Le pasteur Marmet lui-même a-t-il été suspect de sorcellerie ? Il y en aurait éventuellement un tout petit indice, oh ! presque rien, juste une histoire que l'on s'est raconté de bouche à oreille jusqu'à aujourd'hui. D'abord, il faut souligner combien c'est important, quand on est pasteur, de savoir quel jour de la semaine on est. Cela évite, par exemple, de faire le culte le samedi au lieu du Dimanche. Cela peut paraître simple d'éviter cette erreur très ennuyeuse, et c'est vrai que c'est simple pour nous les modernes. Aujourd'hui, un calendrier, cela ne coûte presque rien. Mais la fois-là, c'était un vrai produit de luxe. Est-ce que tu t'imagines, cher lecteur, tous les calculs qu'il y a sous un simple calendrier ? Il faut mobiliser beaucoup de savants pour en faire un chaque année, et les savants, leur travail coûte cher, bien plus cher que ce que peut payer un petit pasteur de campagne. Donc le pasteur Marmet, comme beaucoup de ses collègues, calcule le temps avec les moyens du bord. Juste là, tout est normal, et il n'y aurait rien à redire si la tradition orale avait gardé, comme elle aurait pu le faire, de Marmet, l'anecdote d'un pasteur qui dessine, chaque jour, un bâtonnet sur un vieux bout de papier et qui programme le service divin pour le jour où il a sept bâtonnets. Mais le pasteur Marmet avait une façon très spéciale de compter jusqu'à sept. Il paraît qu'il avait sept balais de sept couleurs différentes. Il en utilisait un par jour pour balayer le presbytère , puis il le rangeait et, le lendemain, il utilisait un autre balai. Et le balai, je te le rappelle, c'est le moyen de transport préféré des sorcières. Lui attribuer autant de balais, c'était peut-être une façon de sous-entendre qu'il était peut être un peu sorcier. Cela n'aurait rien eu d'étonnant dans le contexte de l'époque. On passait très vite des rangs des accusateurs à ceux des accusés. Le mécanisme des procès de sorcellerie avait échappé à tout contrôle. L'autorité ne le maîtrisait plus. C'est d'ailleurs pour cela que, vers les années 1630, elle a donné un grand coup de frein en matière de procès de sorcellerie. Le mot d'ordre était maintenant à la prudence. Il faut dire que la machine infernale avait fini par tourner toute seule et faisait n'importe quoi : par exemple, chez nos voisins catholiques de Molsheim, le collège des Jésuistes s'est trouvé en plein dans l'œil du cyclone ; de dénonciation en dénonciation, il s'est trouvé pratiquement vidé de ses élèves. Alors que c'était la forteresse intellectuelle de la Contre-Réforme ! L'Eglise catholique s'était saignée aux quatre veines pour le mettre en place, et voilà qu'on lui brûlait tous ses élèves ! |