table des matières, Magique Pays de SALM

VIVRE A MENIL



       A Ménil comme partout à l'époque, existe le droit de vaine pâture, c'est à dire que le bétail peut pâturer librement, sans se soucier des limites de propriété, dès lors que les récoltes sont rentrées, ou dès lors qu'il s'agit de forêts ne portant pas de culture.

       Ce droit, si important pour les petites gens, est en permanence contesté par les riches, et, au cas qui nous occupe, par les abbés de Senones.

       Le 14 mai 1694, les habitants surpris à laisser pâturer leurs bêtes dans les bois de l'abbaye se voient infliger des amendes.

       Cette fois-ci, cela ne passe pas. C'est tout le village qui s'indigne, tant partie Comté que partie Principauté, et qui envoie une pétition aux abbés, obtenant en fin de compte gain de cause.

       Cette pétition nous donne l'occasion de connaître la liste probablement assez complète des habitants de Ménil en 1694. Il s'agit de :

       Jean Bastien et Nicolas Jacob, choisis comme délégués par la communauté en cette affaire ; Antoine Poirelle, Nicolas Pieron, Joseph Dieudonné, Jean Viriot, Nicolas le Maire, Joseph Pierron, Mengeon Dieudonné dit Pierron, Nicolas Vincent, Mengeon Claudez, Nicolas de Gelingott dit Martin, Curien Benay, Jean Joseph et Nicolas les Humbert, Joseph Idoux, Jean Vernier, Jean Pieron.

       Comme d'habitude, nous observons le grand nombre de prénoms utilisés comme nom de famille : Bastien (Sébastien) ; Jacob (Jacques) ; Pieron (diminutif de Pierre) ; Vincent ; Dieudonné ; Claudez (Claude) ; Idoux (Hydulphe).

       Ces noms changeaient souvent à chaque génération, puisqu'il s'agit en général du prénom du père utilisé comme nom par le fils. D'où l'extrême prudence avec laquelle ces listes doivent être traités. Elles sont intéressantes à connaître, mais, personnellement, je ne m'amuserais pas à y prendre un nom pour l'inscrire dans un tableau généalogique formel.

       Cette liste nous frappe par sa longueur : le village de Ménil, en 1694, est beaucoup plus qu'un hameau. Or, souvenons nous que c'est l'époque où la région, après les différentes guerres du 17ème siècle, se relève lentement.

       Dans un contexte général de démographie faible, Ménil, qui est le contraire d'une métropole, présente au contraire une démographie forte. Ce qui est assez cohérent avec l'époque : on fuyait les "villes" (même si, dans le contexte salmois, c'est un bien grand mot) et l'on préférait les hameaux ou même le fond des bois, plus à l'abri des regards de la soldatesque.

       Bon, revenons en à ce 7 juin 1694.

       Jean Bastien et Nicolas Jacob lisent le mémoire de la communauté en présence du seigneur abbé Dom Pierre Alliot, qui leur demande froidement de prouver le bien fondé de leurs prétention "par titres ou par possessions."

       Comme si les pauvres paysans de Ménil avaient des archives !

       Indignés, ils font valoir leurs "titres" par le nombre et par la voix. Plus de dix anciens du village et des alentours viennent témoigner du droit de vaine pâture qui revient à la communauté de Ménil.

       Ils finissent par obtenir gain de cause. Les amendes sont supprimées, et leur droit de vaine pâture est confirmé, à partager toutefois avec les bêtes des religieux.



MENIL AVANT LA GUERRE DE TRENTE ANS

Le petit village de Ménil a le malheur d'être près, sinon du Bon Dieu, du moins de ses moines : il est situé à deux pas de Senones.

Comme partout dans la région, les moines estiment que tout leur appartient. Si on les écoutait, ils ne laisseraient rien ni aux seigneurs de la région, ni aux manants. Heureusement, avec l'aide des Comtes Jean et Jacques, les paysans obtiennent, en 1466, que les plus petites forêts, les "forestelles", soient communes entre les moines et eux (AV 2 Mi 18 Cartulaire de l'abbaye de Senones.)

Ménil eut le douteux privilège de fournir au bûcher la première en date des victimes des procès de sorcellerie. Il s'agissait, dès 1482, d'Idate, femme de Colin Patenôtre.

A en juger par le nom de Colin Patenôtre, à une époque où le nom se famille se confondait souvent avec le métier, nous pouvons supposer que l'intéressé a, plus souvent qu'un autre, l'occasion de réciter des pater noster pour les vénérables moines. Ce qui n'empêche pas sa femme d'être brûlée pour magie et sorcellerie.



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