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ETES VOUS «PLAIN» OU «GAY»?

Dans la Pennsylvanie d’alors, le principal clivage religieux passe entre «plain» et «gay».

En anglais, le mot «plain» est à double sens; en principe, il veut dire: «simple»; cependant, si vous dites: «This woman is rather plain», personne ne comprendra que c’est une grande fille toute simple; on comprendra plutôt qu’elle est moche; en Pennsylvanie, les plain sect sont les petites sectes où les femmes s’habillent de sombre et où les hommes portent la barbe: mennonites, anabaptistes, «Dunkards», Quakers, etc… Elle peuvent être très conservatrices, mais pas forcément; on note même quelques sectes «sans dogmes» qui offrent donc une liberté de pensée totale au fidèle de base (Quakers; Dunkards à certaines époques…); les plain sects sont en général non violentes et pratiquent sans concession la non-résistance à l’agression, jusqu’au martyre si nécessaire.

Le mot «gay», dans ce contexte, désigne tous ceux qui refusent d’adhérer aux Plain sects; le mot sous entend que ces sectes sont peuplées de tristes sires, et qu’une personne de caractère joyeux («gay») doit s’en éloigner; les Gay Pennsylvania Dutch, on les appelle aussi les Church people, ce qui veut dire que ces personnes, pour vivre leur vie spirituelle, vont banalement à l’église le dimanche, en simples laïcs qu’ils sont et entendent rester, contrairement aux sectes qui organisent le culte à leur façon (assemblées anabaptistes chez les fidèles, vie conventuelle au Ephrata Cloister.)

Les Church people, cela fait beaucoup de monde, mais ces personnes sont peu organisées. C’est une caractéristique de la Pennsylvanie d’alors, que les pasteurs calvinistes ou luthériens y sont très peu nombreux alors qu’il y aurait une forte demande de la part du fidèle de base, qui n’a aucune envie de s’habiller triste, et moins encore de se laisser égorger sans se défendre en cas d’attaque indienne; donc, tout ce qui n’est pas «Plain sect» a tendance à se regrouper et à se construire de petites églises que l’on partage spontanément entre calvinistes et luthériens; les frontières entre ces formes classiques de protestantisme s’affaiblissent; vu le petit nombre d’églises, on fait bénir baptêmes et mariages là où l’on peut, sans se demander à quelle école appartient le pasteur; encore heureux d’avoir trouvé un pasteur; la mouvance «gay» tend même à englober certains catholiques, les moins engagés bien sur (les plus désireux de rester catholiques se regroupent autour des Jésuites, comme nous l’avons vu dans Les Voyageurs de la Princess Augusta, je n’y reviens pas)

A noter l’importance de l’Eglise Morave, qui a l’ambition de tenir le juste milieu entre «Plain» et «Gay», et qui y réussit parfois.


Plain people et Church people pendant la guerre de Sept Ans (1755-1763)

Au début, les Church people sont simplement des gens qui se trouvent là, qui ont pris un bateau affrété par une secte mais qui sont restés à l’extérieur. Ils n’ont pas de projet politique en propre. Les choses changent avec la Guerre de Sept Ans, qui porte au rouge les relations entre Plain people et Church people.

Les Plain sects sont en général non violentes, et elles sont souvent installées tout à l’est du continent, dans ce qui fut vraiment le territoire des colonies anglaises d’origine. Sans empiètement sur les terres d’autrui, ce n’est pas leur genre.

En revanche, de nombreuses familles gay se sont installées en squatters de plus en plus à l’ouest, sans trop se soucier d’empiéter sur les terres d’Indiens ou de Français. Elles sont donc en première ligne quand éclate la Guerre de Sept Ans, qui a précisément pour but de mettre un terme à ces empiètements.

En théorie, cette guerre commence en 1756, mais en réalité, on ne saurait omettre les combats de 1755, en particulier la déculottée prise par le général Braddock à Fort Duquesne. Il est battu à plate couture dans les conditions les plus humiliantes (les Anglais abandonnent leurs blessés), capturé et tué dans les pires tortures. Français et Indiens ont donc l’avantage (cette situation se retournera; la France perdra cette guerre). Chez les Indiens, l’espoir se lève. Ils croient qu’ils arriveront à chasser de leurs terre ces Anglais (et assimilés) qui leur volent chaque jour un peu plus de terre. La révolte est générale. Toute implantation situé un peu trop à l’ouest subit une attaque. Les habitants sont terrorisés et demandent de l’aide aux autorités de Philadelphie, qui tergiversent. En particulier, Quakers, Mennonites et autres Plain People font remarquer qu’elles sont non-violentes et devraient être dispensées de service militaire.

Les gens des frontières sont ulcérés contre ces barbus confortablement installés à l’est du pays, qui sont prêts à les laisser scalper plutôt que de se battre pour venir à leur secours. En sens inverse, les barbus n’ont pas la moindre intention de changer de position. C’est pour vivre librement leur religion, qui inclut la non-violence, qu’ils sont venus en Amérique. Ils y ont longtemps vécu sans problèmes avec les Indiens. Tout simplement parce que les problèmes, ils ne cherchaient pas. Ils s’égosillent depuis de nombreuses années à mettre en garde les arrivants contre la tentation de vivre en squatter. Si on les avait écoutés… mais on ne risquait pas de les écouter… depuis que les bateaux arrivent plusieurs fois par an avec des cargaisons entières d’immigrants, la cause de la paix est perdue.




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