table des matières, tome 2
FANTOMES SANS DESCENDANCE



       La fois là, au temps du Comte palatin Georges-Gustave de Veldence, vivait à Rothau une population de Hans, sans attaches, sans famille connue, sans descendance. Aussi haut que vous remontiez dans la connaissance de vos ancêtres, vous ne la rencontrerez jamais. Vous n'en descendez pas. Personne n'en descend. Elle a été, tout simplement, effacée et remplacée.

       Il y a là Hans Bengel, le charpentier ; Philippe, le maréchal, sa femme Catherine, sa fille Salomé ; Etienne et Jean, les tisserands ; Jean le Neubourgeois et sa femme Georgette ; Jean Cosla ; Didier Charpentier ; Bourtran et Toussaint, de la Hautegoutte ; Jehan Blaise ; les Peter ; les Lorentz ; le Kolhmesser, en charge des hauts fourneaux de sa Seigneurie ; et des mineurs aux noms allemands qui ne se mélangent pas aux autres : Seiger ; Lupercker ; Eychhorn ; Weinhardt ; Merckel ; Hiebeler ; Weinkauff ; Offenbach ; Schwarz ; Arweiller ; Baum ; Hossen.

       Le seul dont le nom nous soit familier cinq cents ans après, si nous avons fait notre arbre généalogique, est celui du meunier, Michel Holwegk. Il est donc étrange de l'imaginer vaquer à ses occupations de la façon la plus ordinaire, faire ses affaires, couérailler un instant avec ses voisins sans se douter qu'ils sont déjà autant de fantômes du passé qui déhockent dans le présent sans qu'il en résulte rien à long terme : dans moins de vingt ans, pas eux ne sera vivant, et pas davantage leurs enfants pour ceux qui en ont.

       Déjà, le mois dernier, Monseigneur le Comte palatin a pris des mesures : toute une fournée de sorciers a été brûlée par Meister Bernhard à la Perheux, des jeteurs de sorts venus de toute la seigneurie. Par le sentier venant de la Rothaine, les charrettes menèrent ceux de Rothau, de Neuviller et de Wildersbach. Par l'autre côté, ceux qui restent à Belmont, Bellefosse, Waldersbach et Fouday. Bon débarras !

       Mais ce qui étonne Michel, c'est de n'avoir vu parmi eux aucun de ces Bon d'la de mineurs qui hachepaillent, vivent parmi là dans les buos, fréquentent personne, et tirent leur argent on ne sait d'bell d'où. Monseigneur le Comte ne voit-il pas que c'est d'eux qu'il faudrait d'abord débarrasser le pauvre monde ? Le Ban de la Roche n'a déjà pas de quoi manger à sa faim. Tout est chaque jour plus cher que la veille. Alors pourquoi inviter tous ces batiss comme si le Ban avait les moyens de tenir table ouverte ?

       Michel s'étonne, et même, il commence à s'inquiéter. Il paraîtrait que la famille de Philippe, le maréchal, serait suspecte. Il s'agit maïnté des femmes : Catherine son épouse, la mère de cette dernière et sa fille Salomé. Mais quand même. Ce n'est plus une garantie que d'être un homme. Le mois dernier, trois couples ont été brûlés : les Peter, de Rothau ; les André, de Wildersbach ; et même les Bernard, de Waldersbach, pourtant cousins avec ceux de la justice. Qui sait si Philippe ne suivra pas son épouse. Or, Philippe est maréchal ferrant à Rothau, et un maréchal, c'est presque la même chose qu'un meunier : un vrai métier d'homme, demandant de savoir utiliser des ébêches. Pas un métier de va-nu-pied, de hodé, ou de demi-mendiant.

       Plus inquiet qu'il ne veut se l'avouer, Michel décide que son cheval a besoin de nouveaux fers. Il prend le chemin de la fouarique du Philippe, près de la grande forge des Comtes palatins.

       Comme toujours, il y a foule entre forge et château. Les grébis ont amené minerai et charbon de bois de toute la seigneurie, par de peutes rains. Ils sont épuisés, et leurs fers vayent plus rien. Après avoir déchargé leurs bennes à la forge, les voituriers se retrouvent tous devant chez Philippe, guidant leurs bœufs ou se laissant guider par eux, tant les puissants et paisibles animaux connaissent le chemin.

       Ahoudé, ils regardent bête, mugissent et piétinent, soulevant la poussière du sol. Deux se heurtent, les propriétaires les séparent, sans difficulté d'ailleurs. Les hauts bœufs ne sont pas du genre à se tabourer comme des guelsahs. Mais l'absence des femmes se remarque quand même. Normalement, ce serait à Catherine d'aider à maintenir l'ordre parmi les animaux qui attendent, cependant que la mousotte réussirait à s'échapper plus d'une fois pour caresser tel ou tel de ses bœufs préférés. Ahoudé, Philippe est seul et cela se voit.

       Quand vient son tour, Michel a la gorge serrée. Il n'ose pas interroger le maréchal. Il a compris.

       A quelques mètres, là où l'on est à peu près sur que Philippe n'entend pas, les langues hayent bon train.

       Dans la foule des têtes, Michel distingue la chevelure noire de son parent Noir Hans. Le noir vient aux nouvelles l'air de rien. Il vient de perdre un bébé, qui heureusement avait été baptisé. Malgré cela, le petit corps fut déterré du cimetière de Rothau, pour quelque usage inavouable.

       Le Colas fait part de son peu d'étonnement, à moins que ce ne soit le Claude ou le Jandon : chacun peut voir, chaque dimanche, que Catherine s'ennuie à la moté. Et puis, quelle drôle d'idée d'appeler sa fille Salomé, du nom de la meurtrière de l'enfant miraculeux de la haute sainte de la vallée.

       "- C'est pas un nom de chrétienne, ça
       - Maïnté que si, puisque le prédicant l'a baptisée ainsi."

       L'argument ne porte guère, car tous ne sont pas surs qu'ils soient bien chrétiens, ces Hans de prédicants d'aux heures-ci qui refusent d'obéir au Pape, et qui voudraient même chasser de sa moté le propre fils miraculeux de Sainte Elizabeth.

       Est-on sur qu'ils brûlent les vrais sorciers ? Certains osent même demander s'il n'arriverait pas que les justiciers de Waldersbach appliquent parfois des tortures trop fortes et fassent condamner des innocents.


DOCUMENT

Confession de Catherine, épouse de Philippe le Maréchal
-
Confession of Catherine, wife of Philippe, the blacksmith

Elle a confessé que, passé trois ans, avant qu'elle fut mariée, sa mère lui donna quelque chose en son potage, dont elle perdit toute affection envers Dieu.

Elle a confessé que, bientôt après, le Diable vint la trouver sur le chemin de la Neufville, qu'il s'appelait Piercin, et avait les pieds fendus.

Elle a confessé qu'il lui commanda de renier Dieu et de la haïr de toutes ses forces, ce qu'elle fit. Elle renia aussi le Saint Baptême. Piercin la baptisa autrement et la nomma Noir Diable.

Il lui bailla un autre diable, jeune, nommé Gérardin.

Elle alla au sabbat sur un chien noir que le diable lui amena.

Elle y a vu tous ceux et toutes celles qui ont été justifiés.

Elle a confessé que, passé cinq ou six ans, sa mère, son frère et elle firent mourir leur père en lui donnant du poison dans du miel sur son pain. Elle aida aussi à faire mourir sa mère en la prison avec de la graisse, elle, la mère, le sachant bien ; il y avait aussi un diable Piercin ; elle fit mourir deux autres femmes et une fille.

A la Saint Georges, elle, son frère et d'autres furent au Chesnoy et mirent de la graisse dans une fontaine pour gâter les fruits de la terre.

Elle a confessé aussi que, la Pâque passée, elle fut à la Sainte Cène et bailla l'hostie au Diable, lequel la prit et la jeta au feu, ce qu'elle fit cinq fois.





NICOLAS MARMET, PASTEUR ET JUGE DURANT LES PROCES DE SORCELLERIE

Sa personnalité
MARMET Nicolas
, o vers 1590 à Glay (25), de Claude Marmet et de Sara GRIMOLD ; + le 16 11 1675 à Rothau ; x le 29 9 1623 à Françoise ROSSELET (sans postérité connue dans tous les détails) ; xx à Esther FASSMANN (o le 5 3 1617 à Sainte Marie aux Mines, 67), dont postérité.

- Se désigne lui-même comme "ministre de la parole de Dieu".
- Participe aux procès de sorcellerie en tant que juge.
- Semble avoir fait passer certaines de ses idées lors des procès, par exemple sa crainte qu'un enfant meure sans baptême (deux de ses propres enfants ont été "baptisés au logis en raison de leur faiblesse".) ; ce qui surprend de la part d'un pasteur protestant (normalement, en vertu du dogme de la prédestination, le fait qu'un enfant soit ou non baptisé ne devrait pas influer sur son salut)
- Se caractérise par une intolérance certaine :
1) d'après la tradition orale, il aurait tenté de noyer dans la Chergoutte la statue de Saint Jean Baptiste et aurait du aller la repêcher sous la pression de paroissiennes en colère ;
2) d'après l'archéologie, il aurait fait badigeonner les fresques des églises du Ban de la Roche, qui, étant antérieures au protestantisme, étaient décorées
- il s'intéressait également à l'onomastique, notait volontiers, dans ses registres paroissiaux, les alias en plus des noms (ce qui permet aujourd'hui de résoudre plus d'un petit mystère généalogique), et livrait parfois des tables de concordance (telle que : Kenielle, Königin, Régine ou Reine) ; que ne s'en est-il tenu à cette activité !

Ascendance de Nicolas Marmet

1 Nicolas Marmet
2 Claude Marmet, né vers 1560 à Glay : x 1585 Glay avec Sara Grimmold
3 Sara Grimmold, née vers 1560


Descendance de Nicolas Marmet,
Descendance of Nicolas Marmet, minister in Le Ban de la Roche, and a judge in the withcraft trials

Première génération :

MARMET Nicolas, o vers 1590 à Glay (25), de Claude Marmet et de Sara GRIMOLD ; + le 16 11 1675 à Rothau ; x le 29 9 1623 à Françoise ROSSELET (sans postérité connue dans tous les détails) ; xx à Esther FASSMANN (o le 5 3 1617 à Sainte Marie aux Mines, 67)

Deuxième génération

MARMET Jean Georges
; sans plus de renseignements ; il nous est connu car il est le parrain de Marguerite, fille de Benoit MOREL

MARMET Sara, b le 26 2 1643 en l'église de Waldersbach ; + le 13 1 1715 à Neuviller ; x le 11 10 1670 à Rothau avec Christmann VONIER ( 1643-1703)

MARMET Agnès, b le 9 12 1646 à Neuviller

MARMET Jean-Nicolas ; b le 9 2 1645 à Neuviller ; + le 27 3 1718 à Rothau ; maître tailleur ; x le 16 6 1670 à Rothau avec Anne SCHILT
D'où hence Agnès, Madeleine, Anna-Maria

MARMET Hans ??? (lecture difficile) ; baptisé à la maison à cause de sa faiblesse le 31 octobre (??? Lecture difficile) 1660 et présenté à Dieu en l'église de Neuviller le 5 novembre par Monsieur le gentilhomme Hans Lipp, prévôt, bailli du Ban de la Roche

MARMET Zacharie, né en 1651, baptisé le 30ème (??? Lecture difficile) de novembre à la maison à cause de sa faiblesse et présenté à Dieu le 7ème (???) de décembre.

MARMET Esther, b 11 10 1656 en l'église de Neuviller

Troisième génération

De Sara :
VONIE Régine, o 25 3 1679 à Wildersbach ; + le 11 1 1764 à Neuviller ; x le 21 4 1699 à Jean-Michel MALAISE

De Jean-Nicolas :
MARMET Agnès, o le 5 3 1673 à Rothau, + le 25 2 1718 à Neuviller ; x le 29 9 1695 à Rothau avec Christian NAFZINGUER D'où Anne Catherine

MARMET Madeleine, o le 23 3 1679, + le 17 1 1740 à Slobach ; x à Jean AHNE en 1703)

MARMET Anna-Maria, x le 22 4 1692 à Barr, à Andréas WIDMANN, bourgeois et mégissier

Quatrième génération

D'Agnès :

NAFFZINGUER Anne-Catherine, o le 3 10 1696 à Wildersbach ; + le 4 5 1767 à Solbach ; x le 20 11 1714 à Jacques LOUX (1689-1766, charpentier) ; d'où Barbe (mariée à Jean-Georges HISLER) et Marie (x à Benoit HISLER)





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