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Index Les enfants de la PRINCESS AUGUSTA



OU L’ON MIGRE A NOUVEAU VERS L’AMERIQUE




LA REVOLUTION FRANÇAISE ET L’EMPIRE

La révolution à Rothau

       L’année 1789 voit la Révolution française. Philippe-Frédéric de DIETRICH,

portrait de Philippe frédéric fe Dietrich, pris sur ce site:
http://www.annales.org/archives/x/dietrich.html
fils du Comte du Ban de la Roche et Maire de Strasbourg, y est favorable; c’est même dans son salon de Strasbourg que la Marseillaise est chantée pour la première fois. Mais il est guillotiné pendant la Terreur.

la Marseillaise chantée pour la première fois chez Philippe
Frédéric de Diétrich


       Parmi les notabilités de Rothau, le pasteur Oberlin reste favorable à la République, bien qu’il soit obligé, durant la pire période de la Terreur, de célébrer le culte de façon plus ou moins clandestine: on se réunit à l’Eglise de Rothau sous couvert de "club populaire"; après qu’un bref ordre du jour ait été survolé, Oberlin prononce son sermon. Le pasteur est brièvement arrêté et relâché.

       L’Empire fait suite à la Révolution. Ceux des membres de la famille dont les idées nous sont connues sont Bonapartistes.

       L’année 1814 voit l’invasion de la France et la «bataille de Rothau»: il s’agit d’un combat de corps franc mené sous la direction de Nicolas Wolf, héros emblématique de la ville.

       Je ne reviens pas en détails sur ces événements, que j’ai déjà relatés dans Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs légendes (lisible en ligne à cette adresse: http://badonpierre.free.fr/salmpierre/mfrancois.html)

Crise de la notion de propriété

       La Révolution voit les propriétés changer de mains. La façon dont les choses se passent à Rothau a de quoi surprendre le révolutionnaire idéaliste. Le baron de DIETRICH vend ses biens. Ils sont rachetés par l’industriel CHAMPY, qui en profite pour faire main basse sur à peu près tout. A cet égard, les archives départementales du Bas Rhin possèdent, dans la série des archives privées (série J), une sous série numérotée 2 J qui concerne le Ban de la Roche. Son intitulé vaut un long discours: «Ban de la Roche: seigneurie passée en 1771 à la famille de DIETRICH et, au début du 19ème siècle, à la famille CHAMPY».

       La notion même de propriété est incertaine. Par exemple, étant donné que les DIETRICH étaient seigneurs du Ban de la Roche, on peut soutenir (et c’est à peu près la thèse de CHAMPY) que toute la terre était à eux puisqu’il ont acheté la région à ses seigneurs… Comme on pourrait tout aussi bien soutenir que rien ne leur appartenait, puisqu’ils ont racheté le Ban de la Roche aux DIETRICH, qui l’avaient eux-même acheté aux Intendants d’Alsace, lesquels n’étaient pas des propriétaires terriens mais des représentants du pouvoir politique.

       Pour les CHAMPY, l’abolition des droits féodaux, cela veut dire leur transformation en une propriété pleine et entière sur laquelle ils font main basse.

       Bien entendu, les paysans Bandelarochois n’ont pas la même conception de l’abolition des droits féodaux, d’où des litiges très vifs qui se terminent par des partages sous l’égide du préfet… Partage au terme desquels CHAMPY est très bien servi. Il renonce à une partie des terres du finage, mais, pour le reste, elles deviennent «libres de droits féodaux» au sens que CHAMPY donne à ce mot, c’est à dire que la communauté villageoise ne peut plus y faire pâturer ses bêtes.

Emigration Emigration Mennonite

       Bien que la révolution ait accordé à tous la liberté religieuse, tout se conjugue pour que les Mennonites aient envie d’émigrer.

       D’abord et avant tout, les problèmes économiques: le système des censes seigneuriales n’a pas survécu à la révolution.

       Parmi les terres que CHAMPY garde en pleine propriété, il y a la cense du Sommerhoff, occupée par des anabaptistes SOMMER. Je ne connais pas le détail des relations entre CHAMPY et les SOMMER mais bon… Il est permis de penser que CHAMPY les traitait comme il traitait tout le monde, c’est à dire sans égards.

       La ferme du Sommerhof, ex cense de la Haute Goutte, se vide en peu de temps aux alentours de 1834; une grande partie de ses habitants part pour l’Amérique; la mythique ferme tombe en ruines petit à petit, ajoutant son fantôme à tous ceux qui peuplent le carrefour de la Croix Rouge, au fond des bois, entre les deux chemins de Barr.

       Les anabaptistes de Salm s’en tirent mieux, puisque le 19ème siècle voit certains d’entre eux devenir propriétaires des censes de Salm. La plus importante se transmet de père en gendre au sein des familles KUPFERSCHMITT, GERBER et AUGSBURGER (cette transmission de père en gendre explique qu’il y ait plusieurs noms, mais en réalité il n’y a qu’une seule lignée).


       La ferme de Salm devient un très très haut lieu de l’anabaptisme local. Il devient peu à peu indiscutable qu’être le fermier de Salm, c’est être aussi le patriarche des anabaptistes de la contrée, c’est faire la lien avec «la Hollande» (car les Mennonites hollandais continuent à exercer une surveillance discrète sur les frères des Vosges) et c’est même négocier la question du service militaire avec les autorités de la République. GOUPILLEAU, représentant du Comité de salut public, est reçu à la cense de Salm (celle là même où l’écrivain MICHIELS rencontrera l’Ancien Nicolas AUGSBURGER) avec tous les égards possibles, et il accorde des conditions adaptées pour le service militaire.


       Les censes de Salm sont pourtant, elles aussi, un important foyer d’émigration, touchant plus particulièrement les familles subordonnées, comme les GINGRICH… Le pouvoir patriarcal devait parfois être pesant.

       Les anabaptistes se sentent pas à l’aise au sein de la République. Certes, elle leur accorde la liberté religieuse, mais comme un droit de l’individu. Ce n’est pas ce que veulent les Anciens. Ils voudraient en fait former une petite société théocratique fonctionnant séparément du reste de la République. Et là, il est clair que ce projet n’est pas réalisable en France… Heureusement d’ailleurs.

       Alors, ils prêtent l’oreille à ce qui se dit sur l’Amérique… Car là bas, il semble possible de bâtir une petite théocratie… Ce qui n’est pas faux… Voir plus loin l’encadré montrant comment, dans l’Ohio, la famille AUGSBURGER réussit à mener ses coreligionnaires à la baguette…


LES VOYAGEURS DU MONTGOMMERY

Un bateau qui transporte des anabaptistes en grand nombre est le Montgommery, arrivé en 1819 (67); dans ses soutes, nous trouvons plusieurs noms anabaptistes de personnes de La Broque (KROPF, MULLER, SOMMER, VON GUNDEN); et d’autres qui, quoique venant d’ailleurs si l’on s’en tient aux individus présents sur le bateau, portent des noms connus par chez nous (AUGSBURGER, GINGRICH, STUCKEY); c’est donc une émigration en très grand; en quelque sorte, une seconde Princess Augusta.

Noter cependant que les ports de départ et d’arrivée ont changé: le Montgomery part du Havre (on dit alors «Le Havre de Grâce») avec l’autorisation des autorités françaises. Et il arrive à New-York, qui est en train de devenir LE grand port d’immigration. Cela tient au fait que les autorités américaines venaient de terminer un gigantesque ouvrage d’art, le Erie Canal; cet ouvrage permettait, à partir de New York ou à peu près (par le système des Grands Lacs, qui n’est pas loin au nord) de gagner par voie d’eau, dans des conditions bien plus faciles, des terres du centre des Etats Unis que les autorités souhaitaient peupler, dont l’Illinois sur lequel il y a beaucoup à dire.

Ces gigantesques travaux de transport sont à la mesure de la volonté politique des Etats Unis de peupler cette région.

Déjà, en 1812, une guerre (une de plus) a fixé la frontière Nord des Etats Unis d’une façon précise, au détriment cette fois-ci de ce qui sera un jour le Canada. L’élimination des Indiens est menée bon train. La lettre de Jean GINGRICH est très instructive à cette égard: il nous indique qu’il y avait des Indiens quelques années seulement auparavant, mais qu’il n’y en a plus… Cette soudaine disparition, qui libère de la terre pour lui, ne pose pas question à cet anabaptiste théoriquement non-violent…

Il y a des silences qui me laissent perplexe…. Dans cette histoire, on croise le chemin de pacifistes bien peu curieux… Ou peut-être faudrait-il dire: de bien curieux pacifistes….

Enfin bon, les intérêts convergent entre les jeunes Etats-Unis et nos anabaptistes… Ce qui n’est pas une raison pour en déduire que la France les opprimait.




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