes de Mai, se trouve dans la cabane de branchages, et non un jeune garçon; elle n’est pas cachée, au contraire elle se montre avec fierté; on ne la jette évidemment pas à l’eau, même symboliquement; et l’ensemble est gai et riant; on est dans une ambiance de fête printanière avec des branchages partout; chacun a le sien; les petites chapelles de branches sont comme des bouquets de branchages en plus élaboré; et celles des petites chapelles qui ont une jeune fille à l’intérieur sont encore un développement de plus; le Trimazo finit par ressembler à une sorte de Noël de printemps, la jeune fille dans sa chapelle de branches étant comme l’enfant Jésus dans sa crèche; il n’y a pas l’ambiance souffreteuse du Pfingstpflétteri; mais en même temps, on a les mêmes éléments de base: une mini-construction de branchages, un(e) adolescent(e) à l’intérieur, et le contexte général des fêtes de la fin de l’hiver; il est vraiment dommage qu’il soit impossible d’en dire plus; clairement, nous avons là une grande fête d’autrefois qui n’a pas eu de postérité dans le monde moderne; l’idée de base est celle de rajeunissement du monde; c’est très gai, mais en même temps, attention: l’exemple du Pfingsfleteri est très ambigu: d’une certaine façon, le monde se régénère en envoyant à l’eau tout ce qui manque de force ou de santé; la condition des plus faibles semble avoir été très dure dans l’Alsace d’autrefois, comme le montrent également les procès de sorcellerie par lesquels on se débarrassait des femmes âgées) Soulzbach: culte du feu (pris sur internet; pas de références d’auteur) «Le Saint Patron de Soultzbach est Saint Jean-le-Baptiste. Aux alentours du 24 juin a lieu la crémation des bûchers de la Saint Jean, coutume extrêmement prisée à Soultzbach, occasion de fêtes, d’amusements et de rires. Chaque année, et cela depuis longtemps, deux bûchers sont construits sur le Rebberg dominant Soultzbach. Le plus petit nommé «Maïe» qui comporte en son centre un jeune sapin offert par la commune est gardé par les futurs conscrits. Le grand bûcher est entièrement constitué de sarments de vignes. Le soir du jour choisi pour la crémation des bûchers, à la nuit tombée, le petit bûcher est allumé par les futurs conscrits (les Maïeloescher). Quand les flammes ont bien pris, les conscrits (les Mélisses) y allument leur torches en partent en courant faire le tour du Rebberg. Pendant ce temps, les jeunes filles (les Mélissemeidler) allument le grand bûcher. A leur retour, les conscrits retrouvent le brasier et un couloir de cendres matérialisé sur le sol. Depuis ce couloir, ils devront par trois fois bondir au dessus du feu. Les Maïeloescher, plus jeunes, devront traverser le feu seulement une ou deux fois. Ce rite symbolise le retour de l’été. Mais à Soultzbach, il est aussi une preuve de courage et de virilité. Dans la coutume populaire, on raconte que ces manifestations avaient une influence sur les récoltes à venir et donc sur la fécondité de la nature et même sur celle des couples du village. » Sorcellerie (extraits de l’article de R L Cole) « ... Les documents de Munster révèlent que le pacte avec le Diable met presque toujours en scène une femme plutôt qu’un homme, et généralement une paysanne. Au moment de sa première rencontre avec le Diable, la paysanne est en général présentée comme une femme mariée, désespérée sous le poids de sa condition conjugale. Son mari est généralement présenté comme un pauvre hère, fréquemment ivre, sans le sou, et battant sa femme et ses enfants. L’épouse craintive ne connaît que les longues heures de dur labeur, sans répit aucun. Son statut social et sa condition économique peuvent se décrire intolérables, et son rapport avec les paysans du voisinage, les femmes surtout, hostile à l’extrême, vindicatif et rancunier » « ... La destruction de récoltes a toujours été associée avec la grêle ou le mauvais temps nés du pouvoir magique de la sorcière. Dans la vallée de Munster, on trouve généralement les sorcières sur les hauteurs, travaillant fréquemment en groupes ou par deux. Sur un feu bleu, elles placent un chaudron dans lequel elles jettent en pluie de l’avoine et ajoutent, en tournant constamment, grenouilles, serpents et poils d’animaux, jusqu’à ce qu’elles obtiennent le mauvais temps et la grêle. » |