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Index Les enfants de la PRINCESS AUGUSTA




«PETITION OF EVE OURY»


       (Demande d’aide financière formulée par Eve Ory en raison de ses services dans la Guerre d’Indépendance)

       Aux honorables membres du Sénat et de la Chambre des Représentants des Etats-Unis d’Amérique, en Congrès.

       Par la présente requête, Eve OURY, du Comté de Westmoreland, dans l’Etat de Pennsylvanie, fait valoir respectueusement qu’elle est née en Pennsylvanie et que, durant la Guerre d’Indépendance, elle habitait près de la vieille ville d’Hanna’s town, dans ce même Comté.

       Cet endroit, du nom de Hanna’s Town, était une place militaire durant la Guerre d’Indépendance. Il y avait là un fort. Nombre de conscrits et de volontaires y étaient stationnés en vue de la protection des habitants de la région. Les habitants pouvaient se réfugier dans le fort au cours des attaques ennemies, qui étaient nombreuses et soudaines.

       A cette époque, votre requérante vivait avec son père sur sa ferme, à deux miles et demie environ d’Hanna’s Town, qui à l’époque était le chef lieu du Comté du Westmoreland.

       Trois mois environ avant l’incendie de Hanna’s Town, son père fut tué sur sa ferme par les Indiens, de même que son plus jeune frère Jacob; deux autres de ses frères, John et Francis, furent faits prisonniers et emmenés par les Indiens. Le reste de la famille, dont votre requérante, allèrent se réfugier à Hanna’s Town. Les biens de son père, détruits par les Indiens et les Tories, furent évalués par les autorités à environ 600 livres sterling.

       Ces tristes événements se produisirent durant l’été de 1778 (note: peut-être plutôt 1782, date de la mort de ses père et frère; à moins qu’il n’y ait eu deux attaques sur Hanna’s Town, l’une en 1778 et l’autre en 1782); cette année là, les Indiens, sur l’instigation des Anglais et de leurs partisans, avaient commis dans tout le Comtés maintes actions d’horreur, de meurtre et de dévastation; au mois de juillet de la même année, le Tribunal fut convoqué en session à Hanna’s Town, et suspendu jusqu’au vendredi.

       Ce jour là, les habitants de la ville étaient tous occupés aux moissons dans leurs champs; vers trois heures de l’après midi, alors qu’aucun danger n’était apparent, surgi une grande troupe d’Indiens, trois cents a-t-on dit, sans parler des Tories et des Anglais; ils poussaient des cris terribles; ils lancèrent une attaque soudaine et furieuse contre la ville et massacrèrent nombre de femmes et d’enfants sans défense, qui n’avaient pu fuir; ils massacrèrent nombre de têtes de bétail et détruisirent tout sur leur passage; ils mirent le feu à la ville et la réduisirent en cendres; seul, le fort fut sauvé à grand peine. Dans cette affaire, votre requérante et sa famille perdirent tout, sauf les habits qu’ils portaient.

       Durant la bataille, M. Hanna, terrifié, proposait de se rendre car, disait-il: «Nous allons tous être tués». Votre requérant s’opposa à ce projet de toutes ses forces et elle déclara: «Nous ne nous rendrons pas».

       A peu près à ce moment, le Major Wilson, officier commandant la place, avait subi le feu et s’était échappé par miracle, les vêtements troué par des balles ennemies; on le vit s’avancer vers le fort de toute la vitesse de son cheval; votre requérante se précipita pour ouvrir la porte pour le faire entrer; elle fut violemment jetée en arrière; cependant, la porte fut ouverte et le major put entrer; son cheval venait d’être tué sous lui, juste devant la porte.

       A l’époque, il n’y avait dans le fort que quelques vieux mousquets et fusils. On cherchait partout du plomb. Il n’y en avait nulle part. Votre requérante demanda à l’un des hommes, nommé Adam Freeman, de faire du feu, et elle dit: «Nous allons fabriquer des balles». Votre requérante rassembla tout ce qui lui tombait sous la main comme objets d’étain; avec Freeman, elle les transforma rapidement en balles, grâce auxquelles les Indiens furent tenus à distance, le fort préservé, et ses habitants sauvés d’une horrible boucherie.

       Quand l’ennemi se fut retiré, votre requérante soigna les blessés et se rendit utile de son mieux. Elle était toujours occupée à une tâche ou une autre, selon ce que son jugement lui dictait ou selon ce que les officiers lui commandaient. Le Capitaine Samuel Miller, le Major Wilson, le Colonel Mc Coy, le Capitaine Clarke, étaient plus ou moins en charge de rétablir la sécurité; elle leur porta assistance dans le fort et aux alentours, elle recevait leurs ordres et leurs directives en fonction des nécessités; le Colonel Mc Coy fut tué dans le service; le capitaine Miller fut tué par les Indiens. Les habitants de Hanna’s town furent perturbés durant de nombreux mois après ce coup cruel et inattendu. Votre requérante fut engagée comme sentinelle pour donner l’alarme, cependant que les hommes étaient aux champs ou effectuaient d’autres tâches; elle fit tout ce qu’elle put pour se défendre, elle et les habitants du fort; cependant, elle ne porta pas les armes à proprement parler; cependant, elle participa à la garde des denrées stockées dans le fort et se rendit utile de toutes les façons durant six mois au moins.

       Elle se souvient bien encore que, même l’hiver venu, les habitants n’étaient pas remis de leurs émotions.

       Votre requérante ignore s’il y a des témoins encore vivants pour confirme ses dires. Elle a 89 ans. Du fait de son âge et de ses pertes de mémoire, elle ne peut pas tout vous relater.

       Un de mes frères, Adam Oury, servit durant la guerre d’Indépendance sous le commandement du général Daniel Broadhead. Un jour qu’elle était de service, il vint en permission. Après la guerre, il servit sous le Général H. Sinclair dans son expédition contre les Indiens; durant cette désastreuse bataille, il réussit à porter son capitaine blessé hors du champ de bataille, et ceci alors qu’il était sévèrement blessé lui-même. Quand la paix fut revenue, ses frères John et Franck, prisonniers de Indiens, revinrent.

       Son père s’appelait François. Sa ferme se trouvait à moins de trois miles de Fort Hanna’s Town. La propriété, que l’ennemi a détruite par l’épée et par le feu, valait six cent livres, comme je l’ai dit; elle contenait six précieux chevaux «Morgan», douze vaches laitières, d’autre bétail encore et d’autres affaires.

       Après la destruction de Hanna’sTown, le général Broadhead transporta des fusils et des munitions dans un chariot que l’un de mes frères conduisait. Un certain David Shaw aidait au transport. Butler leva la première compagnie à Hanna’s Town. Il était alors capitaine. Mon frère Adam s’engagea sous lui et participa à la défense de New York.

       Mon père servit comme capitaine de chevaux de bât («captain of pack horses») pour l’armée de Braddock. Votre requérante se souvient que beaucoup furent tués dans l’expédition de Braddock. Elle vit elle-même quinze hommes qui furent surpris et tués par les Indiens durant cette guerre.

       Votre requérante vous a ainsi fait le récit de ses services révolutionnaires et des pertes qu’elle a subies durant la Guerre d’Indépendance. Comme votre requérante est le seul enfant survivant et la seule héritière de son défunt père François Oury, victime d’un ennemi barbare et cruel, elle prie le Congrès de considérer ses services dans la lumière appropriée et de lui accorder une rémunération, tant pour ses service qu’en compensation de la destruction de la propriété de son père par l’ennemi; votre requérante âgée se fera un devoir de prier pour vous.

       Signé d’une marque.


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