Année 1633. La guerre de Trente Ans prend un tournant décisif dans notre région, puisque les Suédois (protestants) occupent la vallée de la Bruche. Ils sont haïs par la population catholique. Celle-ci reçoit un petit soutien militaire de la part de l'évêque, quelques cavaliers opérant à partir du château de Guirbaden. Se croyant assez forte, elle se révolte en juin 1633. Elle est durement matée. Schirmeck est entièrement incendiée, à l'exception de neuf maisons.
Au Ban de la Roche, on appelle "
sotré" un mauvais esprit en forme de tourbillon. Souvent, il se contente de soulever grains ou poussières dans un champ, et il annonce un changement de temps, dans le mauvais sens bien sur. Mais cette année là, le sotré fut de toute autre dimension.
Car les habitants de Schirmeck et la garnison de Guibaden décidèrent de se venger sur le Ban de la Roche des destructions que les Suédois leur avaient fait subir.
10 août 1633 au soir : 36 cavaliers
kayserlicks venus du
schloss épiscopal de Guirbaden déferlent sur le Ban de la Roche, mettent le feu
parmi là, et anéantissent de nombreux biens seigneuriaux dont la forge.
On est plein été et la récolte est mure. Les habitants de Schirmeck, parmi lesquels sans doute quelques cousins catholiques de Michel Holveck, s'installent comme chez eux pendant une semaine, moissonnent systématiquement la récolte, et
chtraffent les bestiaux.
Les Suédois réagissent en détruisant Guirbaden, mais c'est de Saverne que vient le coup suivant : dans la nuit du 15 au 16 septembre, 120 cavaliers de l'évêque mettent la vallée de la Rothaine à feu et à sang, rançonnant les habitants. Nicolas Parmentier, suspect d'avoir avalé son magot, est éventré. Les autres comprennent la leçon. Le maître mineur Hans Hoss doit payer rançon, de même que le cabaretier Langen Daniel et d'autres encore.
"
On reviendra !" promettent les pillards. Et ils s'éloignent en poussant devant eux ce qui restait de bétail.
Voici donc Rothau absolument sans ressources, privée de sa
fabrique, de sa récolte et de ses troupeaux.
Hans Hoss, le chef mineur, garde quelque temps l'espoir de conserver son emploi ; il fait même savoir, en 1634, que la forge pourrait à son avis être remise sur pied. Mais la famille de Veldence, ruinée, en est incapable.
DOCUMENT Le recensement de 1655
Il s'agit d'un recensement qui ne prend en compte que les chefs de famille, à l'exception de ceux trop notables pour payer l'impôt, comme le pasteur Marmet et le grand prévôt Hans Lipp
Les résultats sont les suivants :
Census og 1655. It takes in account only the family heads, and not those too important to pay taxes, such as the minister Marmet and the grand prévôt Hans Lipp. The results are :
Rothau : Michel Holveck ; Michel Gannier
Neuviller : Hainsel Jorg le prévôt ; Nicolas Beurtrin ; la veuve de Nicolas Simmon ; Michel Groshans ; La veuve de Christman Groshans ; Claude Mougenat ; La veuve de Nicolas Claulin ; Chistmann Matthis ; Jean Grandgeorge
Wildersbach : Nicolas Malaisé ; Valentin Vonier ; Didier Morel ; Nicolas Morel ; Dimanche Nicolas Claude ; Noe Vonier ; Claude Claulin
Belmont : Jorg Schmitt le doyen ; Etienne Steff ; Nicolas Steff ; Didier Schneider ; Nicolas Tabourin ; Veuve Maria Firot ; Veuve Didier Mediats
Waldersbach : Hans Schmitt ; Jorg Wullia ; Hans Schmitt der Jung ; Didier Caquelin ; Dimanche Caquelin ; la veuve de Nicolas Caquelin ; Nicolas Marechal (Bernard)
Fouday : Nicolas Colas ; Hans Muller ; Gladon Hazemann ; Hans Caquelin ; Claus Caquelin
Solbach : Jean Bernard dit Prince ; David Bernard dit Prince ; Nicolas Lux ; Christmann Colla ; Bernard Banzet ; la veuve de Valentin Rochelle
Bellefosse : Ulrich Lang ; Jean Hazemann ; Jean Banzet dit Babilion ; la fille de Claulin Lalmellers ; Hans Neuviller ; Jacob Krieger ; la veuve Ringelsbach ; Nicolas Claude ; Hans Rochelle ; la veuve de Hans Schmitt ; la veuve Hoffmann
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EVOLUTION DES LEGENDES AUTOUR DU CHATEAU DE LA ROCHE
Les légendes autour du schloss de la Roche s'enrichissent encore.
Les événements de la guerre de Trente Ans apportent quelque lumière sur la genèse d'une légende que l'on raconte à Plaine. Dans ce village catholique, on n'aime guère les Hapolahs, et l'on est volontiers prêt à faire sur eux des peutes hablereyeilles. Ce sont des fières fiafes, mais combinées à partir d'éléments vrais.
D'après nos voisins catholiques, donc, le schloss de la Roche état plein de souterrains où l'on torturait les riches bourgeois pour leur faire avouer où ce qu'était moussé leur magot.
Et, toujours d'après nos voisins, ce château, caboulé depuis longtemps a appartenu un jour à trois sauvages princesses, qui pillaient et rançonnaient autant que des chevaliers brigands. L'une d'elles vint à se marier. Durant la fête, on oublia quelque peu de prendre ses précautions, et le schloss fut assiégé et détruit.
La fin du Moyen Age avait, nous l'avons vu, de bonnes raisons de créer cette légende : le château de Schirmeck était réduit à l'impuissance par la pluralité des propriétaires.
Mais le 17ème siècle aussi aurait pu créer cette légende. Peut-être l'a-t-il fait, après tout, à moins qu'il n'ait revivifié une légende ancienne. A nouveau, comme si les choses se répétaient, les éléments vrais fourmillent : il est vrai qu'il y a eu, à partir de Rothau (mais sans responsabilité de la part de ses habitants, qui étant morts), une intense activité de rançonnage (celle de Diebolt Hazard, dont nous parlerons plus loin) ; vrai également que trois princesses (les trois dernières Comtesses palatines de Veldenz) ont perdu le pouvoir, ce qui peut s'exprimer symboliquement par la prise du château.
C'est la combinaison qui est, non seulement fausse mais tout simplement absurde : qui peut imaginer les inoffensives comtesses palatines en seigneuresses brigandes ? Alors, l'imagination recherche la protection de la distance et situe l'histoire dans un incontrôlable Moyen Age.
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