table des matières, tome 3
EXECUTIONS CAPITALES



       Le quatorze octobre 1767, un étranger du Val de Munster, François Staller, est roué sur la Perheux pour avoir tué d'un coup de fusil Didier Nussbaum, et fait plusieurs autres crimes énormes.

       L'exécution a lieu en public, pour servir d'avertissement. On y emmène même des enfants, au grand désarroi de Sara Banzet, témoin de la scène :

       "On dit qu'il faut laisser voir cela aux petits, que cela leur apprend la droiture. Je ne suis pas d'avis. C'est une vision effrayante que la mort d'un homme, et je suis sure que les enfants qui ont vu cette horreur de misère -il n'y avait pas mes petits du poele, merci à Dieu- en resteront marqués durement. J'en suis toute bouleversée et malade, et pourtant, j'ai souvent fermé les yeux, ne pouvant soutenir la vue de l'horrible."

       Sara nous décrit la scène :

       "Monsieur le Greffier, qui était là aussi avec la sentence à la main, la lut en français et en allemand, et le condamné était là, assis, le dos contre la potence, le visage blanc et les membres tout secoués de tremblements. Quand la sentence fut lue, le bourreau le prit par côté et le fit monter sur l'échafaud, où Monsieur le Curé le suivit et lui donna un crucifix entre les mains, sur quoi le condamné à mort demanda encore la prière et l'intercession pour lui auprès de Dieu, alors ils mirent les cordes et, en ayant mis une au col, qu'ils firent passer par dessous l'échafaud, ils l'étranglèrent, sur quoi le plus jeune sauta, prit le fer et lui cassa le bras droit, puis la jambe droite, ensuite la gauche et le bras gauche, et ensuite sur le cœur, et cela aussi vite qu'un éclair.

       Monsieur le Curé oublia son crucifix sur son visage, sur quoi les bourreaux l'eurent encore, et laissèrent quand il fut prêt. Ils le prirent et le mirent sur la roue, et le lièrent là, et il y resta jusqu'à ce que ses os tombèrent tous, l'un après l'autre. Sa tête tomba la première."


       Contrairement à ce que croit Sara, ce n'est pas par oubli, mais par charité, que le curé laisse son crucifix sur le visage du condamné. Nous aurons bientôt l'explication de ce geste.

       Dix-neuf ans plus tard, le 9 mai 1786, c'est Médard Rubbi, dit François Fehlrad, qui est roué au même endroit pour le meurtre de Didier Neuviller, de Waldersbach. La scène est décrite par le pasteur Oberlin, et par une de ses paroissiennes, Catherine Caquelin.

       Comme auparavant, le condamné est étranglé avant d'être roué, mais il semble, d'après Oberlin, qu'il n'ait eu cette "grâce" que de justesse :

       "Médard ne fut pas roué, parce qu'à ce moment, le curé plaça sur sa bouche un crucifix en or, ce qui tenta le bourreau, qui étrangla le criminel pour pouvoir s'emparer du crucifix en or, suivant l'usage qui attribuait au bourreau ce qui se trouvait sur le supplicié au moment de sa mort. Il fut roué après avoir été étranglé."

       L'horreur du supplice choquait de plus en plus les consciences, au point que même la douce Sara Banzet en vient à contester l'ordre public :

       "Je n'aime pas l'ordre royal de justice qui impose tant de cruauté. Je voudrais un monde où les punitions ne seraient pas extrêmes, ne seraient pas définitives comme la mort. Sinon, où le repentir peut-il prendre sa place ? Un jour, le monde changera, ou bien la royauté sera enlevée, il y aura des assemblées comme nos communautés municipales, et les gens parleront, et l'on ne fera pas le mal absolu d'un air tranquille pour se faire croire que c'est le bien."



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