Le trou du serpent
(reconstitution raisonnablement vraisemblable)

       Voilà, ça y est, nos voyageurs sont arrivés à bon port sur le sol américain.

       Pour la plupart d’entre eux, ils n’ont plus rien. Le voyage en mer, en se prolongeant, a absorbé leurs dernières provisions. Il a fallu en acheter d’autres sur le bateau, écornant pour cela des économies déjà maigres; puis payer le passage afin d’être autorisés à débarquer. Les quelques objets qui leur restaient, les autorités anglaises les ont confisqués sous prétexte qu’il s’agirait d’importations. Elles paraissent bien peu accueillantes, les quelques cabanes en rondins qui composent Philadelphie…

       Alors, même si l’on n’a pas envie de rejoindre la secte de BEISSEL, on suit les chefs, THOMMEN et YUCHLI, jusqu’à un endroit que les Indiens appellent d’un nom imprononçable, qui signifie Le Trou du serpent; ce nom, déformé par des palais européens, deviendra Cocalico.

       Il y a là quelques cabanes où les disciples de Conrad BEISSEL vivent en ermites. Peut-être même un petit bâtiment conventuel. Le terme Ephrata Cloister, à supposer qu’on l’utilise déjà, est un bien grand mot.

       Mais, heureusement pour nos arrivants, Conrad BEISSEL n’a jamais attendu d’être bourgeoisement installé pour se sentir capable d’aider son prochain.

       On leur trouve donc une cabane en rondins. Ils s’y entassent. C’est bien précaire, comparé aux belles fermes vosgiennes et à leur «poêle»⁽³⁹⁾ si accueillant. Le moral est bas.

       Heureusement, le repas apporte une heureuse surprise: le pain est excellent. Conrad BEISSEL est maître boulanger, il ne l’oublie jamais, et la réputation de son pain lui tient toujours à cœur, même maintenant qu’il ne le vend plus.


       Cocalico est un important lieu d’implantation pour les passagers de la Princess Augusta. A un moment où un autre de leur vie, on y trouve: les CAQUELIN, les KOMMER⁽⁴⁰⁾, Christian SCHLASTER, Christian TEPPE, François ORY père. Et sans doute d’autres qui ne laisseront pas de traces écrites