table des matières, Magique Pays de SALM

MIRACLE EN FAVEUR DE LA SAINTE VIERGE



       La fois là, au temps où la terre de Salm ne s'appelait pas encore la terre de Salm, les Bonnes Pierres de Bethléem donnèrent un enfant merveilleux à une vierge nommée Marie.

       Comme elle était sans toit et sur le point d'accoucher, les Bonnes Pierres s'ouvrirent, comme elles savent le faire quand elles veulent, formant une grotte où l'enfant put venir au monde. C'était un enfant divin et même plus : c'était Dieu lui-même. Non pas qu'il ait abandonné sa demeure du ciel et la direction de l'univers, bien sur, mais, comme c'était Dieu, c'était rien pour lui de se dédoubler en deux personnes, le Père et le Fils.

       Or, le Roi Sauvage de la contrée l'apprit, et il craignit que l'enfant-Dieu ne voulût devenir roi à sa place. Il convoqua donc tous ses soldats et leur ordonna de massacrer tous les petits garçons du pays sans en oublier aucun.

       La pauvre Marie n'avait plus qu'à se sauver avec son poupon, qui s'appelait Jésus.

       S'étant perdue, elle arriva dans les environs de Vipucelle, qui ne s'appelait pas encore Vipucelle. Les belles forêts vosgiennes l'effrayaient et, en même temps, la rassuraient. Quel soldat viendrait la chercher ici ? A cette époque, les grands de l'Empire ne savaient même pas que ce pays existait.

       Remerciant les Bonnes Pierres, elle s'apprêtait à installer ici sa demeure, quand elle entendit comme une musique dans le lointain.

       Or, la musique, c'est bien beau, mais souvent, cela annonce un seigneur en déplacement, une meute en train de chasser, et toutes sortes de choses menaçantes pour le petit monde, dont Marie faisait partie. La musique des cors redoubla d'intensité, paraissant plus proche. Marie murmura à son poupon : "Ça me schmecke mie !". Puis elle le souleva et reprit sa route.

       La musique devenait de plus en plus distincte, et des aboiements de chiens commençaient à s'y mêler. C'était la chasse du Roi Sauvage, et elle savait fort bien ce qu'elle chassait, à savoir Marie et le petit Jésus.

       La pauvre femme se mit à courir, aussi vite qu'elle le pouvait, malgré les pentes et les broussailles, mais certes, elle n'allait pas aussi vite que des hommes à cheval et leurs chiens, qui se rapprochaient sans cesse.

       Sa course la mena jusqu'aux abords de Grandfontaine. Les pierres du coin parlent d'elle encore aujourd'hui, surtout celle que l'on appelle la Roche de la Marie des Bois.

       Elle arriva enfin au bord du lac de la Maix complètement épuisée.

       "Assieds toi un instant", lui dirent les bonnes pierres du lac. Et elles formèrent comme un petit siège de pierre que l'on put voir encore longtemps, et que l'on continuait de vénérer au temps de la Gargantine, une femme dont nous reparlerons.

       Bien reposée, Marie put échapper à ses poursuivants, mais les autres petits garçons de la région furent tous tués, certains sans avoir reçu le baptême.

       L'abbé de la région, plus méchant encore que les soldats du Roi Sauvage, décida qu'ils ne pourraient aller au paradis. Pas de baptême, pas de salut ! Telle était la règle qu'il avait instituée et il ne s'en écartait pas. Que les petits innocents soient privés de leur part de paradis, c'était pour lui, bien peu de chose en comparaison de ce qui comptait vraiment à ses yeux, à savoir un respect sans exception possible des lois qu'il avait instituées, et qui réservaient le paradis aux enfants auxquels il avait apposé sa marque.

       Cela, bien sur, les Hautes Pierres n'allaient pas le tolérer. Elles tinrent chapitre au Lac de la Maix pour délibérer du problème.

       "Il me semble, dit d'Aînée des Pierres, que cela ne nous dérangerait guère de permettre que les petits innocents soient posés à notre sommet une seule nuit, le temps pour eux de recevoir le baptême des anges, qui vaut bien celui de l'abbé."

       Les autres en convirent, et ainsi fut fait. Les pierres du Lac de la Maix devinrent des pierres à répit. On y exposait une nuit les petits cadavres, puis on les enterrait à proximité, au cimetière des Innocents.

       Ainsi fit-on au cours des siècles, jusque presque à nos jours. Au dix-neuvième siècle encore, mon lointain cousin, Frédéric-Adrien Wiedemann, propriétaire de l'Hôtel des Deux Clés à Rothau, emmenait encore ses clients en excursion au Lac de la Maix et leur montrait les restes du cimetière des Innocents, que l'on pouvait encore voir à son époque.

       Le petit Jésus grandit et fit des miracles. C'était un très grand saint, peut être plus puissant encore que Saint Matterne, Saint Hydulphe ou Sainte Odile.

       Malheureusement ses ennemis finirent par le rattraper. Comme le raconte la Bible, le méchant abbé de Jérusalem s'entendit avec les Romains du Pape d'alors pour l'accuser à tort ; et, à eux tous, ils réussirent à le faire crucifier.

       Au pied de la Croix, il y avait, pour recueillir son dernier souffle, un ancêtre de la future maison des Comtes de Salm, du moins c'est ce qu'on racontait encore au 18ème siècle. Jean Tanner, auteur d'une Histoire des héros de Sternen imprimée à Prague en 1732, y croit encore dur comme fer.

Qu'est-ce que la terre de Salm ?

Qu'est-ce que la terre de Salm ? La question est difficile, car nous sommes au Moyen Age, à l'époque féodale. La terre de Salm, c'est la terre qui appartient à la famille du même nom. Ses frontières varient donc au gré des acquisitions, ventes et partages. Il y a peu en commun, au point de vue géographique, entre le premier Salm, situé au Luxembourg belge, et la dernière principauté de Salm, aux confins de l'Alsace et de la Lorraine. C'est ce dernier espace qui nous intéressera le plus au plan généalogique. Par convention, dans le présent ouvrage, nous appellerons 'Terre de Salm" le territoire correspondant à cette principauté. Mais il faut savoir que, d'un point de vue politique, la notion de terre de Salm varie énormément selon les époques.

Sans chercher à suivre chaque vente de terrain (on n'en sortirait pas), on peut au moins dégager les grandes lignes suivantes :

Le Comté primitif (Ardenno-Vosgien)
(9ème siècle jusqu'en 1170)

Constitué au neuvième siècle, il est situé dans l'Ardenne belge, où un village de Salm, ou Vielsalm, existe toujours aujourd'hui. Issue de la puissante maison de Luxembourg, la maison de Salm étend ses possessions vers le Sud Est, jusqu'à la région qui nous intéresse (Senones, la Broque, …) sans toutefois qu'il s'agisse d'un espace totalement continu.

Jusqu'à cette date, lorsqu'on dit, "le Comte de Salm", cela veut dire Salm en Ardenne, même si ce Comte possède des terres dans notre région. Le château de Salm en Vosges n'existe pas encore.

Henri 1er de Salm décède en 1170, laissant deux fils :
- Henri II hérite de ses terres vosgiennes
- Ferry hérite de Salm en Ardenne
Il s'agit du premier de ces redoutables partages qui se succèderont tout au long des siècles, ferments de décadence et obstacle majeur aux ambitions de cette lignée, l'une des plus illustres d'Europe, toujours animée de l'ambition de jouer un rôle majeur, ambition que chaque partage oblige à réduire.

Le premier Comté de Salm en Vosges
(1170- vers1247)

Henri II, bien que n'ayant pas hérité du berceau de sa famille (Salm en Ardenne) tient à marquer la continuité et, pour justifier le maintien du nom, il fait construire, vers 1190, le château de Salm, éponyme de la terre de Salm en Vosges, sur une terre que l'abbaye de Senones estime lui appartenir.

Le territoire comprend ce qu'on appelle à l'époque le Saulnois (terre du sel, ce qui donne des noms comme Saulxures et Saales ; grande importance économique) ; la vouerie de l'abbaye de Senones celle de l'abbaye de Vic ; les seigneuries de Blamont et Pierre Percée ; ce qui donne un territoire qui, même amputé de sa partie ardennaise, est nettement plus important qu'aux époques ultérieures

Le deuxième Comté (vers 1247- 1598)

Henri III, fils de Henri II, meurt avant son père. S'ensuit une lutte pour le pouvoir entre Henri IV, fils de Henri III, et Ferry, frère de Henri III et oncle d'Henri IV. S'ensuit un nouveau partage : Ferry garde Blamont mais doit rendre Salm à son neveu ;

Notre Comté, comme on vient de le voir, est amputé de Blamont.; il conserve cependant Morhange, Viviers, Pierre Percée et Salm

Le partage de 1598

L'appétit des abbés de Senones ne se calmant pas, les Comtes de Salm soulèvent la population de la contrée, qui se déclare pour eux.

Dans cette affaire, nous les trouvons alliés à de bizarres personnages nommés Rhingraves, Comtes sauvages du Rhin ou Comtes sauvages de Salm. Il est difficile de s'expliquer comment cette dualité comtale est apparue. L'affaire sent l'usurpation, mais bon : Jean IX l'entérine ; il doit sacrément avoir besoin d'un allié contre les abbés de Senones !

En 1598, la terre fut partagée entre eux deux tout en restant indivise. Frédéric (Comte sauvage de Salm) obtint la moitié de Badonviller chef-lieu du comté, la moitié du village de Celles, du château et du village de Pierre-Percée, Pexonne, Vexaincourt et Allarmont, une partie de Luvigny, Albet, Grandfontaine et Vacquenoux, la moitié du bourg de La Broque, du château de Salm et ses dépendances: Diespach, Champenay et Plaine, le Puid, le Vermont, Saulcy et Le Mont; la moitié du bourg de Senones, le Ménil, Saint-Stail et Grandrupt. Jean IX (Comte de Salm) garde le reste.

Ce partage a quelque chose de virtuel : il ne permet pas de tracer une ligne frontalière entre les possessions de l'un et celles de l'autre, puisque c'est chaque village d'une certaine importance qui est partagé.

Par ailleurs, c'est à peu près au même moment que Christine de Salm, héritière de Jean IX, s'allie à la puissante maison de Lorraine, si bien que sa part est en fait absorbée par la Lorraine. Avec Jean IX, mort sans héritiers mâles, le nom de Salm devrait en théorie s'éteindre, mais il est repris par les descendants des Comtes sauvages.

Le partage du 1 décembre 1751 :

Nouveau partage du territoire entre le prince Nicolas de Salm-Salm et le duc Stanislas de Lorraine. Ce partage trace une frontière nette et corrige, au profit de la principauté, le partage originel de 1598. Le prince obtient la partie de l'ancien comté situé à gauche de la rivière de Plaine à savoir une trentaine de localités : Senones (capitale), Ménil et Saint Maurice-les-Senones, Vieux-Moulin et les Frénot, Allarmont, Albet, La Broque, Grandfontaine, les forges de Framont, Fréconrupt, Vipucelles et Quevelles, Plaine, Champenay, Diespach, Saulxures, Bénaville et le Palais, La Petite-Raon, Paulay, Raon-sur-Plaine, Celles, Moussey, Belval, Saint-Stail, Grandrupt, Le Vermont, Vexaincourt


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GENEALOGIE DES COMTES DE SALM

Observation : aux temps anciens, la généalogie donne toujours matière à discussion. S'y ajoute le fait que le nom de Salm constituait un enjeu politique important et qu'il était revendiqué dans des conditions parfois discutables. En particulier, la famille des futurs Princes de Salm donne l'impression de jouer la confusion.

Pour ce tableau, j'ai choisi de suivre Louis Schaudel, qui m'a donné l'impression d'être sérieux et qui consacre de longs développements à justifier ses sources. Cet auteur estime qu'il n'y a pas de lien généalogique entre les Comtes de Salm d'une part, et, d'autre part, les Comtes sauvages du Rhin, futurs princes de Salm. En d'autres termes, il considère ces derniers comme des usurpateurs.


Génération 1 :

Vigeric (Voiry), Comte du Palais, x Cunégonde, descendante de Charlemagne, dont Sigefroi (Siegfried)

Génération 2 :

Sigefroi ; dont neuf enfants parmi lesquels Frédéric Ier, qui suivra ; Thierry, évêque de Metz ; Adalbéron, archevêque de Trèves ; Cunégonde, épouse de l'empereur Henri II dit le saint ; Eve épouse de Gérard Ier Comte d' Alsace

Génération 3 :

Frédéric I ; mort en 1019 ; Comte du Pagus Mosellensis ; seigneur du Luxembourg ; dont neuf enfants parmi lesquels Gislebert, qui suivra

Génération 4 :

Gislebert, Comte de Salm et seigneur du Luxembourg ; mort le 14 8 1059 ; dont Conrad Ier, Comte du Luxembourg ; et Hermann Ier, Comte de Salm, qui suivra.

Génération 5 :

Hermann Ier ; Comte de Salm ; l'un des seigneurs les plus importants de son époque ; temporairement roi de Germanie (ne put garder cette fonction) ; mort le 28 9 1088 ; x Sophie ; dont Hermann II, qui suivra ; Otton, Comte de Rineck ; Mathilde, Comtesse de Hombourg, fondatrice de l'abbaye de Salival, où les Comtes de Salm sont enterrés

Génération 6 :

Hermann II ; Comte de Salm ; mort entre 1135 et 1138 ; x Agnès de Montbéliard - Bar, riche héritière de la région, qui apporte les terres vosgiennes de la famille, dont le futur Comté de Salm en Vosges et celui de Blâmont ; (de son premier époux, Agnès continue souvent d'utiliser le nom, si bien qu'elle est connue sous les noms d'Agnès de Langenstein, ou d'Agnès de Pierre Percée, ou encore simplement de Comtesse Agnès ; il semblerait qu'elle ait peu apprécié son second époux Hermann II, et ait eu des réticences à porter son nom) ; dont Hermann III, mort prématurément et sans postérité ; Henri Ier, qui suivra ; Thierry, abbé de Saint Paul de Verdun

Génération 7 :

Henri Ier ; x NN (le nom de son épouse donne lieu à controverse) ; dont Henri II, qui suivra, ancêtre de la maison de Salm en Vosges ; et Ferry, qui suivra, ancêtre des Comtes de Salm en Ardennes

Génération 8 :

Henri II ; x Joatte ou Judith de Lorraine ; se croise en 1189 aux côtés de l'Empereur Frédéric Barberousse (de retour en 1190) ; intervient aux côtés de l'Abbé de Senones pour réprimer une révolte des moines contre leur abbé, mais pas sans contrepartie ; sa part dans les revenus de l'abbaye augmente sérieusement à cette occasion ; dont Henri III et Ferry, qui suivront

Génération 9 :

(pour mémoire : Henri III ; mort avant son père, il n'a jamais été investi du pouvoir comtal ; x Marguerite, fille du Comte de Bar, qui lui apporte les seigneuries de Viviers et Morhange ; ambitionnait de devenir Empereur ; mort dans des circonstances macabres : tombé dans le coma après avoir absorbé une potion préparée par les moines de Senones, et après cela enterré vivant ) ; dont Henri IV, qui suivra

Ferry de Salm, sire de Blâmont ; marié avant 1225 ; x la Dame de Dombasle ; xx Jeanne de Bar ; engage la lutte contre Henri IV pour la succession de Henri II ; la lutte aboutit à un partage : Ferry doit abandonner Salm mais garde Blâmont ; il est à l'origine de la lignée des Comtes de Blâmont

Génération 10 :

Henri IV ; x en 1242 à Lorette de Castres, qui lui apporte la seigneurie de Henaupierre (Hunolstein, dans le Palatinat, région de Trèves) ; dont Henri (mort en 1688), Jean, qui suivra, et Ferry

Doit lutter contre son oncle Ferry pour ne pas être dépouillé de son héritage.

Ici intervient le second partage : Ferry obtient Blâmont et Deneuvre ; il est la tige des Comtes de Blâmont ; Henri IV obtient Morhange, Viviers, Pierre Percée et Salm

Génération 11 à 19 :

Jean Ier

Il inaugure une série de Comtes prénommés Jean, de Jean Ier à Jean IX ; ce dernier, célibataire, termine le nom ; il a pour héritière se nièce, Christine de Salm

Génération 20 :

Christine de Salm, x 1597 avec François de Vaudémont ; ce mariage apporte la partie Comtale du pays de Salm à la maison de Lorraine ; même si l'on continue d'utiliser l'expression Comté de Salm, cette région a perdu, de fait son indépendance.

Tel n'est pas le cas de la principauté de Salm, dont les seigneurs ont pour origines les Comtes Rhingraves ou Comtes sauvages du Rhin, dont les liens avec la lignée de Salm sont assez mystérieux. Louis Schaudel estime que ces liens sont inexistants, et que leur mainmise sur une partie du Salm constitue une simple usurpation. Et de fait, ce n'est pas une mince affaire que de démêler la généalogie des Comtes Rhingraves avant Frédéric, père de Philippe Othon, premier prince de Salm. N'ayant pas trouvé sur le sujet d'ouvrage qui m'ait pleinement convaincue, je préfère ne pas me lancer dans l'exercice.



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