De son vivant, le justicier Humbert Thon, de Walsderspach, était un sauvage homme. Un jour qu'il a battu sa femme Madeleine, celle-ci s'en haye, toute déconfortée des coups reçus. Ses pas la mènent dans les buos où elle croise le Piercin. C'est un peute Hans. Il a une noire tête, large comme un fossoir, et toute pleine de poils ; des mains comme des pattes d'ours avec de longues griffes et des pieds fendus comme un grébi. Les voilà à déchnabrer. La Madeleine ramouille. Elle veuye plus de son homme. Le diable compatit. Il compatit toujours quand il veut nous faire accroire des fiafes. Il aurait un bon mari pour elle, un sujet à lui, un diadelé bien sous tous rapports, jeune, que l'on n'a jamais vu bailler la chmadrée à une diadelotte. Si elle consent à le marier, le Piercin la paiera. Il lui donne même quelques pièces de six gros. Rentrée chez elle, la Madeleine veut contempler son trésor. Elle est déçue : il n'y en a qu'une seule pièce de bonne. Elle s'a fait laufier. A la seconde apparition, elle en fait reproche au diable : "Je tiendron pas ma parole à un mintou ! ". Bachmoki ! Le problème, avec un diable, c'est que c'est un diable. Quand la Madeleine lui met sous les yeux les preuves de sa chnaffiolerie, maginez pas qu'il rougit, s'embrouille et s'excuse, comme vous et moi le ferions. Au contraire, il rebabouille vertement ! Il s'estime dans son bon droit. Il a le droit de battre monnaie, donc, la bonne monnaie est celle qu'il dit être la bonne. C'est à ça qu'on voit que c'est un haut sire. Il n'agit pas autrement que les autres hauts gens ! Le Comte de Veldenz aussi paie en monnaie d'argent qui ne vaut plus rien maintenant qu'on est en temps de cherté, et les manants doivent bien l'accepter. Le diadelé se moque de Madeleine : "J'ons coutume de payer les gens de telle monnaie, et te faudra bien tenir ta promesse." Le diable la marque avec ses griffes et elle devient boquesse presque un demi-an. Elle fut plus tard rétablie par quelques cérémonies que le Piercin fit avec sa main gauche. Le valentin qui lui est destiné s'appelle Gruson. Piercin joint leurs mains gauches et lui fait renier la foi qu'elle avait donnée à son mari. La voilà mariée au nom du Diable. Si le Gruson schmecke mieux à la Madeleine que le justicier Humbert Thon, l'histoire ne le dit pas. A la fête de mariage, la viande cuit dans des pots d'écorce de bois, à un feu bleu, qui brûle hors de terre sans bois. Un sabbat se tint au lieu même du supplice, à la Perheux. Ils burent une boisson qu'ils firent quérir à Saint Nabor dans des tonneaux noirs, bleus et autres couleurs, mis sur un chariot, traîné par des chats en l'air. Tout cela, la Madeleine l'a raconté aux gens de la justice quand elle a été arrêtée. Sa confession a été écrite sur un protocole et peut toujours se lire aux heures-ci.
|