table des matières, tome 2
TU MENS !



       Ce dimanche là, le pasteur Marmet monta en chaire et défit les fermoirs de sa grande boîte à feuilles, libérant pour un temps quelque chose de la parole de son Dieu. Il en sortit le chapitre 31 des Nombres :

       "Ils firent campagne contre Madian, comme Yahvé l'avait ordonné à Moïse, et tuèrent tous les mâles. … Les Israélites emmenèrent captives les femmes des Madianites avec leurs petits enfants. Ils mirent le feu aux villes qu'ils habitaient ainsi qu'à tous leurs campements. …
       Moïse, Eleazar le prêtre et tous les princes de la communauté sortirent du camp à leur rencontre. Moïse s'emporta contre les commandants des forces …Il leur dit :
       "Pourquoi avez-vous laissé la vie à toutes les femmes ?"
       "Mintoux !


       L'homme est indigné. Ce n'est qu'un simple paroissien, mais il sait bien que Dieu n'a pas pu ordonner des massacrer des populations entières.

       Ou bien, ce Dieu là est un Diable.

       L'homme ne peut rien faire d'autre que de s'indigner en silence et de traiter, dans sa tête, le pasteur de menteur. L'assistance au culte est obligatoire, et l'on ne critique pas le pasteur.

       Enfin, ne nous plaignons pas trop : maintenant qu'on est protestants, on est dispensés de se faire critiquer par le pasteur sous prétexte de confession.

       C'est toujours ça de pris.


UN CONTACT EXPLOSIF

       Il est difficile pour nous modernes de nous rendre compte à quel point la mise en contact du paroissien ordinaire et de la Bible a pu parfois constituer un cocktail explosif.

       Rappelons qu'avant le Protestantisme (et avant l'Imprimerie), l'accès à la Bible était faible ; le prêtre pouvait en lire quelques passages à la messe, judicieusement sélectionnés ; mais à part ça, on restait très païen, on priait surtout le saint de son village, et l'on appelait ça du Christianisme.

       La diffusion de la Bible représente un véritable choc culturel, et presque un changement de religion, le mot n'est pas trop fort.

       De plus, la lecture qui est en faite est assez spontanément fondamentaliste : c'est la parole de Dieu, on la prend au premier degré. Ce que le texte Biblique supporte mal, puisqu'il consiste (et c'est tout son intérêt) à nous présenter les efforts de Dieu pour parler, comme il peut, à une humanité dont la peinture n'est pas idéalisée.

       On a pu voir, à cette occasion, certaines sectes prôner la polygamie sous prétexte que les patriarches l'avaient pratiquée ; ce fut le cas, au tout début, des anabaptistes (cela ne dura pas).

       Pour les textes les plus problématiques, tels que le Livre de Josué (où Dieu semble dire à peu près : "Vous massacrez, mais pas suffisamment"), certains fidèles avaient quand même de bons anticorps. Par exemple, les anabaptistes répondent, dans le Martyrs's Mirror, que, oui ces textes existent mais qu'il y en a d'autres, dans la Bible, qui disent le contraire. Et ils choisissent ces derniers.




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